Présentation

Pour rappel, cette version bénéficie du même cadre que les modèles S-Works, même fibre Fact11r et même conception. Les versions S-Works bénéficient d'une peinture et d'un vernis spécifiques plus légers et de montages différents.

Hormis cette "signature" donc, nous sommes ici en présence du même cadre que celui utilisé par les coureurs professionnels de Deceuninck-Quick-Step ou Bora-Hansgrohe.

Cette troisième génération de Venge succède au fameux Venge ViAS, qui n'a sans doute pas connu le succès escompté, la faute à un comportement sans doute trop exclusif et une maintenance, pour la version à patins, relativement compliquée.

Pour ce nouveau Venge, la copie a donc été revue, avec à la clef, une plus grande polyvalence avec notamment un poids drastiquement en baisse de près de 500g par rapport au ViAS. Dans le détail, ce sont 240g de gagnés sur le cadre, 25 grammes sur la fourche, quelque 25 grammes sur la tige de selle et 107 grammes sur le poste de pilotage. Point de version à patins pour ce nouvel opus qui a été intégralement conçu autour du système de freinage à disques.

Résultat, mon modèle d'essai, équipé d'un groupe SRAM Force eTap AXS, pèse 7.6kg en taille 54, avec porte-bidons et même le multi-outils qui prend place dans l'un d'eux.

L'essentiel du gain de poids a été réalisé sur les tubes Rider-First Engineered. La marque américaine a mis en œuvre une grande partie des enseignements tirés du développement du nouveau Tarmac, différentes orientations de fibres de carbone et matières par exemple, pour réaliser un Venge non seulement plus léger, mais offrant en plus un rapport poids/rigidité supérieur et une souplesse en hausse de 40 % par rapport au ViAS, quelle que soit la taille du cadre (49-52-54-56-58-61)

Comme cela se fait désormais couramment, les profils des tubes du Venge ont d'abord été testés via simulations informatiques. Ce n'est qu'à l'issue des premières simulations que quelques formes ont été testées dans le fameux Win Tunnel (la soufflerie de la marque) pour arriver à la configuration définitive.

Les haubans sont fixés assez bas au niveau du tube de selle, ce dernier épousant la forme de la roue pour limiter les turbulences aéro. Le tube horizontal est totalement plat sur sa partie supérieure et le tube diagonal quant à lui adopte une forme de type Kamm Tail.

La tige de selle a elle aussi été revue avec un nouveau profil Kamm Tail et la fixation se fait par un serrage intégré sur le tube horizontal.

Mais c'est surtout au niveau du poste de pilotage que l'on constate la plus grosse évolution, Specialized ayant voulu simplifier la maintenance tout en conservant l'aérodynamisme de l'ensemble. En cela, opter pour un freinage à disques devient presque une évidence, les durites pouvant être totalement dissimulées dans le cintre, la potence et la douille de direction.

La toute nouvelle potence Venge a été modifiée afin d'accroître sa rigidité. Bien que la potence du Venge soit compatible avec la plupart des cintres route de seconde monte, c'est avec le tout nouveau cintre Aerofly 2 que le cockpit offre la configuration la plus optimisée aérodynamiquement. Si toutefois un cycliste préfère utiliser un cintre différent, le changement s’effectue facilement. De même, le Venge est également compatible avec la plupart des potences du marché. Une entretoise de transition de potence universelle peut être utilisée à la place des entretoises Venge. Une hauteur supplémentaire peut être obtenue avec des entretoises de jeu de direction 1-1/8” standards.

Le plus visible est le tout nouveau cintre Aerofly 2. Plus léger, plus rigide et plus aérodynamique, avec son dessus texturé qui améliore la prise en main sans avoir à coller du ruban de cintre sur cette partie supérieure. Un décrochement juste après le coude du cintre permet l'intégration du ruban de cintre tout en facilitant la pose.

Cette partie supérieure est très large, à voir si le confort sera bel et bien présent pour une prise en main de longue durée à ce niveau.

Contrairement à un cockpit fait d'un seul bloc (potence et cintre), il est ici possible de régler l'inclinaison du cintre. Un support compteur spécifique vient se fixer dans le prolongement de la potence de façon très réussie.

Vendue 7299€, cette version équipée du groupe SRAM Force eTap AXS est livrée dans un coloris Gloss Teal Tint / Black Reflective dont j'ai tenté de vous faire le meilleur rendu possible au travers des photos. Sans lumière, le vélo est sobre, presque totalement noir avec seulement le marquage Specialized qui ressort un peu. Mais à la lumière, on a droit à de magnifiques reflets marbrés d'un vert presque anglais.

Un kit cadre est disponible au tarif de 4099€.

Equipement

Ce modèle bénéficie donc d'une transmission SRAM Force eTap AXS que j'ai déjà pu tester à plusieurs reprises et qui reprend le fonctionnement de la version Red eTap AXS. Une transmission électronique sans fil qui permet de s'économiser quelques câbles au montage.

Le vélo est livré avec un couple de plateaux 48/35 associé à une cassette 10-33, ce qui permet de voir large en termes d'utilisations. Des sorties toutes plates aux plus grands cols, ça devrait passer.

Le freinage est dévolu à des disques de 160mm. On trouve bien sûr des axes traversants 100x12mm à l’avant et 142x12mm à l’arrière mais sans aucun levier présent pour les desserrer.

Ceci permet de gagner environ 2 watts, mais implique de devoir avoir sur soi une clé allen de 6.

Heureusement, Specialized a prévu le coup puisqu'un multi-outils est présent au niveau du porte-bidon Rib Cage II sur le tube diagonal.

En plus de permettre de desserrer les roues en cas de crevaison, ce multi-tool permettra de parer à de petites réparations ou serrages de dernière minute. Vous avez ainsi toujours sur vous le minimum vital.

C'est parfaitement intégré et bien calé au sein du porte-bidon, même sur très mauvaises route, l'ajout de cet accessoire n'entraîne aucun bruit supplémentaire. A noter que le poids de 7.6kg pour ce modèle est donné avec ce multi-tool.

La selle est un modèle Power Expert de la marque, dotée d'une coque renforcée carbone et de rails en titane.

Terminons par les roues, des Roval CL 50 Disc Tubeless. Un modèle très proche des fameuses CLX50 puisque la jante est identique. En revanche, pour arriver à un tarif plus abordable (1599€ la paire, soit moitié moins que des CLX50), cettejante est associée à des rayons ronds DT Swiss Competition et les moyeux Aero Flange Disc à des mécanismes DT Swiss 350 et des roulements en acier.

Elles ont un profil de 50mm de haut pour une largeur en interne de 20,7 mm et 29,4 mm en externe. Le poids est de 1515g. Une hauteur tout à fait logique pour un vélo destiné à rouler vite d'autant plus qu'avec à peine plus de 1500g sur la balance pour une version pneus / tubeless, elles ne sont pas des poids lourds.

Pour compléter le tout, le vélo m'a été livré avec les derniers tubeless S-Works Turbo RapidAir. Des tubeless qui ont été développés en collaboration avec l'équipe Deceuninck–Quick-Step.

Le but était de concevoir les pneus route polyvalents les plus rapides, les plus légers et les plus résistants aux crevaisons. Ici livrés en 26mm de section, ce sont des tubeless très haut de gamme, à 80€ l'unité. Pour en savoir plus, je vous laisse consulter la fiche produit sur le site officiel.

Mon avis sur ces nouveaux tubeless S-Works Turbo RapidAid fera l'objet d'un article dédié.

Sur la route

Rigide, précis et dynamique sont les adjectifs qui conviennent sans doute le mieux à ce Venge.

Un vélo qui se montre bien évidemment à son avantage sur les parties planes (voire légèrement descendantes) quand le rythme s'accélère franchement. A haute vitesse, c'est un pur régal, avec des roues qui certes, ne se montrent pas aussi véloces que des profils plus hauts (60mm et plus) mais qui offrent moins de prise au vent et sont plus légères.

Plus on accélère, plus le vélo semble facile. Mais comme pour tous les vélos de cet acabit, même si sa conception fait économiser quelques watts, elle ne procurera pas de la puissance supplémentaire au cycliste qui le chevauche. Gare au coup de bâton, car si cette facilité à maintenir un rythme élevé est grisante, on peut tout de même vite y laisser des plumes.

Sa faible masse le rend vif dans les relances et les sprinteurs apprécieront son extrême rigidité. Rien ne bouge, du cadre aux roues en passant par le poste de pilotage, la rigidité est bel et bien présente et il faudra "watter" sévère pour arriver à faire fléchir un seul de ces éléments.

Les changements de braquets se font de manière précise et rapide avec le groupe SRAM Force eTap AXS. J'y retrouve ici une gamme de développements plus en adéquation avec mon niveau. Un 48x10 équivalent à un 53x11 et un 35x33 permettant de passer sur tous les cols. Mais avouons-le, je ne ferai pas de mal au pignon de 10 dents !

Dans les bosses, il ne démérite pas vraiment si celles-ci ne sont pas trop longues et pentues et que vous arrivez à maintenir un bon rythme. En injection, ça passe, mais il faudra conserver une bonne vitesse et une bonne cadence de pédalage.

En revanche, les longs cols ne sont pas son point fort (d'un autre côté, il n'a pas été conçu pour cela).

J'ai pu le découvrir sur les pentes du Mont Ventoux. Quand on est loin d'être un pur grimpeur et que, forcément, le rythme finit par être relativement faible, sous les 11/12km/h, la rigidité du cadre se rappelle à vous. Impossible de faire vivre correctement le cadre ou les roues pour en tirer toute la quintessence.

Non pas que ce soit un mauvais vélo, mais il n'est clairement pas prévu pour cela. C'est une machine qui demande un certain rythme pour se montrer docile et si une faible vitesse peu passer sur quelques minutes, sur près de 2 heures, ce n'est clairement pas une sinécure. On comprend mieux pourquoi les professionnels optent pour un Tarmac sur les étapes montagneuses.

Autre point qui est gênant dans les longues montées où l'on se retrouve majoritairement les mains en haut du cintre, la largeur de cet Aerofly2, sur lequel on ne trouve pas une position très confortable pour les mains. Taillé avant tout pour être aérodynamique, le cintre Aerofly2 est très large sur la partie haute, ce qui n'est guère ergonomique sur un col.

Ce point ne m'avait pas gêné sur toute la durée de mon essai, il n'y a que dans le Ventoux que cela m'a perturbé, étant donné que j'ai passé près de 2 heures avec les mains sur cette partie.

En revanche, bon point pour la partie texturée qui évite aux mains de glisser, même quand on transpire beaucoup.

Passé le sommet, place à la descente. Le Venge est très plaisant à piloter, précis, parfaitement équilibré et avec un freinage puissant.

On prend vraiment du plaisir à enchaîner les virages et épingles ainsi que les bouts droits où les développements aérodynamiques du vélo prennent encore plus leur sens. En roue-libre, on rattrape les collègues de sortie avec facilité.

La confiance est immédiate avec un comportement non piégeux. Si jamais vous avez été un peu trop optimisme sur la vitesse d'entrée en virage, les puissants freins vous permettront de corriger le tir; notamment le frein arrière qui, comme sur une moto, pourra vous aider à virer.

Il faudra être plus attentif en cas de fort vent latéral où les rafales demanderont une attention de tous les instants. L'une d'elles a bien failli me faire partir à la faute dans la descente du Ventoux. Mais il faut dire que le vent soufflait à plus de 80km/h ce jour-là et qu'une rafale prise en sortie de bois, dans un virage, pardonne peu. Même les journalistes équipés de roues de 35mm ont dû élargir leur trajectoire.

Des freins à disques SRAM qui se montrent toujours au-dessus de tout soupçon concernant les bruits parasites de frottements. Même après de gros et longs freinages, on n'entend pas les plaquettes lécher les disques.

Et le confort dans tout ça ? Il sera avant tout déterminé par la monte pneumatique. En effet, il ne faudra pas compter sur le cadre pour filtrer outre mesure sur les chaussées très abîmées. S'il n'est pas "raide", il reste très rigide pour faire passer un maximum de puissance. La partie arrière est plus filtrante que la partie avant, qui elle, se montre inflexible. Sur ce point, j'ose la comparaison, le Trek Madone filtre mieux... mais au prix de plusieurs centaines de grammes en plus.

Là, les tubeless en 26mm de section permettent d'obtenir un peu de filtration sans perdre en performances. Ces S-Works Turbo RapidAir sont véritablement hors normes et méritent pleinement leur signature S-Works... mais ça, j'y reviendrai plus tard.

De même, la selle Power Expert se montre confortable, même après plusieurs heures. Il faudra par contre prendre un peu de temps pour parfaitement la placer en raison de sa faible longueur.

Bilan

Le Venge ne trahit pas son pédigrée, sa réputation n'est pas galvaudée. Le Venge est un vélo créé dans un seul et unique but, aller le plus vite possible.

Et si son positionnement est clairement affirmé pour la performance pure, il se montre plus polyvalent que les générations précédentes, même si, logiquement, la montagne n'est pas son domaine de prédilection.

Reste que le ticket d'entrée pour s'offrir ce modèle est assez élevé puisque il s'agit ici du modèle d'entrée de gamme que j'ai pu tester, à 7299€. Tout le monde ne pourra pas avoir la chance de se l'offrir, mais ceux qui le peuvent auront droit à une machine hyper efficace et parfaitement étudiée pour ceux qui cherchent à gagner quelques kilomètres / heure sur des parcours plat à vallonnés.

Le Venge est probablement un des vélos de route les plus rapides actuellement.