Présentation

Pour ces essais, j'ai pu disposer du modèle haut de gamme S-Works Roubaix muni de la toute dernière transmission SRAM Red eTap AXS. Deux tests en un quasiment, car je vais ainsi pouvoir vérifier si le système d’amortissement du dérailleur Orbit (à base de liquide hydraulique) fait son effet sur les pavés, mais aussi pouvoir essayer cette nouvelle gamme de braquets X-Range avec un pédalier 46x33 et une cassette 10-33.

Pas de « comparatif » en revanche avec la génération précédente de Roubaix muni de la Future Shock 1.0, n’ayant jamais eu le loisir de rouler avec ce vélo. Sur la photo ci-contre à droite, le système Future Shock 2.0 et sa molette de réglage dotée de 8 crans. On aurait pu penser à un réglage en fonction du poids du coureur, mais que nenni, Specialized indique que cela est assez peu utile puisque seuls 15% du poids du coureur se situe sur l'avant du vélo. Donc, avec un cycliste de 50kg, il y a environ 7.5kg sur l'avant et avec un coureur de 80kg, à peine 12kg, peu de différences donc.

Chacun trouvera donc le réglage qui lui convient le mieux en fonction des routes utilisées.

Retour sur le vélo. Esthétiquement, il se rapproche plus d'un Venge que d'un ancien Roubaix. Specialized revendique moins de 900g pour le cadre en taille 56. Pour cet essai, je dispose d'une taille 54. Je n'ai pas pu peser le vélo, n'ayant pu emmener mon peson avec moi.

Côté tarif, c'est très élevé, avec 11199€. On est clairement dans du très haut de gamme. Plus "accessible" un Roubaix Pro muni d'une transmission Sram Force Etap AXS est aussi proposé à 6999€.

Le coloris unique de ce modèle est on ne peut plus discret. Noir, totalement noir. Il n'y a pas d'espoir pour cette année d'avoir un autre coloris pour bénéficier de cette transmission. Seul le lettrage propose quelques reflets irisés du plus bel effet.

Sur les autres versions, d'autres coloris sont disponibles. Pour ma part, le modèle rouge et gris (SWorks Roubaix – Shimano Dura-ace Di2 : 10999€) est sans doute le plus réussi, mais cela n'engage bien sûr que moi :-)

Il existe de nombreux  autre coloris très réussis, mêlant couleurs brillantes et couleurs pailletées, dommage qu'il faille pour cela se contenter d'un type de transmission. Vivement que Specialized propose une option permettant la personnalisation des coloris de son vélo !

Mais quelque-chose me dit que ce type de proposition pourrait bientôt arriver.

Sans surprise, le vélo jouit d'une belle intégration de l'ensemble des gaines et câbles. C'est bien sûr encore plus vrai dans cette version équipée de la transmission sans fil SRAM Red eTap AXS.

Seules les durites de freins avant et arrière sont visibles sous le cintre. C'est propre et parfaitement pensé, on en attendait pas moins.

Tout le vélo est à l'avenant. Sur les versions bénéficiant d'autres coloris que j'ai pu observer durant ces 3 jours, la peinture semble d'excellente qualité.

 

Equipement

Mon vélo est doté de la toute nouvelle transmission SRAM Red eTap AXS (vous pouvez retrouver la présentation détaillée du SRAM Red eTap AXS ici), une première pour moi. Et autant vous le dire de suite, j'y vais avec un certain à-priori concernant la gamme de développements (X-Range), je suis relativement dubitatif.

Plateaux de 46/33 et cassette 10x33 sont au menu. Le pédalier est magnifiquement travaillé et est doté du capteur de puissance Quarq. Si les leviers des freins sont un peu plus massifs que les versions mécaniques de chez SRAM mais aussi que les dernières générations de Shimano Di2, un gros effort a été réalisé. C'est un peu plus massif, mais pas non plus proéminent.

Les dérailleurs sont sobres. Le dérailleur arrière semble un peu plus gros que la génération précédente, mais cela reste tout à fait correct.

Pour un avis complet, retrouvez mon test du groupe SRAM Red eTap AXS.

Mon modèle d'essai n'était pas équipé de pneus Turbo Cotton mais des modèles Turbo tubeless (à ma demande), toujours en 700x28, montés sur les roues Roval CLX32 Disc qui offrent un profil de 32mm de haut tout à fait en adéquation avec le vélo.

Du côté du poste de pilotage, on retrouve la nouvelle potence S-Works Future Stem avec son support compteur, mais aussi le cintre Carbon Hover Drop. Sans doute la seule pièce sur ce vélo qui nuit réellement à l'esthétique de ce dernier. Pour ma part, j'aurai préféré une entretoise de réhausse de plus et un cintre traditionnel, cela aurait sans doute été plus joli.

Sans surprise à ce niveau de tarif, on bénéficie de ce qui se fait de mieux dans tous les domaines, au moins sur la papier, avec le tout dernier groupe électronique de la marque SRAM.

Sur les routes du Tour des Flandres

Pour la première sortie, une boucle de 48 kilomètres (voir la sortie sur Strava) sur les routes du Tour des Flandres. Les pavés y sont présents, mais nettement moins cassants que ceux qui suivront le lendemain. La difficulté réside dans le fait que ces pavés sont en général placés sur des Monts, avec des pentes pouvant dépasser les 15%. Il faut donc un vélo filtrant, mais aussi très dynamique. S’il ne fait pas très chaud, en revanche, il ne pleut pas, les pavés seront donc bien secs.

Avant d’atteindre le premier secteur pavé, nous roulons tranquillement, en compagnie de Johan Museeuw et Yves Lampaerts. J’en profite pour « jouer » avec le SRAM Red eTap AXS et me l’approprier. Mais je vous reparle de tout ça plus bas.

Le vélo se montre de suite très confortable, même avec la Future Shock réglée sur la position offrant le moins d’amorti. Ce système possède en effet 8 crans de réglage, du plus dur au plus souple. Les plaques d’égouts et autres irrégularités de la route sont bien filtrées. J’ai certes des pneus de 28mm montés sur le vélo, mais gonflés tout de même à plus de 5.5 bars. Il est assez difficile de jauger les différences d’amorti entre les 8 positions en passant simplement de l’une à l’autre. Il faudra sans doute plus de temps pour ressentir une différence sur nos asphaltes.

En danseuse, le vélo ne pompe pas de l’avant, ce que je craignais pourtant. La première bosse, sans pavés, se présente à nous. Plus de 10% sur 200m environ. Je reste volontairement sur la plaque, en remontant les pignons. Un autre journaliste français attaque, je tente de prendre sa roue. Le vélo se montre rigide même en danseuse. Je ne ressens aucune sensation de flottement liée à la Future Shock 2.0. Sans être très nerveux, il se montre facile.

On ne se retrouve pas avec un avant trop mou qui déstabiliserait le cycliste. On sent une légère inertie du vélo (8kg avec les pédales), mais cela est sans doute plus dû à la monte tubeless de 28mm. Avec du 25mm, le vélo retrouvera sans doute un peu de dynamisme pour ceux qui affronteraient des routes pas trop cassantes et voudraient un peu plus de rendement.

Boîte de pédalier et triangle arrière se montrent inflexibles, toute la puissance semble passer au sol.

Quelques kilomètres plus loin, un long secteur pavé de près d’un kilomètre et relativement plat. On rentre donc fort dedans, d’autant que les pavés sont assez propres.  Ca tape, forcément. Mais on sent assez nettement la filtration au niveau des mains. A l’arrière aussi, le flex apporté par la tige de selle Pavé équilibre le vélo. Je pense en revanche que pour profiter au mieux de cette flexion, il faudra avoir une sortie de selle correcte et surtout, ne pas être trop léger. Un coureur de 55kg en bénéficiera sans doute un peu moins. Mais sur ce premier secteur, je suis déçu, j’attendais mieux de la Future Shock 2.0.

En fin de secteur, on attend tout le monde. J’en profite pour enlever de la pression sur chaque tubeless, je descends à 4.5 bars à l’arrière, 4 à l’avant. Et je m’aperçois que la Future Shock est réglée sur le niveau le plus dur ! Je n’ai pas pensé à basculer sur un niveau plus souple avant le secteur pavé et les marquages sur le capot sont gris, ce qui ne les rend pas très lisibles, surtout une fois sur les pavés où les vibrations n’aident pas. Un marquage blanc aurait été mieux ou un code couleur, car là, sur ces 3 premiers jours, difficile parfois de se souvenir sur le + signifie plus souple ou plus dur. En fait, c'est plus dur.

 

Je bascule donc sur le niveau offrant le plus d’amorti, d’autant que les Monts vont s’enchaîner rapidement.

Le secteur pavé suivant démontre tout le potentiel de cette Future Shock une fois bien réglée. L’amorti est très nettement palpable. En regardant sous la potence, on voit le caoutchouc protégeant le système se compresser et revenir sans cesse, à chaque pavé.  En restant bien assis pour éviter de perdre en motricité, on sent aussi que la tige de selle Pavé travaille en flexion. Si son amorti est loin d’être équivalent au système Future Shock, il permet de conserver un certain équilibre au vélo, évitant d’avoir un arrière semblant trop raide par rapport à l’avant.

Le secteur suivant, avec une pente à plus de 20% par endroit, oblige à se mettre en danseuse. En 33x33, ça passe bien et la roue arrière ne perd quasiment pas le contact avec les pavés.

Avant le prochain secteur, je me mets quelques fois en danseuse. Ca pompe très légèrement, mais rien de vraiment gênant, le rebond est parfaitement maîtrisé. Bien sûr, si vous devez rouler longtemps en danseuse et sur des routes plutôt en bon état, vous pourrez durcir un peu le système de 4 crans par exemple.

Sur un bout de ligne droite, alors que tout le monde roule tranquille, un Johan Museeuw passe comme une balle avant un virage à angle droit sur la gauche. Le bougre connaît bien la route. Il s’agit d’un secteur pavé en cuvette, que l’on voit souvent sur les retransmissions télévisées du Tour des Flandres. Les pavés n’y sont pas trop méchants, mais le début en descente fait que même nous, amateurs, attaquons le secteur à plus de 40km/h. Dans ces conditions, l’amorti du Roubaix permet d’avoir un vélo étonnamment stable malgré les pavés et la vitesse. Jamais on ne se sent danger. Mains en bas ou en haut, cela permet de remonter les pignons une fois dans la cuvette pour aborder les 300 derniers mètres du secteur à 8% environ. L’occasion de voir que si Johan Museeuw a perdu de sa puissance dans les pourcentages les plus forts, sur les pavés, sa technique lui permet d’être devant tout le monde.

Après quelques autres secteurs pavés, la moto transportant le photographe sur la présentation nous double. Un journaliste (le même qui avait placé une attaque dans la première bosse) arrive à prendre la roue pour prendre la poudre d’escampette. Avec un autre journaliste, nous nous relayons pour le rattraper, et ce plus à plus de 40km/h.

Impossible de dire si, comme l’annonce Specialized, ce Roubaix est plus rapide que le Tarmac SL6, mais oui, on peut rouler vite avec ce Roubaix, sans avoir le sentiment de perdre des watts comme ça peut-être le cas d’un vélo endurance. Car le Roubaix n’est pas un vélo endurance, c’est un vélo offrant de l’amorti mais avec toujours une âme de compétiteur. Un compétiteur de haut niveau.

D’Arenberg au vélodrome de Roubaix

Le lendemain, c’est une toute autre expérience qui nous attend. Les pavés de Roubaix, depuis la tranchée d’Arenberg jusque au vélodrome mythique de Roubaix (voir sortie Strava). Nous allons donc passer sur tous les secteurs finaux, hormis un, trop dangereux.

Ma seule expérience sur les pavés de Paris-Roubaix, ce fut dans la voiture Europcar. Et déjà, on se rend compte que l’Enfer du nord porte bien son nom, et pourtant, il faisait sec.

Aujourd’hui, nous allons rouler sous la pluie. Pas juste une bruine, une pluie assez présente, sur plus de 90kilomètres. De quoi rendre tout le monde un peu nerveux, surtout les moins habiles.

Le premier secteur donne le ton. La fameuse tranchée d’Arenberg. Dans une atmosphère rendue encore plus inquiétante par la brume au milieu du secteur, situé dans la forêt. On en profite pour faire quelques passages sur la première portion refaite. Ensuite, il faut se lancer, et aller jusqu’au bout de la tranchée… et je dois avouer que je n’ai pas réussi. A un moment, j’ai pris le parti d’emprunter le chemin de terre situé sur le côté. Malgré l’amorti du vélo, le fait de voir ces pavés disjoints et rendus glissants par la pluie, avec des portions de boue, me fera préférer la sécurité. Ce sera ma seule « faiblesse » sur cette sortie.

Rien à voir avec les pavés du Tour des Flandres. Ici, chaque pavé provoque un choc dans les roues et aucun n’est à la même hauteur, avec parfois des différences de niveau de plus de 2cm.

Au fur et à mesure des secteurs pavés, on apprécie la stabilité du vélo dans ces conditions exigeantes même s'il ne faut pas se leurrer, bien que très efficace, le système Future Shock 2.0 ne gomme pas ces derniers et ça tape quand même. L'occasion de se rendre compte que les coureurs qui abordent ces derniers avec des vélos démunis de système d'amorti n'ont pas la vie simple !

En repassant de la position la plus souple à la plus dure sur certains pavés, on sent clairement la différence. Non, la Future Shock 2.0, ce n'est pas du flan !

Les pneus Turbo en 28mm de section offrent une excellente accroche, malgré les pavés détrempés et parfois couverts de boue. Je ne me suis fait peur qu'à deux reprises, sur des pavés en dévers et boueux, avec la roue arrière qui glisse légèrement. Mais dans ces conditions, on peut dire que les pneus ont un très bon grip.

Mention très bien pour le support du compteur, qui n'a pas bronché de toute la journée malgré les secousses. Malgré son côté minimaliste, il est bien pensé, permet d'être réglé de quelques degrés en inclinaison et se montre très solide.

Bilan

Sur le papier, ce Specialized Roubaix pourrait vite être cantonné aux seules épreuves pavées, ce qui bien sûr limiterait le public qui pourrait l'utiliser.

Mais ses qualités dynamiques associées à son confort en font un vélo très polyvalent, que nombre de cyclistes pourront utiliser. Seuls les coursiers le trouveront sans doute pas assez incisif. Mais en dehors des cyclistes à la recherche de la performance pure, tous les autres pourraient tomber facilement sous le charme de ce vélo.

En position "dure", le système Future Shock 2.0 se fait oublier (pas de pompage gênant) tout en filtrant les irrégularités de la route. Le cyclosportif pourra s'attaquer aussi bien aux épreuves roulantes qu'aux cyclos montagnardes les plus rudes, sans même à avoir à changer les développements.

Oui, le Specialized S-Works Roubaix est une franche réussite et ne possède à vrai dire que deux défauts, son cintre Hover, qui nuit légèrement à l'esthétique, mais surtout son prix, notamment dans cette version. Le Roubaix Expert équipé de la transmission Shimano Ultegra Di2 est le "premier prix" pour bénéficier du système Future Shock 2.0, avec 5999€. Une alternative déjà un peu plus accessible.