Paroles douteuses

Dans son numéro du 18 au 24 janvier, pas moins de 6 pages lui sont consacrées, rien que ça. Un magazine qui, une fois de plus, fera penser à tous les non spécialistes de la Petite Reine, qu'en plus du dopage chimique, le cyclisme professionnel est désormais gangréné par le dopage technologique.

J'ai toujours émis de gros doutes sur les affirmations de cet homme. Pas sur le fait d'avoir un moteur dans un vélo, ça, tout le monde sait désormais faire. Bosch, Yamaha, Polini et j'en oublie certainement beaucoup. Lui a toujours annoncé que l'on pouvait avoir un moteur indétectable et puissant.

Son vélo E-Powers pèse 10.5kg avec la batterie dans les tubes pour une puissance de 330 watts. Ca descend à 9kg avec la batterie dans un bidon, tout ça pour environ 1h d'autonomie à 250 watts. Bref, on est loin d'un truc indétectable, rien que le poids du vélo fait sourire !

Il va plus loin en montrant un petit moteur de 5cmx2cm (en bas au centre sur le page à gauche) qui développerait 140 watts, adossé à une batterie de 300 grammes, 2 centimètres de diamètre et 4 centimètres de longueur qui permettrait une autonomie de 5mn (80000€ le kit tout de même !).

Mais là encore, personne pour aller mesurer tout cela sérieusement, on croît Monsieur Varjas sur parole.

Idem quand il parle, dans un 3ième reportage de Thierry Vildary, d'un moteur caché dans un moyeu. Du jamais vu selon le journaliste. On voit la roue tourner, en tressautant tellement elle est mal équilibrée, avec un énorme moyeu. Impossible donc qu'un coureur professionnel utilise cela, trop visible. Varjas annonce, que dis-je, réinvente la physique, avec 3000 watts dans un si petit moteur. Imaginez donc, cela représente 4 chevaux vapeur ! Bon, après, peut-être est-ce possible sur 0.5 seconde, puissance de crête donc...

Effets d'annonce

En 2016, il avait prévu de dénoncer des coureurs et des équipes ayant recours à l’utilisation de vélos électriques dans le peloton professionnel. Depuis, silence radio. Sans doute trop occupé à sillonner l'Europe voire le monde pour vanter les mérites de son vélo E-Powers et attirer toute la lumière d'une caméra de journaliste pour une interview.

Jamais il ne parlera car au final, Varjas semble plus avoir un égo démesuré qu'un réel réseau.

Le Monde l'indiquait en janvier :

Les propos comme les compétences de l’ingénieur sont soumis à caution, comme nous l’avions remarqué durant notre enquête en 2016, durant laquelle plusieurs interlocuteurs de M. Varjas avaient mis en doute son honnêteté.

et une roue électromagnétique qui ne tourne pas

S'il est un domaine où Stefano Varjas sait faire parler de lui, c'est bien la roue électromagnétique. Une roue qu'il montre à tous les journalistes depuis plus de 2 ans maintenant, mais qu'il n'a jamais montré en fonctionnement.

Il avance un tarif, dit qu'elle fonctionne et nous montrant simplement cette roue avec la jante carbone découpée par endroits et bricolée de quelques fils et circuits électriques.

J'avais en partie démontré que cette roue n'est pas pour le moment fonctionnelle dans mon article "La roue électromagnétique possible en théorie, bien moins en pratique".

La roue seule ne suffit pas, il faut aussi des électro-aimants placés sur les haubans ou les bases et qui passent très près (quelques millimètres) de la roue... et accessoirement une batterie pour alimenter tout cela.

Comment aucun journaliste n'a demandé à la voir fonctionner ?

Et l'UCI dans tout ça ?

L’ancien coureur professionnel Jean-Christophe Péraud, nommé Manager Matériel et Lutte contre la fraude technologique au sein de l'UCI, a déjà rencontré des ingénieurs du Commissariat à l’Energie Atomique, de l’institut Fraunhofer en Allemagne ou des fabricants de machines à rayons X.

Il a rendu visite à M Varjas en compagnie d'un ingénieur du CEA, résultat, rien de probant. Aucun moteur réellement indétectable et fonctionnel n'a pu être montré.

Si l'UCI est consciente que son système de tablettes n'est pas parfait (elle a d'ailleurs depuis mis en place d'autres systèmes), le nouveau président, David Lappartient, semble prendre très au sérieux le problème et s'entoure des meilleurs spécialistes pour trouver des solutions et lutter contre la fraude technologique.

Une chose est sûre, Varjas ne fera pas partie de ces spécialistes. Il voulait intervenir à une conférence UCI consacrée à la fraude technologique, mais seulement si la marque de ses vélos était clairement affichée et citée. Le dévouement de cet homme pour lutter contre la fraude passe largement après ses besoins de communication.

Crédit photos : Philippe Petit / Paris Match