L'exercice n'était pas anodin pour David Lappartient, Président fraîchement élu de l'Union Cycliste Internationale. 6 mois jour pour jour après son élection, il veut marquer le coup, bien embarassé par le cas Chris Froome qui tarde à se régler.

Depuis quelques années (2010), on parle de potentiels cas de triches dans le peloton professionnel au moyen de moteurs cachés. Si aucun cas n'a été avéré pour le moment en World Tour, l'UCI a tout de même voulu renforcer les moyens actuels (tablettes magnétométriques) qui peuvent montrer leurs limites s'ils ne sont pas utilisés correctement.

Pour s'atteler au problème de la fraude technologique, David Lappartient a rapidement fait appel à Jean-Christophe Péraud, qui aura eu tout juste quelques mois pour savourer sa retraite. Depuis novembre 2017, Jean-Christophe s'est entouré de nombreux spécialistes afin de pouvoir mettre en place le dispositif le plus adapté.

Ainsi, pour la saison 2018, l’UCI déploiera un système utilisant l’ensemble des méthodes de détection actuellement disponibles.

Les tablettes magnétométriques resteront utilisées, car c'est un système portable facile à déployer et qui permet, dans un temps très court, de contrôler de nombreux vélos.

Une formation complémentaire a été donnée à l'ensemble des commissaires techniques UCI au début du mois de février afin de limiter les erreurs. La qualité du scannage prévaut désormais sur la quantité.

Les caméras thermiques resteront elles-aussi à l'ordre du jour puisqu'il s'agit du seul moyen de contrôler des vélos en course et ces dernières peuvent aussi bien être utilisées depuis un point fixe en course que depuis une moto. Cela permet de cibler des vélos suspects qui seront à contrôler à l'arrivée.

Unité à rayons-X

l’UCI s’est dotée d’un caisson mobile à rayons X spécialement conçu pour la lutte contre la fraude technologique.

Totalement sécurisé pour ses opérateurs et le public, cet outil sera transporté de course en course tout au long de la saison. Capable en cinq minutes de produire une radiographie complète d’un vélo, cette technologie sera utilisée pour valider la performance des meilleurs coureurs et dissiper la suspicion autour des résultats.

Développée avec le concours de VJ Technologies, fournisseur confirmé de solutions basées sur la technologie à rayons X pour les secteurs de l’industrie automobile, de l’aérospatiale, de l’énergie, du nucléaire et de l’armement, la méthode a obtenu les autorisations nécessaires à son utilisation dans les principaux pays organisateurs d’événements cyclistes.

Grâce à ces trois méthodes, complémentaires, l’UCI disposera dès cette saison du plan d’action le plus robuste jamais mis en place pour contrer la fraude technologique, avec des contrôles prévus sur 150 jours et répartis sur tous les continents. Toutes les disciplines et catégories d’âge seront concernées.

Comme on peut le voir sur le visuel ci-dessous, les rayons X ne laissent aucun doute quant à la présence d'un moteur ou pas dans un vélo. Un technicien n'aura aucun mal à voir s'il y a quelque-chose qui cloche.

Un partenariat UCI / CEA Tech pour le futur

On le sait, les tricheurs ont souvent un voire deux coups d'avance sur les organismes de contrôle. A cette fin, l'UCI a noué un partenariat avec CEA Tech. CEA Tech crée des technologies avancées pour améliorer la compétitivité des entreprises par l’innovation, la performance et la différenciation des produits et des services, ou en leur ouvrant de nouveaux marchés.

En s’appuyant sur cette expertise technologique, le partenariat entre l’UCI et CEA Tech vise à identifier la technologie magnétique optimale pour concevoir un dispositif de détection de moteur électrique embarqué sur le vélo, offrant une observation en temps réel et en continu sur l’intégralité d’une course.

Pour renforcer son arsenal de lutte contre la fraude technologique, l’UCI travaille aussi sur un outil de détection portatif, basé sur la technologie de la magnétométrie, aisément déployable auprès des Fédérations Nationales. L’UCI envisage enfin de se doter d’un moyen de localisation du matériel (cadres et roues) à partir de la méthode des ondes radioélectriques (RFID).

Le but serait de marquer tous les éléments d'un vélo avec un numéro unique qui pourrait être vérifié au moyen d'un outil de lecture portable.

Pour combattre la fraude aux niveaux inférieurs (l'actualité récente nous a prouvé que cela existait), l'UCI fournira aux Fédérations Nationales des appareils portatifs conçus avec plusieurs magnétomètres avec un rendu visuel du champ magnétique, ce qui permettra de pouvoir différencier facilement le champ des moteurs des autres signaux, plus faibles.

Tout coureur devra donc s'attendre à être potentiellement contrôlé, même au niveau amateur.

Le Président de l’UCI David Lappartient, a déclaré :

Six mois jour pour jour après mon élection, l’UCI délivre un message fort à la famille du cyclisme avec ce plan d’action contre la fraude technologique. Grâce aux méthodes actuelles et aux autres en cours de développement, nous nous dotons d’un dispositif à court et moyen terme qui rassurera les parties prenantes, les fans et les médias. Comme je l’ai dit à de nombreuses reprises, notre volonté consiste à prouver que ces moteurs n’existent pas dans le sport professionnel, et ainsi, à valider les performances de nos athlètes. Conformément à mon engagement de campagne, nous nous donnons aussi les moyens de soutenir les Fédérations Nationales au niveau des compétitions nationales et amateurs. Je tiens à remercier les partenaires qui s’engagent avec nous pour financer cette lutte contre la fraude technologique, à savoir l’ensemble des acteurs du cyclisme professionnel parmi lesquels Amaury Sport Organisation (ASO) pour sa contribution spécifique, qui se concrétisera également par une collaboration étroite sur leurs différentes courses pour tester nos différentes méthodes en développement. Garantir la crédibilité de notre sport restera l’une des priorités de mon mandat, et l’annonce de ce 21 mars 2018 est un pas déterminant en ce sens.

 

Membre du Comité Directeur de l’UCI, et Président de la Commission Matériel et Lutte contre la fraude technologique, Bob Stapleton a dit :

Nous avons travaillé dur depuis six mois, avec les membres de la Commission et Jean-Christophe Péraud, pour renforcer notre arsenal et répondre à un certain nombre de problématiques dans la lutte contre la fraude technologique : valider la performance, évacuer la suspicion et créer un effet dissuasif. Le dispositif dévoilé aujourd’hui comprend des méthodes éprouvées, efficaces et complémentaires, utilisées dès 2018, et des pistes de recherche ambitieuses qui nous placeront encore plus à l’avant-garde dans ce domaine.


Jean-Christophe Péraud, Manager Matériel et Lutte contre la fraude technologique, a déclaré :

Dès ma nomination en novembre dernier, mon équipe et moi-même avons pris cette thématique à bras le corps afin de matérialiser au plus vite les engagements pris par notre Président. Je suis aujourd’hui confiant que les méthodes déployées dès cette année, notre partenariat avec le CEA et le développement futur de moyens de détection infaillibles nous aideront à renforcer la confiance dans notre sport.


Gabriele Fioni, Directeur adjoint de CEA Tech a dit :

Le CEA est un pionnier de la recherche technologique, et en particulier dans la magnétométrie, avec plus de 50 ans de recherche et développement dans le domaine. Nous sommes aujourd’hui très fiers d’appliquer l’un de nos savoir-faire au service de la filière cycliste. En maîtrisant l'intégration et la combinaison de nos différentes technologies, du capteur au système, nos ingénieurs-chercheurs offrent un potentiel d'innovation unique pour proposer, à l’UCI et aux acteurs de la filière sportive, des dispositifs qui leur permettront d’effectuer par eux-mêmes d’éventuels contrôles en temps réel.

 

Crédits photos : UCI & Thomas Maheux