Avouez qu'il y a pire pour passer l'hiver à tester le nouveau groupe Dura Ace. Un Trek Domane SLR dans sa version Race Shop Limited Project One en carbone OCLV 700.

Je remercie au passage Trek France qui m'a mis à disposition ce vélo dès qu'il a été disponible en test dans cette version Dura Ace R9100.

Mais je ne suis pas là pour vous parler de ce vélo, mais "seulement" du tout dernier groupe Shimano Dura Ace, dans sa version mécanique avec freins traditionnels à patins. Nous verrons sans doute plus tard pour les versions à disques.

Ce groupe R9100 est annoncé à 2097g contre 2101g pour la version précédente 9000. Shimano n'a donc pas cherché à alléger la transmission. L'objectif, toujours plus de rigidité, de souplesse et de précision dans le passage des vitesses. Normalement, tous les composants R9100 sont compatibles avec le groupe 9000.

Côté esthétique, je reproche le fait d'être passé au tout noir. On perd, selon moi, l'aspect "luxueux" donné par le mélange noir/alu satiné des précédentes versions. Et on perd aussi ce qui faisait l'exclusivité du Dura Ace par rapport aux Ultegra par exemple, de couleur unie. Nous verrons comment Shimano arrive à conserver ce côté exclusif du Dura Ace par rapport au petit frère, qui devrait sans doute sortir en fin d'année dans sa version 6900.

Pédalier

C'est la partie de la transmission qui est en général la plus visible, celle par laquelle on distingue un groupe d'un autre, tout au moins chez Shimano.

Alors que certains avaient supputé que ce coloris cacherait des manivelles carbone pour cette nouvelle version, Shimano reste fidèle à l'alliage d'aluminium. Ce pédalier conserve le format à 4 branches asymétriques apparu sur le groupe 9000, qui permet d'utiliser des plateaux allant du 34 au 55 dents.

Un pédalier qui troque donc la robe bicolore pour un noir brillant intégral.

Ce qui saute aux yeux, c'est la largeur des manivelles, notamment côté plateaux. Aucun doute, elles sont plus larges. Côté manivelle seule (gauche), l'augmentation de largeur est limitée, passant de 38.6mm à 40mm. Mais côté pédalier, en prenant la mesure au niveau du passage du grand plateau (50 dents), on passe de 41 à 49mm. Près de 20% d'augmentation.

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Dura Ace 9000 au premier plan, R9100 au second plan. La différence de largeur des manivelles saute aux yeux.

 

Cela se traduit par une augmentation de poids de seulement 7g. Une prouesse. Il est disponible en 7 longueurs de manivelles de 165mm à 180mm. Petite modification technique pour le petit plateau qui se voit déplacé de 0.4mm vers l'intérieur, ceci afin d'offrir un meilleur alignement de chaine.

Sur la route, on n'est pas déçu. Même en passant du petit au grand plateau en force, rien ne bronche, ça passe comme une lettre à la poste. Il faut dire que je n'avais déjà rien à reprocher à la précédente version...

La peinture noire semble de très bonne qualité puisque même l'utilisation de couvre-chaussures épais durant l'hiver n'aura pas marqué le pédalier. On regrettera simplement l'obligation d'utiliser les couples de plateaux prévus par Shimano, à savoir 50-34, 52-36, 53-39, 54-42 ou 55-42. Chaque couple de plateaux étant prévu pour fonctionner ensemble, le grand plateau étant usiné spécifiquement en fonction du petit plateau, tenter d'utiliser un grand plateau avec un autre petit plateau que celui prévu, c'est s'exposer à des risques de blocage de la chaine entre les deux plateaux.

Dérailleur avant

Le groupe Dura Ace 9000 avait inauguré un tout nouveau design pour le dérailleur avant avec un bras plus long au sommet duquel était fixé le câble.

Qui dit bras de levier plus long, dit force à exercer moindre pour déplacer la fourchette du dérailleur pour passer du petit au grand plateau. Et c'était en effet le cas avec une facilité déconcertante. Mais l'écueil de ce système est qu'il arrivait que lorsque le dérailleur était sur la position grand plateau, le câble vienne toucher le cadre ou le pneu, notamment depuis l'avènement des grosses sections de 25 voire 28mm.

Sur certains cadres, ça ne posait pas de souci, mais sur d'autres, il était très difficile d'éviter que ça touche une de ces deux parties. Les ingénieurs Shimano ont donc planché sur le sujet et ont réussi à se passer de ce long bras tout en conservant la souplesse du changement de plateau.

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Ancien dérailleur 9000 avec bras long au premier plan, nouveau R9100 au second.

 

Un dérailleur avant plus compact et qui bénéficie d'une amélioration intéressante, la possibilité de régler la tension de ce dérailleur avant sans avoir à passer par une molette dédiée sur la gaine. La tension se fait à l'aide d'une simple clé allen 4mm.

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Le réglage des butées hautes et basses étant quant à lui déporté sur l'intérieur du dérailleur, juste au-dessus de la fourchette.

Je doutais que le système puisse être aussi performant qu'avec un long bras de levier, et pourtant, Shimano a réussi. Si le dérailleur n'est pas plus léger (69g contre 66g pour le 9000), on gagne en compacité et on évite d'avoir le câble qui touche soit le pneu, soit le cadre ou encore le mollet (ne vous fiez pas aux photos, le câble doit normalement revenir vers l'arrière et non être sur le côté).

Shimano reste fidèle à la position intermédiaire du dérailleur possible depuis le levier, que ce soit sur le grand plateau ou le petit, afin de limiter les bruits parasites de la chaine contre la plaquette interne ou externe de la fourchette.

Extrêmement rigide, ce dérailleur permet même de passer du petit au grand plateau en force, sans relâcher la pression sur les pédales. C'est déconseillé, mais ça fonctionne quand même.

Dérailleur arrière

Il s'agit de la pièce qui a le plus évolué sur le groupe, puisqu'elle hérite de la technologie SHIMANO SHADOW RD issue du VTT.  Cette technologie permet de loger le corps du dérailleur sous la cassette.

Vu de dos, le dérailleur dépasse à peine par rapport à l'écrou de blocage rapide, ce qui devrait offrir une meilleure protection en cas de chute.

Mais surtout, ce montage de type Direct Mount permet de rigidifier encore un peu plus l'ensemble. Ce qui sera encore plus vrai quand de futurs cadres sortiront avec des pattes Direct Mount prévues pour ce montage. Un gage de précision quand on sait combien les dérailleurs 11 vitesses se doivent d'être très rigides pour être très précis.

Shimano va-t-il imposer ce nouveau standard comme il l'a fait pour les étriers de freins Direct Mount ?

Autre évolution de ce dérailleur, sa chape rallongée permet d'utiliser sans problème la nouvelle cassette 11-30, voire même une 11-32, sans avoir à passer par un autre modèle type Ultegra. Une véritable demande des coureurs professionnels, qui utilisent à l'année une cassette 11-28 mais doivent parfois opter pour des plus grosses dentures pour les cols les plus pentus. SRAM était jusqu'à présent le seul, avec son WiFLi, à proposer des cassettes 11-32 pour les pros. Cela choquera les puristes pour le côté esthétique, mais sincèrement, on s'y fait très vite.

Shimano passe désormais officiellement à un dérailleur acceptant un grand pignon de 30 dents, mais après avoir testé, une cassette 11-32 passe parfaitement bien aussi. C'est limite côté réglage du dérailleur, mais parfaitement fonctionnel. A 158g, il pèse le même poids que la version 9000.

A l'usage, ce dérailleur se révèle tout aussi précis et souple que son prédécesseur. En revanche, le changement de roue arrière demandera un peu plus d'attention puisque le dérailleur reste sous la cassette au lieu de basculer vers l'arrière automatiquement. Il faudra donc le basculer manuellement sur l'arrière pour pouvoir sortir la roue. Idem en sens inverse.

Leviers

Les leviers changent assez peu esthétiquement, même s'ils s'affinent de façon minime. Pas de révolution ergonomique, Shimano reste sur la même lignée. En revanche, c'est à l'intérieur que ça change, avec une course du grand levier réduite de 25%. Pour un changement des vitesses plus rapide et surtout, une plus grande facilité pour remonter de deux ou trois pignons à la fois. Il faut moins de mouvement de la main.

Le tour de force de Shimano, c'est d'avoir réussi à offrir exactement le même encombrement pour les leviers hydrauliques que ces versions pour freins sur jantes. Une sacrée performance puisque les leviers pour freins hydrauliques doivent contenir le réservoir hydraulique.

Ces leviers adoptent de nouvelles cocottes avec un revêtement plus adhérent par temps sec ou humide. La finition s'améliore un peu avec surtout la disparition d'une partie légèrement saillante sous l'ancienne cocotte, derrière le levier, qui pouvait gêner. Là, c'est totalement lisse.

Shimano en a profité pour agrandir un peu le petit levier qui sert à descendre les vitesses pour le rendre plus facile d'accès et sa course a elle aussi été revue à la baisse de 14%. Mais ce n'est pas tout, puisque il passe d'une matière plastique dure à une matière plus douce, gommée. Cette dernière est plus agréable à utiliser. Même par temps de pluie ou avec les mains trempées de sueurs, les doigts ne glissent pas.

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A gauche, l'ancien levier 9000, à droite, le nouveau.

 

Enfin, Shimano offre la possibilité de régler la garde du levier de freins pour s'adapter même aux mains les plus petites. Il faudra passer pour cela par une vis située sur le dessus du levier, sous la cocotte, à l'aide d'un tournevis plat.

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En bas, l'ancien levier 9000, en haut, le nouveau.

 

Une fois de plus, pas de gain de poids, on reste à 365g la paire.

A l'usage, la finesse des nouveaux leviers ne saute pas aux mains. Par contre, la cocotte est plus agréable, mais surtout, c'est le petit levier pour passer du grand au petit plateau (ou passer sur un plus petit pignon sur le levier droit) qui gagne en confort avec sa nouvelle texture.

Etriers

S'il est un domaine où Shimano a longtemps été cité en référence sur son Dura Ace, c'est bien pour ses étriers et leur puissance de freinage.

Shimano a encore réussi à rigidifier un peu plus ses étriers, notamment en version Direct Mount, tout en gagnant 5 grammes sur la paire.

Le levier d'ouverture de l'étrier permettant de dégager de l'espace pour sortir la roue, a lui aussi été modifié.

En position fermée, le levier vient se fondre sur l'étrier. En revanche, il n'y a plus de cran intermédiaire entre la position ouverte et la position fermée. Mais au final, ça ne gène en rien puisqu'on peut plus facilement trouver la position intermédiaire la plus adaptée.

Des pneus en 28mm de section passent sans aucun problème comme j'ai pu le constater avec le test des pneus Vredestein Fortezza Senso Xtreme Weather 28mm.

L'espace laissé libre laisse même à penser que des pneumatiques de 30mm pourraient passer, mais tout cela dépendra bien sûr du couple pneu/jante.

Dans leur version Direct Mount, le réglage se fait via cette vis allen (photo de gauche), permettant de parfaitement positionner les patins afin qu'ils touchent la jante en même temps.

L'avantage du Direct Mount, c'est qu'une fois réglé, ça ne bouge plus.

Puissance et progressivité sont toujours de très haut niveau. La rigidité des étriers permet d'avoir toujours une grande facilité pour le dosage, même si on est amené à freiner très fort. Si on rajoute à cela la possibilité de régler la garde des leviers de freins, on arrive à un système très aboutit que chacun pourra prendre en main facilement.

 

Chaine et cassette

Pas de changement de ce côté, si ce n'est l'arrivée de la tant attendue cassette 11-30 alors que jusqu'à présent, il fallait se contenter d'une cassette 11-28 ou aller piocher dans de l'Ultegra mais avec une 11-32 comportant de trop importants sauts de dentures !

La cassette est conçue autour d'une étoile en aluminium et les 5 plus grands pignons sont en titane.

Disponible en 11-25, 11-28, 11-30, 12-25 et 12-28, la cassette est annoncée à 175g en 11-25.

  • 11-28 dents : 11-12-13-14-15-17-19-21-23-25-28
  • 12-28 dents : 12-13-14-15-16-17-19-21-23-25-28
  • 11-25 dents : 11-12-13-14-15-16-17-19-21-23-25
  • 12-25 dents : 12-13-14-15-16-17-18-19-21-23-25
  • 11-30 dents : 11-12-13-14-15-17-19-21-24-27-30

Une nouvelle chaîne HG-X11 SIL-TEC est inaugurée avec ce groupe. Elle bénéficie d'une forme asymétrique spéciale et d'un traitement SIL-TEC sur la plaque/le rouleau pour des changements de vitesses fluides, rapides et précis. A vrai dire, difficile de dire si la chaine améliore sensiblement la transmission, toujours est-il que les changements sont précis, rapides et silencieux.

Coloris

Jusqu'à présent, Shimano a toujours laissé apparaître fièrement la couleur "alu" sur son groupe Dura Ace, de façon plus ou moins complète.

Sur le Dura Ace 7900 et 9000, Shimano avait déjà utilisé de la couleur noire mariée à de l'aluminium poli du plus bel effet. Mais pour ce Dura Ace 9100, Shimano a opté pour du noir brillant intégral. Ce fut pour moi une grosse déception lors de la présentation. Un coloris qui laissait à penser que la marque avait voulu augmenter quelque peu sa marge en se passant d'un coûteux polissage.

Mais en réalité, il n'en est rien. L'anodisation noire est parfaite et on semble loin d'une finition au rabais. Rien à voir par exemple avec un Ultegra ou même un 105, même si ces derniers sont bien finis. Le Dura Ace reste un cran au-dessus, même dans sa finition.

Bilan

Fidèle à sa tradition, ce tout nouveau groupe Dura Ace ne déçoit pas. Hormis ceux qui sont à la recherche du light, puisque ce groupe 9100 ne permet qu'un gain minime de 4g par rapport à la génération précédente.

Plus qu'une révolution, ce nouveau groupe mécanique est une évolution par rapport à la version 9000, qui était déjà un modèle de précision, de puissance de freinage, de rigidité et de souplesse. On appréciera surtout la venue d'une cassette 11-30 et quelques menues améliorations esthétiques ou ergonomiques.

Ceux qui possèdent le groupe 9000 n'auront pas grand intérêt (sauf à vouloir la toute dernière version) à troquer leur ancienne transmission pour celle-ci. Mais ces derniers pourront toujours mettre à jour leur groupe par petites touches ou au gré de l'usure (ou des chutes), puisque les composants 9100 sont tous compatibles avec la génération 9000.

Néanmoins, les adeptes Shimano ne seront en aucun cas dépaysés et encore moins déçus par le nouveau fer de lance de la marque nippone.

Son prix public conseillé est de 2200€, mais on le trouve déjà en ligne à moins de 1750€.

Après ce test, je n'ai plus qu'une seule hâte, essayer le groupe électronique R9150 Di2 (qui se négocie à 3000€ environ) car ce dernier semble offrir de nettes améliorations par rapport au Di2 actuel. Pas étonnant, quand on voit comme la concurrence est rude dans le domaine, avec les groupes Campagnolo Super Record EPS ou SRAM Red eTap.

Une fois de plus, merci à Trek France de m'avoir offert l'opportunité de tester ce groupe sur ce magnifique Trek Domane SLR !