Direction Annecy pour la présentation de ce moteur X-Tend, dans les locaux de Mavic, à Chavanod plus exactement, où une dizaine de journalistes venus de toute l'Europe étaient conviés. Un lancement surprise et atypique puisque, pour une fois, nous avions droit à la présentation d'un produit non pas destiné directement aux consommateurs, mais à la première monte (OEM), à savoir les constructeurs de vélos.

Un projet qui a débuté en 2016 au sein du département Recherche et Développement. 7 ans, cela semble long, mais n'oublions pas qu'en 2019/2020, Mavic a connu un "trou d'air", s'enchaînant avec la crise liée à la pandémie de Covid.

Mais pourquoi donc s'attaquer au marché des moteurs à assistance électrique ? En effet, il y a déjà de nombreux acteurs présents, dont Mahle avec sa solution de moteur situé dans le moyeu arrière, discret, mais peu pratique (roue imposée, démontage peu pratique), ainsi que les Yamaha, Bosch, Fazua ou Polini avec leur solution dans le pédalier, plus pratiques mais plus lourds, peu esthétiques et imposant l'utilisation de manivelles de la marque.

Et puis mine de rien, nous sommes tous amenés à vieillir, en plus ou moins bonne santé. Et vous le savez sans doute, la passion du vélo est souvent chevillée au corps des pratiquants. Une assistance électrique est toujours un bon moyen de continuer à faire du vélo avec les copains sans se limiter à faire uniquement du plat !

En 10 ans, la vente de vélos à assistance électrique a été multipliée par 4 en Europe. Une croissance assez hétéroclite, puisque si  les VTT et vélos de ville augmentent fortement, sur la route et le gravel, la sauce ne semble pas encore prendre.

Pour Mavic, plusieurs raisons à cela :

  • des vélos qui accusent 12 à 18 kg sur la balance, ce qui change le dynamisme du vélo, notamment quand on roule sans assistance
  • diminution de la qualité de roulage en raison des frictions engendrées par les assistances au-delà de 25 km/h
  • limitation d'utilisation, souvent 1500 m de dénivelé maxi

Les ingénieurs se sont donc attelés à la tâche pour créer le X-Tend, ce moteur qui prend place dans le pédalier et qui doit gommer tous les défauts énoncés ci-dessus.

Ils ont passé des heures à décortiquer les systèmes existants et développer de nouvelles choses dans leur laboratoire, à l'abri des regards indiscrets. Un laboratoire si bien caché que je ne l'avais même pas vu lors de ma précédente visite il y a 6 semaines.

X-Tend, légèreté, compacité et bien plus encore

Ce personnage ne vous dit peut-être rien, mais il s'agit de Jean-Pierre Mercat, dont j'avais pu faire une interview en 2014.

Un véritable ingénieur / inventeur, un génie français dans le monde du vélo. A son actif, des centaines d'inventions, dont les pédales automatiques Look, le capteur de puissance Look Max One, le cadre Look KG 196, les groupes électroniques Mavic ZAP et Metronik, rayons Tracomp sur les roues Mavic R-Sys, la technologie de fluoperçage « Fore » ou le brevet d’usinage « ISM » qui permet d’alléger les jantes. Et la liste est encore longue !

Il n'est pas seul à avoir travaillé sur ce moteur X-Tend, de nombreux ingénieurs chez Mavic, dont Bertrand Jouve, ont bossé sur ce projet et tous sont aussi passionnés et passionnants les uns que les autres. Ce moteur, qui tient dans une main, ne vous fera sans doute pas sauter au plafond au premier abord, mais c'est pourtant un concentré de technologies et d'inventions.

Ce système X-Tend a fait l'objet de 15 brevets Mavic à lui tout seul.

Son poids record de seulement 1.2 kg lui permet de proposer des vélos de route équipés de ce système à moins de 10 kg. De même, les frictions sont réduites au minimum et lorsque le moteur n'est pas actif, il n'y a pas plus de frictions que sur un vélo sans assistance électrique. Les seules "pertes" sont donc liées aux roulements.

Cette réduction de friction permet d'accroître l'autonomie avec une batterie identique à la concurrence. Mavic annonce une autonomie supérieure à 3000m de dénivelé.

Pour cela, sans rentrer trop dans les détails, Mavic utilise un moteur haute puissance Brushless. Les moteurs brushless ont un meilleur rendement que les moteurs à courant continu, grâce à l'absence des frottements des balais.

Sur la gauche, on voit aussi un réducteur avec engrenages cycloïdaux sur lequel vient se fixer un système d'embrayage sans friction lorsqu'il est débrayé. Ce système a pour but de réduire la vitesse du moteur (1500 tr/mn) 45x, pour obtenir une cadence compatible avec le pédalage.

Passé la vitesse de 25km/h, l'électronique débraye le système en pilotant deux petits cliquets qui sont abaissés passé 25 km/h ou quand le cycliste ne demande aucune assistance. Pour embrayer, le système relève les deux cliquets.

Le but de X-Tend, c'est d'offrir une nouvelle expérience, avec un comportement très naturel du vélo, avec des sensations quasi identiques à un vélo traditionnel.

Pour arriver à cela, un véritable capteur de puissance a été intégré dans ce moteur, avec une précision annoncée à +/- 2%.

Cela permet au système X-Tend d'être ultra réactif et d'avoir une réponse immédiate et adaptée en fonction de vos intentions. Cerise sur le gâteau, le système permet au cycliste d'avoir en permanence la valeur de puissance qu'il développe ainsi que la valeur totale (puissance cycliste + puissance X-Tend). Pas besoin de rajouter un capteur de puissance sur son vélo.

Ce moteur, 100% fabriqué en Europe, est ultra compact, puisqu'il ne mesure que 87 mm de diamètre. C'est certes plus gros qu'un boîtier de pédalier standard, mais nettement plus compact que tout ce qui existe sur le marché aujourd'hui. Et c'est très discret, la preuve avec ces photos sur un cadre réalisé par BMC, qui est partenaire de Mavic sur ce projet. Une sorte de Teammachine spécialement développé pour accueillir la batterie dans le tube diagonal ainsi que le moteur dans la boîte de pédalier de 89mm.

Le moteur X-Tend en est déjà à sa sixième version de développement et différents testeurs ont déjà roulé plus de 120000 km avec ce dernier.

Et c'est encore plus discret côté pédalier, où on ne voit rien. Et vous aurez sans doute noté que ce X-Tend permet de monter n'importe quel pédalier (Shimano pour l'heure, mais Mavic travaille sur les autres marques). Pas de manivelles "cheap" disgracieuses qui cassent la ligne du vélo, ici, vous montez n'importe quel pédalier !

Le Q-Factor est ainsi identique à un celui d'un vélo traditionnel et on conserve les performances de changements de plateaux !

Résultat, difficile de savoir que l'on a affaire à un vélo muni d'une assistance électrique !

Sous la boîte de pédalier, une entrée d'air est présente pour le refroidissement du moteur. Mais l'électronique veille et si jamais le moteur venait à chauffer plus que de raison (si vous décidez de monter avec l'assistance maxi un col par 40°C), le niveau d'assistance diminuera automatiquement pour rester dans les tolérances fixées par Mavic.

Seul le bouton situé sur le tube horizontal, permettant de sélectionner le niveau d'assistance et de voir le niveau de batterie restant, trahit cette présence. Il y a aussi la possibilité d'avoir toutes les infos nécessaires sur une application et Mavic travaille déjà sur un widget IQ Connect Garmin pour avoir tout sur le compteur !

3 niveaux d'assistance sont proposés, avec +30 en ECO, +60 en Sport et +120% en Boost par rapport à la puissance développée par le cycliste. Mais ces différents niveaux pourront être personnalisés dans l'application, avec par exemple +60, +90 et +120%, c'est vous qui déciderez en fonction de vos préférences.

Pour les fans d'animations et de technique, voici une vidéo présentant le système.

Côté performances, le moteur délivre 250W en continu mais permet des pics à 390 watts. Le couple est de 37Nm avec des boosts à 50Nm. Si le moteur ne pèse que 1.2 kg, le système complet, incluant roulements, batterie et câble, n'affiche que 3.2 kg, dont 1.8 kg pour la batterie 360 Wh (36V). Cela peut paraître faible 360 Wh, mais suffisant vu les progrès d'efficience du moteur. Mais au cas-où, vous pourrez toujours rajouter une batterie en plus de 180Wh pour 1.2 kg), logée dans le porte-bidons. A noter que ce porte-bidons pourra recevoir un bidon sans problème quand la batterie n'y est pas !

Le résultat, un vélo à moins de 10 kg. Même pas 9.7 kg d'ailleurs sur la balance (sans porte-bidons ni pédales). Bien sûr, ça reste plus lourd qu'un vélo traditionnel, mais tout de même impressionnant. Le surpoids du vélo sera très facilement gommé par l'assistance du moteur.

A quand sur le marché ?

Ne vous attendez pas à voir débouler les premiers vélos équipés du moteur X-tend dans les mois à venir. Non, Mavic prévoit plutôt une commercialisation à l'horizon 2025/2026.

Mais pourquoi présenter déjà un produit qui sera commercialisé au mieux dans deux ans ?

La raison principale, c'est que Mavic est redevenue une petite entreprise et la production de masse d'un tel produit demande d'énormes moyens - financiers mais aussi industriels - que Mavic ne possède pas. Il va donc falloir trouver des industriels capables de produire le X-Tend pour rester dans les prix de la concurrence.

Mavic est déjà en contact avec plusieurs industriels, mais il faudra encore du temps pour arriver à produire en série ce moteur, une phase de pré-série sera forcément nécessaire.

Seconde raison à cette présentation très tôt, les ingénieurs voulaient aussi recueillir les avis de journalistes venant de divers horizons pour avoir leur ressenti sur cette assistance, sans aucun filtre de notre part, afin de savoir s'il y avait des points à corriger à côtés desquels ils seraient passés.

Sur la route

J'ai eu la chance de pouvoir tester cette motorisation X-Tend. Sur une petite boucle certes, mais suffisante pour voir les qualités et défauts de cette assistance électrique... qui n'est pour l'heure qu'à l'état de prototype mais est tout de même très avancé.

Une boucle de 26 km et 567 m de dénivelé, pas de quoi valider l'autonomie annoncée du X-Tend, mais suffisant pour vérifier si le produit est bien né ou pas. Un mélange de plat (un peu), de faux plat et de montées un peu plus pentues.

Pour cet essai, les différents modes étaient restés par défaut, à savoir +30% d'assistance en ECO, +60% en Sport et +120% en Boost.

J'avais à ma disposition un smartphone fixé sur la potence pour visualiser les différentes données, dont la puissance totale (cycliste + assistance) ainsi que la puissance du cycliste seule.

Les ingénieurs de Mavic nous ont tout d'abord conseillé de rouler sans aucune assistance. Et en effet, la promesse de Mavic est bien réelle, sans aucune assistance, hormis le léger embonpoint du vélo - qui ne se ressent pas une fois lancé sur le plat - on ne ressent aucun "frein", aucune friction parasite sur le vélo.

On a réellement le sentiment de rouler sur un vélo normal à peine plus lourd que la moyenne. Jusqu'à présent, seule l'assistance Mahle se rapproche de ce sentiment, mais avec un poids largement situé sur l'arrière du vélo qui perturbe quelque peu le comportement général. Ce n'est pas le cas ici, avec une bonne partie de la masse située sur la partie centrale du vélo et le plus bas possible.

Vient ensuite le temps d'activer ce X-Tend pour voir ce qu'il a dans les électrons. On débute sur le niveau ECO, qui génère 30% d'assistance de plus que moi. Pour 200W, vous aurez 60W d'assistance en plus. Tous ceux qui ont un capteur de puissance apprécieront déjà ce gain. C'est comme si vous perdiez déjà 12 kg sur une pente de 8% !

Le moteur reste à un niveau sonore assez faible à ce niveau, même si cela augmente avec la cadence de pédalage.

Mais c'est réellement à partir du mode Sport que les choses sérieuses commencent. +60%. En pédalant à 200W, vous avez l'équivalent de 320 W à la roue, ce qui permet de grimper notablement plus vite. Le X-Tend se fait un peu plus présent côté sonore, devenant assez présent passé 100 tr/mn. Un défaut sur lequel les ingénieurs travaillent encore.

Mais il faut tout de même avouer que peu d'utilisateurs grimperont avec une telle cadence. Quand on dépasse les 25km/h (en réalité, près de 27 km/h, la loi autorisant +/- 10% pour la coupure), c'est totalement transparent. Mavic a beaucoup travaillé sur ce point et l'assistance diminue de façon linéaire peu avant d'arriver à cette limite, ce qui évite d'avoir une coupure nette qui donne l'impression de buter, notamment quand on est sur un faux plat montant.

En mode Boost, avec +120% d'assistance, forcément, on change de monde. En poussant toujours 200W musculaires, on obtient 240W de plus... soit quasi la puissance maxi du moteur.... pour un total de 440W que vous pourrez maintenir longtemps.

Le moteur se fait un peu plus bruyant, mais reste assez discret jusqu'à 80/85 tr/mn. Au-delà, c'est plus présent, mais comme dit juste au-dessus, ce point est en train d'être amélioré et le sera sans doute sur la version en production avec l'utilisation de pièces plus qualitatives encore. N'oublions pas qu'il s'agit encore là de prototypes.

Le seul point à vraiment améliorer, c'est l'arrêt du moteur quand on s'arrête de pédaler net avec assistance, quand on est en danseuse par exemple. Si on applique peu de puissance aux pédales, c'est relativement insensible, mais si on développe 200W par exemple et que pour X raisons, on doit couper son effort, les manivelles sont encore entraînées pendant une fraction de seconde. C'est peu, mais déroutant. Pourtant, le système réagit normalement en 3 millisecondes. Mais cela est suffisant pour que les manivelles soient encore entraînées sur quelques centimètres.

Mon avis sur le X-Tend

Si par le passé, Mavic a été en avance - peut-être trop avec le groupe Mektronic ! - , ce n'est pas le cas ici, Mavic se penche sur un terrain déjà bien implanté et qui devrait croître exponentiellement dans les années à venir.

Mais la marque jaune ne se contente pas de faire une copie de la concurrence et propose réellement une avancée technologique avec un moteur bien intégré dans le cadre, léger et efficient et totalement sans friction perturbante quand il est coupé - que ce soit volontairement ou quand on dépasse les 25 km/h - ce qui en soit est déjà une belle avancée.

Ajoutez à cela la possibilité de monter n'importe quel pédalier, et on est vraiment proche de la perfection. Vous pouvez monter un groupe complet (ou changer facilement les plateaux), utiliser les roues que vous souhaitez et même échanger facilement si vous avez plusieurs jeux de roues.

Tout n'est pas encore parfait, mais de l'aveu des ingénieurs, les points soulevés par les différents journalistes sont connus et en cours de résolution. En gros, plus de 90% du travail est réalisé, ne reste plus qu'à affiner les 10% restants.

Il faudra ensuite trouver des investisseurs et/ou industriels pour une production de masse. La concurrence a sérieusement du souci à se faire !