Le vélo

J'avais à ma disposition un Crux Expert (mais avec ici un cadre Crux Comp niveau coloris) équipé de la transmission SRAM Rival eTAP AXS et des roues maison Roval Terra C. Un "milieu" de gamme affiché 6000€ et à seulement 8.2kg.

Un vélo qui étonne par sa légèreté, forcément. Un modèle S-Works était aussi présent, à seulement 7.3kg, une masse que bien des vélos de route ne renieraient pas.

Les roues Roval Terra C, de 32mm de haut, sont annoncées à 1610g la paire et étaient équipées de pneus Pathfinder Pro, 38mm à l'avant et 42mm à l'arrière. Les pneus Pathfinder sont les modèles mixtes, 50% route, 50% terre avec une bande de roulement lisse au milieu pour un bon rendement sur route et des crampons sur les côtés.

A vrai dire, sur 150km de roulage en deux jours, nous avons dû emprunter 10km de route au mieux. Tout le reste n'était que terre, feuilles mouillées et boue.

Les roues sont équipées de moyeux DT Swiss 370 et de rayons DT Swiss Competition coudés. Elles peuvent accepter des pneus allant de 28 à 47mm de section, ce qui en fait aussi des roues polyvalentes pour la route.

Ce Crux ne peut renier sa filiation avec l'Aethos que j'avais pu tester sur les routes de Corse. Si ce n'est la géométrie qui diffère, la forme des tubes est identique. En raison des contraintes liées à la pratique gravel, la marque n'a pas pu atteindre le poids d'un Aethos (585g), mais un cadre Crux ne pèse tout de même que 725g en version S-Works avec fibre 12r.

Les versions Pro et Comp, en fibre 10r, sont à peine plus lourdes, avec 825g sur la balance. La fourche S-Works en Fact 12R est commune à ces deux châssis et présente un poids inférieur à 400g pivot coupé (taille 56).

825g pour un vélo destiné à encaisser les chocs de la pratique gravel avec parfois des terrains très accidentés, on ne l'aurait même pas imaginé pour un vélo de route il y a quelques années.

Seul bémol à mon avis, contraint par la volonté de la marque de grapiller le moindre gramme, l'absence de protection plastique rigide sous le tube horizontal, au niveau de la boîte de pédalier, pour protéger des projections de cailloux. Un film autocollant transparent est bien présent, mais ceux qui voudront faire un gravel un peu plus engagé sur des terrains caillouteux pourraient trouver cela limite.

Oubliez aussi une éventuelle Swat Box comme sur le Diverge ou des points de fixations pour garde-boue, sacoches ou autre, c'est ici sans objet.

La transmission de son côté est le groupe SRAM Rival eTap AXS dans sa version XPLR (prononcer Explore). Cette version est identique en fonctionnement à la version route, mais la déclinaison XPLR en version monoplateau bénéficie d'un nouveau dérailleur et de nouvelles cassettes.

Un unique plateau de 40 dents associé à une cassette 10-44 (10,11,13,15,17,19,21,24,28,32,38,44).

J'ai régulièrement pu essayer des transmissions monoplateau. Les trous sur la cassette m'ont toujours laissé circonspect, quand le terrain est assez vallonné avec parfois de bonnes pentes à passer. Lors de mon essai du Specialized Diverge début 2020, j'avais trouvé que l'étagement de cassette n'était pas parfait, mais c'était une cassette 10-50 (10,12,14,16,18,21,24,28,32,36,42,50).

La cassette 10-44 est un peu mieux étagée et surtout, la fôret de Soignes ne présente pas de difficultés particulières en termes de pourcentages.

Enfin, la tige de selle est une Roval Terra en carbone et le poste de pilotage, un Specialized Adventure Gear avec un Flare de 12°. Une légère angulation qui permet un meilleur contrôle du vélo quand on a les mains en bas et qui est pour moi un indispensable sur un gravel. Quand on a y a goûté, difficile de revenir à un cintre simple.

Le terrain de jeu, la forêt de Soignes

Nous étions logés à Overijse, dans un hôtel situé à ... 40 mètres de la forêt. Inutile de vous dire que nous étions vite dans le bain et nous avons vu très peu de bitume et de voitures.

La surface actuelle de la forêt de Soignes est de 4 383 hectares, un sacré terrain de jeu qui permet selon nos hôtes, de réaliser des sorties 100% gravel de plus de 200 kilomètres sans jamais passer au même endroit. L’altitude de la forêt de Soignes varie de 65 mètres à 132 mètres, ce qui ne nous a pas empêché de réaliser une première sortie de près de 100km et quasi 1000m de D+.

Si quelques chemins sont interdits aux cyclistes, pour la tranquillité et sécurité des promeneurs mais aussi animaux, on trouve toujours un chemin. Des pistes larges en terre que même la pluie ne rend pas collante. Un bonheur quand on a affaire toute l'année à de l'argile collante dès qu'il pleut.

En cette fin octobre, la forêt arborait de multiples couleurs, avec des arbres encore verts et d'autres aux feuilles jaunes, ces dernière tapissant allègrement nos parcours. Forcément, on en a pris plein les yeux, mais aussi les narines avec les odeurs de la forêt.

Le Crux en forêt

Si la première sortie s'est déroulée par temps sec sur 75% environ, ensuite, nous avons dû affronter la pluie, avec une température de de 8/10°C environ. Pour la seconde sortie, ce fut 100% pluie. Vous pouvez retrouver ces deux sorties sur Strava ici :

Un mélange climatique parfait pour tester le Crux aussi bien sur terrain sec que dans des conditions parfois plus boueuses. Tant mieux, on est là pour mettre à mal ce Crux et sa transmission, par pour faire de la figuration, même si l'ambiance était bon enfant.

Une fois réglé le vélo à mes côtes, les pneus sont gonflés à 1.8 bar avant et arrière. Les premiers kilomètres se font sur de beaux chemins. Et malgré ces gros pneus et la pression basse, ce Crux impressionne par son dynamisme et son confort. Sans être aussi filtrant qu'un Diverge, qui est lui muni de la suspension Future Shock, le Crux propose un bon confort sur des chemins. Bien sûr, ici, ce sont les pneus qui font la majeure partie du travail, mais le cadre joue lui aussi son rôle avec une légère souplesse verticale.

Quelques sections pavées ont aussi permis de se rendre compte du beau potentiel de ce vélo. Performant à souhait au niveau de son cadre, les pneumatiques de 38 et 42mm de section permettent de s'engager sans crainte sur les pavés rendus glissants par la pluie. A vrai dire, je me suis senti en pleine confiance, les pneus offrants un bon rendement et un grip sécurisant et la filtration étant excellente grâce à la basse pression.

Lorsqu'il faut rouler sur de l'asphalte, le Crux s'en sort bien. Bien sûr, ce n'est certainement pas son terrain de prédilection, chaussé de pneumatiques de 38 et 42mm. Même si les Pathfinder Pro ont une bande de roulement lisse au milieu, ces sections n'offrent pas le rendement de pneus de 25 ou 28mm de section, notamment passé 30km/h où leur surface frontale vient forcément freiner l'avancement.

Qui plus est si on est gonflé à moins de 2 bars, le pompage se fait ressentir dès que l'on se met en danseuse. Il ne faudra pas hésiter à mettre plus de pression si l'on désire faire une sortie intégralement sur le bitume.

Mais le comportement du vélo est vraiment proche de l'Aethos, si l'on occulte cette monte pneumatique et on peut mener bon train sur la route sans se sentir trop freiné.


Le passage à des pédales gravel (Look X-Track) ne m'a pas énormément perturbé, aussi bien sur route que dans les chemins, même sur des relances, grâce à la grande rigidité des semelles de chaussures SW Recon Lace que je chaussais pour la première fois.

C'est bien sur les pistes de terre que le Crux reprend l'avantage et retrouve son domaine de prédilection. Et c'est d'ailleurs sur ces pistes, majoritairement en forêt, que ce test a eu lieu. En tant que routier, on n'est pas forcément à l'aise quand ça devient technique, mais on est vite rassuré par le grip des pneus et l'agilité du vélo.

Dans les parties descendantes, on se prend au jeu de suivre les plus costauds et on prend rapidement de la vitesse, dépassant les 50km/h entre les arbres et sur un tapis de feuilles. Le vélo répond au doigt et à l'oeil et sur ce terrain assez peu accidenté (entendez par là, sans trop de caillasse), le confort du Crux est plus que suffisant. L'absence de suspension oblige à bien étudier ses trajectoires et à faire "propre", mais le cadre se montre légèrement souple verticalement, tout comme la tige de selle, ce qui permet, avec le travail des pneumatiques, d'absorber pas mal d'irrégularités. Le passage sur des secteurs pavés permet de se rendre compte à quel point ces gros pneus jouent un rôle important pour encaisser les chocs et assurer une bonne tenue de route.

En fin de première journée, certains décident de "couper" au bout de 75km. Pour ma part, je continue, nous ne sommes plus que 6, mais de toutes façons, que faire à l'hôtel à part être au sec et au chaud ? Bref, pas d'intérêt, autant faire des heures sup ! Je suis le moins costaud du groupe... et cela se ressent dans les bosses où même le 40x38 me permettra de passer sans encombres mais à mon rythme.

Dans la boue, les pneus Pathfinder montrent rapidement leurs limites, il faut faire attention et ne pas prendre trop d'angles sous peine de voir le vélo glisser. En dehors de cela, on peut se jouer de tous les obstacles. Trottoirs, racines qui dépassent allègrement, pour cet usage, le Crux suffit amplement. Forcément, à la fin des sorties, on ne rentre pas propre.... mais comme vous pouvez le voir, avec un sourire qui en dit long !

C'est un peu cela le Crux, un vélo plaisir pour partager de bons moments avec des amis, que ce soit avec le couteau entre les dents ou en mode aventurier d'un jour.

Les développements offerts par la transmission Rival eTap AXS XPLR de SRAM sont plutôt bien adaptés pour un usage gravel, notamment sur la moitié haute de la cassette. C'est un peu moins vrai sur le bas avec l'enchaînement 10, 11, 13 et 15 dents qui présente des trous assez conséquents et qui peut être pénalisant en groupe. Si on est limite sur le 13 dents, passer le 11 demande de suite beaucoup plus de force. Le constat est encore plus flagrant en passant du 11 au 10.

Mais si la sortie est plutôt "cool" sans but compétitif, on s'en satisfait largement.

Le plus gros braquet, 40x10, équivaut à un 52x13, mais comme toujours avec ce pignon de 10, cela se fait avec un bruit de chaine présent à cause de l'enroulement très prononcé autour de ce pignon de 10 dents. le 40x44 permet quant à lui de s'affranchir de toutes les montées, même après plus de 4 heures de selle et si le terrain présente encore des pentes à plus de 15% sur un terrain chaotique.

Rien à dire en revanche au niveau du fonctionnement. On retrouve le système eTap AXS identique à celui sur route, sauf que l'on a pas à gérer de dérailleur avant. Sur le sec, aucun souci, les vitesses s'enchaînent bien, sans atteindre la douceur d'une transmission Shimano. C'est un peu plus viril, mais hyper précis.

Les freins sont puissants, facilement dosables et silencieux. Aucun bruit de frottement ne se fait entendre même après de longs freinages.

Après utilisation intensive sous la pluie et avec de la boue et du sable sur la transmission et les disques, tout cela devient un peu plus bruyant, forcément. Mais cela ne nuit aucunement au passage des vitesses qui se montre toujours aussi rapide et précis. Les freins couinent bien sûr à chaque freinage, bien aidés par l'accumulation d'eau et de particules de sable entre les disques et le patins. Mais il n'y a que lors des freinages que cela se fait entendre, dès qu'on relâche le levier, c'est à nouveau le silence.

Quelques photos prises en chemin

Pour vous faire profiter du vélo aussi bien propre que sale, voici quelques photos prises à la volée par votre serviteur, avec smartphone. Merci au passage aux équipes Specialized, qui nous permettaient de repartir le lendemain avec un vélo parfaitement propre.... au moins pour les deux premiers kilomètres.

Bilan

S'il s'accommode d'une utilisation tranquille et découverte, le Crux s'apprécie encore plus en mode "compétition" où son dynamisme et sa légèreté en font une superbe machine sur laquelle les routiers purs et durs ne seront pas dépaysés par son comportement.

Un gravel qui est donc très proche de son homologue route, mais avec des aptitudes en gravel pour peu qu'on l'équipe de pneumatiques adaptés. Inutile de vous dire qu'en montant des sections de 47mm, il doit pouvoir affronter tous les terrains ! Un vélo ultra polyvalent.

Reste son tarif, bien sûr élitiste. A 4000€ l'entrée de gamme, 3000€ le kit cadre, beaucoup hésiteront à s'offrir ce modèle comme second vélo. En revanche, pour celui qui hésite entre route et chemins, pourquoi pas ce Crux avec deux paires de roues plutôt que deux vélos...

Crux, un gravel sans artifices pour la performance en toute simplicité.

Crédits photos : Matos Vélo & Alex Broadway