Oui, la production d'un vélo et de tous ses accessoires pollue. Mais finalement, comme toute activité humaine quasiment. Si nombre d'humains avaient déjà une conscience écologique depuis de nombreuses années, la crise liée à la pandémie de Covid-19 fut un véritable électrochoc pour certains.

Reste qu'entre le vélo et la voiture, une différence stratosphérique d’émissions de CO2 existe. Je vous invite, si le sujet vous intéresse, à lire cet article.

Un vélo conventionnel nécessite en moyenne 100 kg de CO2 à produire, contre 165 kg pour un vélo électrique. Ce chiffre est légèrement supérieur aux données de référence jusqu’ici utilisées par la Fédération européenne des cyclistes (134 kg), mais l’ordre de grandeur est le même.

Mais bien que 50% plus importante que pour un vélo classique, l’empreinte carbone d’un vélo électrique reste largement plus faible que pour celle d’une voiture : fabriquer une berline électrique de taille moyenne engendre davantage de CO2 que 50 vélos, tandis que sortir un SUV des usines équivaut à la fabrication de 78 deux-roues.

Avec les nombreuses pénuries de pièces vélos, on découvre aujourd'hui que notre dépendance par rapport à l'Asie, en plus d'être très impactante en termes de CO2 avec les transports en bateaux entre l'Asie et l'Europe, peut-être problématique.

Tout le monde "souhaite" un rapatriement de la production de vélo en France, voire en Europe, mais ce n'est pas si simple que cela.

Quelles sources de pollution ?

Si les batteries des vélos à assistance électrique sont largement pointées du doigt, c'est loin d'être le seul problème "polluant" sur un vélo. Et contrairement à une idée répandue, les batteries se recyclent plutôt bien aujourd'hui, à hauteur de 70% (lire article "Le recyclage des batteries de vélos électriques").

Et avec un poids compris entre 2.5 et 3kg, une batterie de vélo reste toujours bien loin des près de 25kg de batterie nécessaire pour une voiture thermique, qui a les mêmes nécessités de recyclage.

La fabrication d'un vélo (cadre, composants divers) mais aussi de tous accessoires comme les vêtements, chaussures, casques, .... produit du CO2 et diverses autres pollutions en nombre :

  • L’exploitation de ressources comme le lithium pour les batteries
  • La production qui utilise des matières premières non renouvelables : carbone, fibres synthétiques à base de pétrole pour vêtements, matériaux de construction pour les lunettes, les casques, ...
  • L’impact des transports entre l’Asie et l’Europe puisque la majeure partie des articles est fabriquée en Asie.
  • Les emballages en plastique qui sont parfois très nombreux (et inutiles)
  • L’absence d’obligation de recyclage à l’exception des batteries

Prise de conscience des marques

Depuis quelques années, les marques du monde du vélo ont pris conscience de l'importance de leurs actions face aux enjeux climatiques. Parmi elles, mais ce ne sont pas les seules, Specialized, Polartec, Schwalbe ou encore Trek, chacune à différents niveaux. Vous pouvez retrouver les articles que j'ai déjà consacrés à ces entreprises ci-dessous :

A lire aussi, le plan de lutte contre la crise climatique mondiale de Trek où l'on retrouve 10 actions mises en place par l'entreprise pour réduire son impact environnemental. On y apprend par exemple que depuis 2020, Trek a réduit de 200 tonnes ses déchets plastiques en utilisant un nouvel emballage qui réduit de moitié les pièces non recyclables.

Specialized propose aussi une page sur leur site où ils expliquent leur programme de réduction et de recyclage des déchets : https://www.specialized.com/fr/fr/waste-reduction-and-recycling

C'est peut-être une goutte d'eau, mais au point où en est la planète, chaque geste compte.

Côté produits de nettoyage aussi, le nombre de produits écologiques et biodégradables se développe... même si les amateurs de nettoyage aux lingettes restent un gros problème.

Des matériaux plus verts et durables

Les marques ont aussi réduit le nombre d'emballages plastiques ou modifiés leur composition pour les rendre bio-dégradables. Bien sûr, l'idéal est de se passer de tout suremballage, mais parfois, la protection des produits le nécessite.

SMS Santini propose par exemple des emballages que l'on peut réutiliser grâce à un Ziplock (je m'en suis longtemps servi pour protéger mon smartphone de l'humidité dans la poche de mes maillots), ou propose aussi des emballages compostables qui ne rejettent aucun polluant ou micro-plastique dans le sol puisque composé à partir d'un bio-matériau.

 

Plusieurs marques s'attachent désormais à utiliser des matériaux plus écologiques, comme par exemple Selle Italia qui a lancé le processus Green-Tech qui permet d'obtenir des produits à faible impact environnemental, éco-durables, rapides à produire et à des coûts compétitifs.

Green-Tech est un processus automatisé qui permet d'obtenir des selles haut de gamme sans utiliser de colle et de polyuréthane, des substances connues pour avoir un fort impact sur l'environnement, et capables de minimiser les émissions de CO2.

Sa toute dernière selle, la Model X Green Comfort+ Superflow, utilise par exemple des rails en alliage respectueux de l'environnement et 100 % durable, tout en offrant un maximum de confort et de performance.

On peut aussi citer l'initiative de Continental, le manufacturier spécialisé dans les pneumatiques. Depuis une dizaine d’années, le géant allemand planche sur du caoutchouc naturel produit à partir de… pissenlit en lieu et place du pétrole et de l’hévéa, avec sa gomme appelée Taraxgum.

Ce composé issu d’un pissenlit russe offre d’importants bénéfices. D’une part, il peut être produit partout y compris dans des régions froides et tempérées, contrairement à l'hévéa ce qui permettrait une production universelle. Sa croissance rapide induirait une production plus rentable répondant davantage aux besoins du marché automobile. Latex d’excellente qualité, il offre aussi la particularité d'être totalement recyclable pour faire face aux enjeux environnementaux de la filière.

La culture de cette plante à proximité des usines va aussi réduire les distances d'approvisionnement et limiter, de façon significative, les émissions de CO2 produites lors du transport.

Le manufacturier français Michelin n'est pas en reste avec une volonté d'utiliser 40% de matériaux durables d'ici 2030 et 100% d'ici 2050.

Cela a déjà commencé par le plus simple, l'emballage. Ils sont fabriqués à partir de carton et de papier provenant de fournisseurs responsables et produits avec des matériaux durables, notamment des encres végétales et des adhésifs à base d’eau.

Mais le groupe travaille bien sûr sur le recyclage des pneus (projet Black Cycle) avec la volonté de créer des matières premières secondaires de haute technologie à partir de pneus en fin de vie mais aussi le remplacement de tous les matériaux pétroliers par des matériaux durables issus par exemple du végétal.

Les émissions carbone d'un vélo, l'exemple de Trek

Je n'ai aucune action chez Trek, mais grâce à son rapport que j'évoque ci-dessus (téléchargeable ici en français - PDF de 13Mo), on a accès à de nombreuses informations et chiffres. Si tout est en anglais, de nombreuses infographies permettent de comprendre facilement.

On y apprend que l'empreinte carbone de la marque en 2019 était de 300.000 tonnes de CO2, soit l'équivalent de l'utilisation de 65000 véhicules sur une année.

Sur ces 300.000 tonnes, 250.000 sont à mettre au "bénéfice" de la production des vélos, avec de grandes différences suivant les modèles :

  • Le Marlin (cadre alu) a une empreinte de 116kg de CO2
  • Le Madone, 197kg de CO2
  • Le Rail, un VTT à assistance électrique, a une empreinte de 229kg de CO2, dont 27% pour la batterie et la motorisation

Une empreinte carbone facilement "compensée" puisque Trek a calculé que 700km seulement sont nécessaires pour compenser la production carbone d'un vélo. Bien sûr, ce calcul vaut pour tous les déplacements vélo qui remplacent un déplacement qui aurait été fait avec une voiture ou tout autre véhicule motorisé. Vos balades du dimanche ou cyclosportives ne comptent pas !

L'aluminium, plus "vert" que le carbone

Sans jeter la pierre au carbone qui a permis aux vélos de s'alléger tout en bénéficiant d'un comportement extrêmement dynamique, ce matériau issu du pétrole est pour l'heure assez peu recyclable.

Sur ce point, l'aluminium offre une empreinte carbone nettement meilleure, surtout si l'on tient compte de son recyclage. Avec l'évolution des productions, l'aluminium peut-être hydroformé et on peut obtenir des formes aérodynamiques. Et de nombreux cadres comportent une part d'aluminium recyclé (15 à 30%).

La production d'aluminium nécessite beaucoup d'énergie pour raffiner le minerai de Bauxite et produit des rejets toxiques, ce qui est moins le cas pour de l'aluminium recyclé. L’aluminium est 100% recyclable, infiniment, sans perte de ses qualités physico-chimiques, ce qui en fait une option très intéressante pour réduire l'empreinte carbone de votre prochain vélo. Et côté énergétique, travailler de l'alu recyclé demande 90 à 95% d'énergie en moins plutôt que de partir directement de la Bauxite.

Le stock d’aluminium à recycler ne cesse de croitre et constitue, pour l’avenir, d’importantes ressources à un coût énergétique très réduit. Et même si son cours a augmenté de plus de 58% sur un an, son tarif reste bon marché par rapport au carbone.

  • Recycler 1 kg d’aluminium permet d’économiser 4 kg de bauxite, le minerai nécessaire à sa production primaire.
  • Aujourd’hui, près de 47 % de l’aluminium consommé en France est issu du recyclage.

Une production de retour en Europe ?

Si la France a connu ses heures de gloire question production de vélos (Mercier, Gitane, Peugeot et bien d'autres), c'en est désormais terminé. Même des marques comme Time ou Look ne produisent plus leurs cadres en France, seuls quelques artisans comme Cyfac ou Victoire tentent une production française mais qui reste forcément limitée en quantité. Rien à voir avec la production de masse qui est possible en Asie.

Une production de masse nécessaire quand on voit comme le moindre grain de sable venant enrayer cette production a d'énormes impacts mondiaux en termes de disponibilité des vélos et de pièces.

Peut-on rêver d'un retour de la production en Europe ? Oui, mais ce ne sera sans doute pas en France, tout au moins pour les productions de masse, en raison du coût de la main d'oeuvre. Et si tel était le cas, cela demandera plusieurs années de préparation (construction d'usines, formation des personnels, ...) et d'organisation.

Bike Valley au Portugal

En Europe le Portugal fait désormais la course en tête dans l'industrie du cycle. Le pays est aujourd'hui 1er exportateur européen de vélos. La proximité du pays avec le marché européen et le faible coût de la main d'oeuvre a séduit les investisseurs. Située dans la région d’Aveiro et Agueda, au nord-est et à quelques encablures de Porto, l'industrie du cycle a su s'adapter aux nouvelles technologies. Les usines portugaises fabriquent des composants (jantes, fourches, rayons, selles, pédaliers, roues), assemblent des vélos destinés à l’exportation, et produisent même parfois leur propre aluminium.

Ce projet va bientôt pouvoir fabriquer des milliers de cadres en aluminium. D'ci quelques mois, la société Triangle prévoir de produire pas moins de 2000 cadres par jour grâce à de nombreux robots. Des marques comme Órbita, Miralago, BH, Orbea, Miranda, Ciclo-Fapril, Tabor, Decathlon, Unibike et bien d'autres font déjà partie de cette Bike Valley.

Pas de carbone par contre pour le moment, la fabrication demandant près de 40 heures de main d'oeuvre et un savoir-faire spécifique qu'il n'est pas possible de réaliser en Europe, tout au moins à un tarif abordable.

Mavic, qui produit ses roues carbone en Roumanie, cherche à produire un maximum de ses roues en France, mais c'est un long chemin.

Côté textile, c'est déjà plus facile. Que ce soit pour les vêtements ou les chaussures, on trouve déjà nombre de marques qui produisent en Italie ou Espagne. Certes, souvent un peu plus cher, mais la localisation de la production est à ce prix. On ne peut pas demander à des marques de payer leurs salariés de façon correcte, avec des normes sociales européennes, sans en payer le prix sur le produit final.