Des ralentissements en Asie...

Le salon du cycle de Taipei, qui devait avoir lieu du 4 au 7 mars 2020 a été reprogrammé du 14 au 16 mai en raison de l'épidémie. Un événement important durant lequel de nombreux professionnels se rencontrent. Mais ceci n'est rien à côté des outils de productions qui sont eux plus durement impactés.

Suite aux vacances de nouvel an chinois, les usines devaient rouvrir le 3 février. Le Gouvernement leur a imposé de rester fermées 2 semaines de plus jusqu'au 17, mais a également interdit "jusqu'à nouvel ordre" les voyages entre les provinces pour éviter la contamination.

La plupart des ouvriers sont des migrants inter-provinces et traditionnellement les chinois retournent dans leur province d'origine pour les fêtes de nouvel an. Beaucoup d'ouvriers se sont donc trouvés coincés dans leur province d'origine.

Du coup, le 17 février la plupart des usines n'ont pas pu redémarrer par manque de personnel, ou l'ont fait avec 15 à 20% du personnel.

Sur 109 entreprises américaines dans l'Est de la Chine, sondées par la Chambre de commerce américaine de Shanghai, les deux tiers ont certes repris une production manufacturière, mais 78% n'ont pas assez d'ouvriers pour faire tourner normalement leurs lignes de production.

La situation va se régulariser doucement mais des retards d'approvisionnement de vélos pouvant aller jusqu'à 8 semaines sont attendus dans les mois à venir. Les fermetures d'usine et les mesures de quarantaine en Chine provoquent de nombreuses perturbations sur les chaînes d'approvisionnement, voire des arrêts complets.

Ce délai de 6 à 8 semaines est provisoire puisqu'on ne sait toujours pas comment va évoluer cette épidémie et devrait avant tout toucher les petites marques. Pour avoir interrogé plusieurs grandes marques, de leur côté, aucune inquiétude, la plupart des vélos de l'année 2020 étant déjà en stock sur leurs plateformes logistiques en Europe.

Cela va également impacter les pays voisins producteurs de vélos ou composants (Vietnam, Cambodge, Taiwan, etc...) car il y a toujours quelque chose qui vient de Chine. Les asiatiques étant des adeptes du "just-in-time", ils n'ont jamais de stock d'avance sur la moindre vis. Ces retards très précoces dans la chaîne d'approvisionnement pourraient donc impacter la production qui est réalisée hors de Chine.

La Chine est par exemple une importante région de fabrication pour Shimano pour tous les produits bas de gamme. Les productions XTR ou Dura-Ace sont de leur côté fabriqué au Japon, sans aucun impact pour l'heure.

Si les conséquences de ce virus venaient à se faire sentir plus largement en Asie et notamment sur la région de Taiwan, une plus grande partie de la production de Shimano, SRAM, mais aussi dans une moindre mesure de Campagnolo -pour les groupes d'entrées de gamme comme Centaur ou Potenza -, pourrait être impactée. Même si une petite partie seulement d'un composant provient de Chine - un ressort, par exemple - cela pourrait affecter l'approvisionnement.

Le PDG d'A & J Bicycles - l'un des plus grands fabricants de vélos au monde, avec des usines à Taïwan, en Chine, au Vietnam et au Cambodge - a déjà averti ses clients de possibles retards d'expédition en raison cette épidémie. Il a déclaré que la situation en Chine pourrait entraîner directement des retards de production, même dans les usines A&J d'autres pays. A&J fourni des marques telles que Trek, Bianchi, Scott, Felt, Rocky Mountain, Norco et Kona.

...qui arrivent en Italie...

Depuis quelques jours, on sait que le Coronavirus touche aussi l'Italie, notamment dans les régions de Milan et en Vénétie, où l'on trouve de nombreuses entreprises de l'industrie du cycle, que ce soit des fabricants de cadres, chaussures, ....

L'Italie est le premier pays d'Europe à instaurer des mises en quarantaine de villes en isolant onze communes : ni l'entrée ni la sortie de ces zones ne sont autorisées, sauf dérogation. Une décision qui impactera forcément les entreprises du cycle qui sont dans ces communes ou si leurs salariés habitent ces dernières.

Le Premier ministre italien a aussi annoncé la fermeture des entreprises et des établissements scolaires de ces zones.

Les quelques marques que j'ai pu interroger sur le sujet (Veloflex, Gaerne, ..) ne sont pour le moment pas impactées, elles se situent à environ 1 heure des premières villes en quarantaine. Mais rien ne dit que dans les semaines à venir, une plus large zone soit touchée par l'épidémie.

...ce qui risque d'impacter aussi les productions du monde entier

Contrairement à l'Asie, l'Europe et les Etats-Unis ont toujours du stock et les ruptures ne vont commencer à se faire sentir que dans quelques mois, notamment cet été si l'épidémie persiste, avec l'arrivée des nouveaux modèles 2021. Si à ce moment-là on ne parle plus médiatiquement du Coronavirus, les clients ne comprendront sans doute pas le pourquoi de ces ruptures.

La capitale, Pékin, soumet tous les arrivants à une quarantaine de quatorze jours. Ainsi, toutes les marques européennes ou américaines ne peuvent plus envoyer leurs ingénieurs qualité mensuellement comme certains le font d'habitude, pour contrôler les chaînes de production. Entre ce délai de quarantaine de 14 jours et le risque de ne pas pouvoir trouver le vol entre les différentes provinces, le risque est trop important pour que les marques étrangères envoient leurs ingénieurs sur place.

Du côté de Look ou Time par exemple, la situation est moins grave que pour d'autres marques puisque la majorité de la production se fait en Europe ou Afrique du nord. Mais quelques tensions commencent à se faire sentir au niveau de l'approvisionnement de certains composants.

Ainsi, même les fabricants de cadres en Europe pourraient voir leurs délais s'allonger faute de disposer de transmissions ou d'autres pièces. Jusqu'en avril/mai, il ne devrait pas y avoir de retard sur les vélos déjà commandés qui sont déjà en stock. En revanche, pour la période estivale, des retards sont à prévoir.

Quoi qu'il en soit, ces retards ne seront pas dus directement à votre vélociste ou la marque du produit que vous achetez.

Les vélos à assistance électrique à cours d'énergie

Des fabricants de moteurs de vélo électrique, de batteries et d'affichages basés en Chine, comme BAFANG, ont cessé de produire pour le moment.

Un des problèmes majeurs liés aux vélos à assistance électrique vient du fait que les batteries au lithium présentent sur ces vélos sont presque exclusivement produites en Asie, représentant plus de 90% du marché : Panasonic / Sanyo et Sony du Japon, LG Chem et Samsung de Corée du Sud, ainsi qu'une poignée de fabricants chinois.

Quand on sait que les vélos à assistance électrique représentent une part de marché importante et croissante pour les marques et les magasins de vélo, cela pourrait bien ralentir les ventes d'ici quelques semaines.

Des nouveautés retardées

Comme indiqué en introduction, une présentation presse à laquelle je devais assister a déjà été annulée en Asie, avec un report indéfini.

Et il est fort possible que de prochaines présentations presse soient annulées en fonction de l'évolution de l'épidémie, soit en raison des risques liés aux voyages des journalistes... soit simplement parce-que les marques n'auront pas réussi à produire les nouveaux cadres. L'un des prochaines se situe en Sicile, où de nouveaux cas de malades atteints de Coronavirus ont été détectés hier.

Quand la Chine tousse, le monde qui s'enrhume

Dans un monde globalisé aussi dépendant d'un seul pays en termes de production, les conséquences seront forcément nombreuses et pas seulement dans l'industrie du cycle. Autoproclamé “futur maître du monde” il y a quelques mois, la Chine se trouve confrontée à une crise majeure, qui pénalise et paralyse son économie.

Gageons que le gouvernement chinois saura rattraper les retards associés à cette épidémie dans les mois à venir (mais à quel prix, humain et environnemental ?). Peut-être l'occasion pour certaines marques de rapatrier certaines productions au plus proche ou revoir leur logistique afin d'éviter de nouveaux problèmes à venir.