Présentation

Pour cet essai, Cannondale m'a fourni la version haut de gamme, le SystemSix Hi-MOD Dura-Ace Di2, facturé pas moins de 10499€.

Avec sa transmission haut de gamme et ses roues en adéquation avec ses ambitions de performances (64mm de haut), j'ai pesé ce vélo à 7.6kg en taille 54. Cela peut sembler "lourd" pour certains, mais il s'agit d'un vélo aéro, qui plus est équipé d'un capteur de puissance, de roues à pneus très hautes et de freins à disques.

Au premier regard, ce SystemSix ne cache pas son jeu, surtout dans ce coloris mêlant noir mat et brillant qui le fait ressembler plus que jamais à un avion furtif américain.

Le SystemSix est construit sur une base en six parties, le cadre, la fourche, la tige de selle, le cintre, la potence et enfin les roues. Tout cela est bien sûr construit en carbone, du BallisTec Hi-MOD Carbon pour être plus précis, le matériau le plus poussé de chez Cannondale.

Tous ces composants fonctionnent ensemble tels un système. Le design à freins à disques libère le SystemSix des contraintes imposées par des freins à patins, permettant aux ingénieurs d'atteindre un niveau d'intégration entre le cadre, la fourche et les roues et réduisant les frottements à un niveau jamais atteint. Cadre et fourche ont un profil aérodynamique sur chacune de leur section, tronqué à différents degrés, afin d'éviter le décrochement aéro dans les angles d'attaques importants et de maximiser ainsi le gain aérodynamique.

Les bases sont relativement courtes, avec 405mm et les haubans viennent s'ancrer sur le tube de selle assez bas, comme sur nombre de vélos de ce niveau, ce qui devrait augurer un joli dynamisme. Un tube de selle conséquent qui vient épouser la roue arrière, là encore pour limiter les turbulences aéro à cet endroit.

La forme de type aileron située la base du tube de direction, détourne le flux d'air, en le faisant remonter derrière le fourreau de fourche, pour enfin l'écouler vers l'arrière du vélo. Ainsi, le  flux d'air de la fourche ne s'écoulera pas dans le sillage du tube de direction et ne créera pas de turbulences aérodynamiques au-dessus du té de fourche.

Comme tout vélo aéro de ce niveau qui se respecte, le SystemSix bénéfice d'une intégration totale de la câblerie. Rien ne dépasse au niveau du cintre, de la douille de direction ou du reste du cadre.

Les gaines passent sous la potence et sont rendues invisibles par un cache plastique qui vient rendre la ligne plus fluide entre les entretoises et la potence. Les entretoises sont en deux parties et on peut ainsi en rajouter ou en enlever sans avoir à démonter les gaines et durites.

 

Le tube diagonal n'est pas aussi massif que sur des modèles concurrents et adopte une forme Kamm Tail.

La partie basse est arrondie alors que la partie où est fixé le porte-bidon est parfaitement plane, ce qui a pour but de générer moins de turbulences. Le porte-bidon peut être placé un peu plus bas, pour être encore plus aéro, grâce à une troisième vis, mais cela empêche dans ce cas la possibilité d'installer un porte-bidon au niveau du tube de selle.

En haut de ce tue diagonal, on trouve l'emplacement pour le boîtier de jonction. Dans le cas d'une transmission mécanique, un cache spécifique prend place à cet endroit.

Le serrage de la tige de selle se fait par le dessous de la partie triangulaire qui est entre le tube de selle et le tube horizontal. Une tige de selle très profilée, avec 60mm de profil et une largeur allant de 20mm sur la partie frontale à 15mm sur l'arrière.

Seule limite de toute cette intégration, la direction se trouve limitée dans son amplitude. Cela ne sera pas gênant en roulant normalement, mais il faudra faire attention quand on fait un demi-tour par exemple. Le rayon de braquage se trouve de fait très agrandi.

Equipement

Hormis le pédalier maison, ce modèle est donc équipé du haut de gamme de chez Shimano, le Dura-Ace Di2 avec disques hydrauliques. Un groupe que j'apprécie et qui est au-dessus de tout soupçon. Rapide, précis, et parfaitement fiable.

J'apprécie sur cette version à disques le fait que les leviers de freins soient strictement identiques aux versions mécaniques. On ne se retrouve pas, comme chez la concurrence, avec les cocottes nettement plus volumineuses.

Du côté des disques, Cannondale a fait le choix d'un 160mm à l'avant et 140mm à l'arrière.

Curiosité sur ce vélo en taille 54, les manivelles ne font que 170mm de long. Un choix étonnant, moi qui utilise cette taille de cadre mais avec des manivelles de 172.5mm. Le pédalier Cannondale HollowGram SiSL2 est équipé d'un capteur de puissance Power2Max  que l'on pourra faire activer pour la somme de 490€. Ce pédalier est fournit avec des dentures en adéquation avec le pédigrée du vélo, 52/36. Pour permettre à son utilisateur de pouvoir passer des cols, la cassette est une 11-30.

Le cintre Cannondale KNØT SystemBar est lui aussi atypique dans ses dimensions, puisqu'il ne mesure que 41cm de large à ses extrémités, 37.5cm axe à axe. La partie haute est profilée, 50mm de large pour 17mm de haut en frontal et 15mm de haut sur la partie arrière.

Malgré son aspect monobloc, il conserve le côté pratique d'un système en deux parties avec un cintre réglable sur 8° d'inclinaison. Le cintre est en fait vissé sur al potence.

On aurait pu croire que Cannondale aurait été plus dans le rang du côté des roues, mais que nenni. Si le profil haut de 64mm impressionne et ne laisse pas indifférent, c'est de face (ou de dessus) que l'on constate que la marque a opté pour une stratégie différente de tous, avec une jante très large (32mm au niveau de la piste de freinage) associée à des pneus relativement fins de 23mm, mais qui, montés sur ces jantes avec une largeur interne de 21mm, se "transforment" en 26mm.

But de la manoeuvre, offrir un pneu plus rond et donc plus aérodynamique.

A 1642g environ la paire de roues (20 rayons à l'avant et 24 à l'arrière) et plutôt honnête si l'on tient compte de la hauteur de ces modèles.

Une fois n'est pas coutume, on se retrouve avec de vrais pneus haut de gamme destiné à la performance avec des Vittoria Rubino Pro Speed de 23mm de section. Même s'ils sont un ton en-dessous des Corsa, ces Rubino Speed ont été optimisés pour offrir une résistance au roulement minimale. Ils sont annoncés à 190g pièce.

Terminons par la selle, une Prologo Dimension NACK qui s'est au final avérée relativement confortable même sur les sorties de plus de 3h30.

Sur la route

Malgré les nombreuses entretoises placées sous la potence, la position sur ce SystemSix en taille 54 est très agressive (sortie de selle de 74.5cm) avec un important delta selle / cintre. Une position très orientée vers l'aéro, pour aller le plus vite possible.

Une sensation encore renforcée par ce cintre très étroit (seulement 37.5cm axe à axe). Les premiers coups de pédales ne déçoivent pas, le vélo est taillé pour la vitesse et chaque watt consommé se transforme en vitesse. Un sentiment sans doute renforcé par le bruit généré par ces roues dont le profil de 64mm de haut génère pas mal de résonance quand on est debout sur les pédales.

Un vélo axé sur la performance, mais qui distille tout de même, toutes proportions gardées, un peu de confort. Bien sûr, on est à mille lieues des vélos endurance, mais en tenant compte de sa destination, de ses roues très hautes et de ses pneus de seulement 23mm (même s'ils mesurent 26mm), je m'attendais à nettement plus raide.

Si l'on devait faire l'analogie avec l'automobile, ce vélo n'est pas confortable comme peut l'être une Rolls, mais n'est pas aussi raide qu'une Porsche GT2 RS. On serait plutôt sur un modèle de type BMW M3 ou Audi RS6, un objet très performant mais pas uniquement dédié aux bitumes parfaitement lisses.

Alors bien sûr, sur mauvais revêtements, ça tape un peu, mais ça reste largement supportable même au-delà de 4 heures de vélo. Mais ne comptez pas partir sur les pavés du Nord avec ce vélo, ce serait une punition. Aucun bruit parasite de durite qui tape ou autre n'est à noter.

Sur le plat, à haute vitesse, ce vélo est un vrai régal. Passé 30km/h, il est dans son élément et plus on prend de la vitesse, plus on sent que ce SystemSix est efficace et capable de maintenir un très bon rythme. Il est parfaitement stable tant que vous n'avez pas à subir de rafales de vent latéral. Car dans ce cas, sans surprise, les roues de 64mm offrent trop de surface pour que vous ne soyez pas un peu secoué.

Si le vent est par contre favorable, vos adversaires auront du souci à se faire tant ce vélo est efficace dans ces conditions. Le profil des roues agit telle une voile.

Le vélo est hyper rigide, de fait on pourra faire des relances en costaud sans ressentir la moindre flexion, que ce soit sur l'arrière ou même sur l'avant. Tout reste parfaitement en ligne.

Les petits talus pourront aussi être passés en puissance pour ne pas perdre de vitesse et profiter de l'inertie du vélo. Cannondale annonce que le SystemSix reste le plus rapide jusqu'à 6% de pente. Difficile à dire et tout dépendra surtout de la longueur de la pente ainsi que de la fraîcheur du cycliste. Le tout est de rester à au moins 18/20km/h minimum pour ne pas subir la rigidité de ce vélo.

A noter que la rigidité extrême du cadre fait qu'en danseuse, sur des pentes à plus de 9% et route mouillée, le pneu arrière patine assez rapidement à la moindre imperfection. Pas dangereux si on est au courant, il faut garder un peu de poids sur la partie arrière pour conserver une bonne motricité.

Sur les pentes plus longues et plus fortes en pourcentage, ce SystemSix marque forcément le pas, notamment à cause de l'inertie de ses roues, mais aussi à cause de son poids de près de 8kg une fois équipé de pédales, d'une sacoche de selle et d'un compteur. Là, il faudra monter au train et choisir un braquet permettant de tourner les jambes à bonne cadence. Ne pas s'inquiéter si vos compagnons vous sèment, vous pourrez sans doute les rattraper à la faveur de la descente ou d'un bout plat par la suite.

En descente, le pilotage de ce vélo demande un peu de doigté si le vent est de la partie, mais sinon, il est sur des rails et prend facilement de la vitesse. J'ai pu le constater à plusieurs reprises avec des compagnons de route. Passé 40km/h, en roue-libre, le SystemSix offre un net avantage et prend plus vite de la vitesse que ses concurrents.

L'inscription dans les courbes rapides demande à ce qu'on lui rentre un peu dedans, sans doute à cause du profil des roues qui ont tendance à limiter la facilité à incliner le vélo.

J'ai par contre été déçu par le freinage ! Une course très longue des leviers, un manque cruel de mordant, de gros couinements sous la pluie au freinage, bref, vraiment pas top. Un sentiment à l'opposé de ce que j'avais pu ressentir à Ténérife, sur des descentes abruptes et techniques où j'avais été ravi.

Des problèmes à mettre sur le compte de disques et plaquettes en bout de course, puisque le vélo a déjà pas mal tourné en tests presse. J'ai d'ailleurs pu tester avec un disque avant et des plaquettes Swissstop (disques Catalyst et plaquettes Exotherm 2 organiques), plus de bruit et un net gain en puissance et mordant. Comme quoi, le freinage à disques demande une maintenance accrue et un certain doigté pour être parfait.

Bon point pour le poste de pilotage, aéro mais pas extrême, il sait se montrer confortable dans sa partie haute. Mais sur ce type de vélo, c'est clairement dans sa partie basse qu'il sera le plus utilisé, car il incite à rouler vite. Bien sûr, on pourra l'utiliser pour rouler plus tranquillement, mais c'est à rythme élevé que l'on en tire toute la quintessence.

Bilan

Cette version "extrême", vendue 10499€, n'est pas, loin de là, un vélo polyvalent. Principalement en raison de ses roues de 64mm qui, si elles sont redoutables, voire jouissives passé 40km/h, brideront vos ardeurs passé les pentes à 6%. Pour en faire un vélo plus passe-partout, il faudra opter pour des roues nettement plus basses, de 35mm de haut par exemple.

Mais le reste du vélo demeure tout de même orienté vers la performance pure à haute vitesse, avec son cintre très bas et étroit. Il excelle sur les parcours plats, voire légèrement vallonnés et ravira les coureurs puissants qui trouveront là un cadre qui ne se déformera jamais.