1. Bonjour Lilian. Ton vélo est-il un simple outil de travail ou tu t'intéresses à tout ce qui est matériel ?

Non, pour moi, c'est plus qu'un outil de travail, car c'est un outil de performance. Ce n'est pas aussi important qu'en sport mécanique à proprement parler comme en automobiles, mais ça fait tout de même partie de la performance et de la réussite. Le poids, l'aérodynamisme et le confort sur le vélo, mais aussi les critères liés à la sécurité comme l'adhérence avec les boyaux, le freinage avec les étriers sont des critères très importants.

Ils jouent sur la performance. Dans une descente, quand on a confiance en soi et en ses pneumatiques, quand on sait que le vélo freine bien et que l'on fait corps avec le vélo, on a plus de facilités à frotter dans le peloton ou à descendre un col rapidement. Mentalement, c'est très important.

2. Ton regard sur ton vélo a-t-il changé depuis que tu es professionnel par rapport à l'époque où tu étais amateur ?

Même amateur, j'ai rapidement bénéficié de matériel et d'une structure quasi professionnelle avec Vendée U. Mais amateur, je faisais déjà attention à mon matériel, en composant bien sûr avec les moyens financiers car le matériel vélo reste cher. Il fallait trouver le meilleur compromis en fonction du budget, c'est sûr que c'était différent.

Mais j'ai toujours privilégié de mettre plus l'accent, lorsque j'étais amateur, sur le fait d'avoir plusieurs paires de roues en fonction des profils de courses plutôt que d'avoir une seule très belle paire de roues à jantes hautes.

Je suis aussi pas mal branché capteur de puissance, outil avec lequel je travaille depuis 2013. C'était un gros investissement (j'ai commencé avec du Powertap), mas j'étais plutôt orienté vers ce type de matériel, dédié à la performance, plutôt que d'avoir à tout prix du très haut de gamme.

 

3. Tu as pu bénéficier aujourd'hui de l'étude posturale dynamique bikefitting.com. Quand tu es rentré dans la structure professionnelle Direct Energie, as-tu modifié ta position sur le vélo ?

Non, j'ai toujours fait ma position par rapport à mon ressenti sur les différents vélos que j'ai pu avoir. Lors des changements de vélos (et donc de géométrie), j'ai toujours refait ma position seul, en écoutant mon corps et faisant confiance à mon ressenti sur quelques sorties, mais aussi en regardant pas mal de photos de moi pour vérifier la position lors de l'effort. Cela permet aussi de constater des manques au niveau du gainage, avoir du recul.

J'ai en effet fait l'étude dynamique bikefitting.com tout à l'heure, je n'ai pas eu de grosses modifications à faire, ce qui est rassurant. Cela veut dire que j'étais plutôt bien posé sur mon vélo. Je me sentais bien dessus, ça s'est confirmé sur l'étude. Ca aurait été très perturbant d'être bien sur son vélo et de devoir modifier énormément mes réglages.

On verra avec le temps si des modifications un peu plus importantes sont nécessaires en cours de saisons, en étant un peu plus maigre et plus gainé.

4. Est-ce que tu te tiens au courant de tout ce qui est nouveautés au niveau du matériel vélo ?

Oui, j'essaie, notamment sur Internet. Mais dans le monde professionnel, nous avons quand même l'avantage d'avoir toujours une longueur d'avance à ce niveau avec toujours du matériel au top, que ce soit sur les chaussures, le compteur, ... On voit des produits dans le peloton qui ne sont pas encore à la vente, alors on essaie de se tenir au courant, mais je en suis pas à la recherche sans arrêt du dernier joujou.

Quand j'ai du matériel qui me plaît et dans lequel j'ai confiance, je ne cherche pas à avoir à tout prix la nouveauté. Je cherche avant tout la fiabilité et des produits qui ont un bénéfice pour ma performance et mon confort.

5. Je vois que tu es équipé de chaussures Sidi cette année, un nouveau partenariat. Est-ce que ce sont des chaussures sur-mesure ?

Non, pour le moment, ce sont des chaussures totalement de série (SIDI Shot dont vous pouvez retrouver le test ici). Mais SIDI est très réceptif au confort des coureurs, je ne suis pas encore allé à l'usine en Italie, mais j'ai été invité à m'y rendre dès que je peux pour pouvoir faire un moule et avoir des chaussures parfaitement adaptées à mes pieds?

Mais j'ai déjà fait pas mal de kilomètres avec le modèle standard et je suis bien dans la chaussure, sans jamais avoir eu de problème ou d'échauffement.

Pour le moment, je ne vois pas la nécessité d'avoir des chaussures sur-mesure, mais il est certain que le jour où je vais à l'usine, j'en profiterai pour faire un moule pour avoir une chaussure encore plus adaptée à ma morphologie, mais je ne pense pas qu'il y aura d'énormes modifications par rapport aux modèles standard.

6. Es-tu sensible au poids de ton vélo ?

Oui, j'y suis sensible, nous sommes déjà quasiment à la limite UCI de 6.8kg mais je crois que cette norme passe à 6.6kg en 2019. Avec des roues en 30 ou 45mm, nous sommes déjà à 6.9kg environ avec capteur de puissance, il ne faut pas se prendre la tête à essayer de gratter 200g. Du moment que le vélo reste entre 6.8 et 7kg, ça me va. S'il fait plus de 7kg, c'est embêtant, mais en général, nous sommes sous la barre des 7kg, hormis sur les vélos de CLM.

7. Que penses-tu des freins à disques ?

Pour l'instant, je n'ai pas testé sur route en compétition, mais je vais sans doute tester. En cyclo-cross, je suis équipé de freins à disques et j'ai de suite adhéré. Je suis ouvert là-dessus, mais c'est avant tout une question d'habitude.

Au début, je n'aimais pas le groupe Shimano avec freins à disques, car les poignées étaient trop hautes, ça me dérangeait vraiment dans les cyclo-cross, mais maintenant que les poignées sont aussi fines que les modèles à câbles, je suis vraiment ouvert pour les essayer, je n'ai aucun tabou sur ce sujet.

Peut-être pas toute la saison avec, car quand il fait sec, je ne vois pas l'intérêt d'avoir des disques, mais c'est surtout pour avoir plus de confort sous la pluie. En plus, avec les axes traversants, on a plus de rigidité, la roue ne touche pas le disque quand on est en danseuse, franchement, je n'ai pas d'inquiétude sur l'utilisation de freins à disques.

Il n'y a que sur le changement de roue que c'est plus délicat, plus long en cas de crevaison. Sur un moment un peu clé, tendu, je trouve ça un peu chaud.

8. Est-ce que la façon de mener tes entraînements a changé depuis que tu es professionnel ?

Je travaille au capteur depuis 2013, j'ai donc déjà un gros historique sur mes données à l'effort, ma progression. A 25 ans, je me connais déjà bien, j'ai un bon recul, c'est très important. Mais mes entraînements n'ont pas radicalement changé.

Ce qui a changé chez les professionnels, c'est la planification, car on ne court pas tous les week-ends. La base reste la même, mais c'est plus structuré. On fait d'abord du foncier, ensuite, on travaille en I3, I4 puis on travaille la PMA juste avant la reprise pour arriver en forme sur les premières courses. Ensuite, ce sont les courses qui finissent le travail.

Chez les amateurs, c'était plus compliqué avec les courses tous les week-ends et surtout, même en n'étant pas à 100% en amateur, on arrive à pas trop mal marcher alors que chez les pros, le niveau est hyper homogène. Quand on n'est pas en forme, on subit de suite la course. C'est donc important de tout planifier pour arriver en forme sur les objectifs.

Par exemple, après Liège Bastogne Liège, je vais avoir 1 mois sans compétition, je vais donc couper totalement 10 jours du vélo et après, il faut reprendre l'entraînement, surcompenser pour arriver en forme au Tour de l'Ain. Des recettes apparemment faciles, mais il faut bien connaître son corps pour y arriver, jauger les moments où il faut récupérer ou au contraire, si on peut faire un peu plus d'efforts. Il faut trouver le juste milieu entre le "un peu trop" et le "pas assez". C'est avec l'expérience qu'on arrive à trouver où placer le curseur.

Mais il y a aussi le volume qui est différent. Chez mes deux dernières saisons amateurs, j'ai dû faire 23 et 24000km, chez les professionnels, je suis passé à 29 et 30000km, ça fait donc un volume plus conséquent.

9. Pour t'entraîner et t'améliorer à grimper, tu vas à la montagne, dans les Pyrénées par exemple, ou tu restes du côté d'Albi ?

Non, autour d'Albi, j'ai un bon terrain d'entraînement et je ne suis pas trop haute montagne. Je monte des cols plutôt sur les courses ou lors des stages de l'équipe.

Je suis plutôt moyenne montagne avec des efforts sur 30mn environ sur 10/12km, ça correspond plus à mes caractéristiques physiques pour le moment et je préfère continuer à travailler ce type d'efforts pour conserver ces qualités plutôt que de tenter de devenir grimpeur, ce qui imposerait que je m'affûte encore plus, au risque de perdre un peu de puissance. Je ne suis pas assez fort au niveau international dans les longs cols pour axer tout mon travail dessus.

Je préfère pour le moment conserver mes qualités de puissance et pouvoir faire la différence comme je le fais actuellement, en gagnant des courses en solitaire, ce qui demande d'avoir beaucoup de puissance sur la fin des courses.

10. Suis-tu un régime alimentaire spécifique ?

Non, je ne suis pas sans gluten ou autre, je fais partie de ceux qui essaient de manger de tout en étant assez équilibré. Il y a toujours des progrès à faire à ce niveau, mais là encore, il faut trouver le juste milieu entre trop de frustration et le plaisir. Chacun est différent à ce sujet. Pour certains, se priver de certains trucs est inconcevable, pour d'autres, ça va être autre chose, il faut trouver son équilibre, ne pas se prendre la tête.

Les sacrifices n'en sont pas vraiment, ils viennent avec la motivation. Quand tu prépares le Tour et que tu es ultra motivé, ce n'est pas un sacrifice de manger juste du melon et de na pas manger de desserts ou de sucreries. Ce sont les objectifs qui me guident.

En début de saison, je n'ai pas mon poids de Grand Tour, mais d'un autre côté, ça ne sert pas à grand chose et je sais que je vais maigrir naturellement avec les entraînements.

 

Merci à Lilian Calmejane pour sa disponibilité. Vous pouvez le retrouver sur sa page Facebook ainsi que sur Twitter.

Merci aussi à RVF pour la photo de Lilian avec ses Sidi Shot, ainsi qu'à Blaise Chauvière (Direct Energie) pour ses deux clichés.