1. Coureur, te tenais-tu au courant des dernières nouveautés dans le domaine du matériel ?

Oui, je regardais toujours à gauche et à droite pour voir le matériel de mes concurrents. C'est important de regarder ce qui se fait à côté pour progresser, ne pas se contenter de seulement s'entraîner. Cela faisait pour moi partie de mon job.

C'est encore plus vrai sur les vélos de contre-la-montre où certains détails peuvent être décisifs dans la performance.

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2. Le poids du vélo était-il important pour toi quand tu courrais ?

Sincèrement, non. J'étais en général entre 7 et 7.5kg suivant le vélo utilisé et la course, ce qui ne me posait aucun problème. Je trouve que c'est bien d'avoir une limite (6.8kg), mais pour moi, vu ma taille, difficile de descendre plus bas.

Le plus important reste le poids du coureur plus que celui de son vélo.

3. Ton poids de 84kg avait-il une incidence sur tes choix matériels ?

Ce n'est pas vraiment à cause de mon poids, mais par exemple, je n'utilisais jamais de cintre carbone. Hormis sur le dernier Madone (voir test ici), j'ai toujours préféré utiliser un cintre aluminium, plus solide et rigide.

Mais c'est plus un choix personnel qu'un réel choix en fonction de mon poids.

4. Tu as été professionnel en 2001. Quelle amélioration matérielle t'a le plus marqué durant ta carrière ?

Indéniablement, le passage des cadres alu au cadre carbone. Le carbone n'a pas seulement permis d'avoir des vélos plus légers et avec des formes plus modernes. Les vélos ont de suite été nettement plus réactifs et rigides.

Le carbone a grandement évolué en quelques années, à tel point que même sur Paris-Roubaix, on peut sans aucun problème utiliser des roues en carbone alors que pendant longtemps, les coureurs ont utilisé sur cette course des roues en aluminium.

Depuis que je fais du vélo, le matériel a beaucoup évolué et est devenu nettement plus technique.

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5. Tu es resté toute ta carrière avec une transmission mécanique Shimano alors que la plupart des coureurs préféraient la version électronique. Pourquoi ?

Sans doute parce que je suis d'une ancienne génération (sourire !). Je me trouve mieux, j'ai la sensation que je peux changer de vitesses plus rapidement avec la transmission mécanique. Je préfère.

De plus, je ne voulais pas être tributaire de problèmes électroniques dû à un câble ou une batterie. Un câble en acier est très fiable (notamment sur les classiques), il n'y a quasiment jamais de problème avec et on peut très vite trouver l'origine du problème et le régler.

Avec l'électronique, c'est plus difficile, trop de choses peuvent faire perdre une course. J'ai quelques amis coureurs qui ont eu des soucis de panne de batterie durant des entraînements et qui ont dû rentrer sur un développement unique. Pour ma pas, je ne voulais pas prendre le risque de perdre une course sur un problème électronique.

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6. On parle beaucoup des freins à disques sur les vélos de route et de leur arrivée dans le peloton professionnel. Quel est ton avis ?

Je trouve que c'est plus du marketing qu'une réelle demande des coureurs. Les freins à disques ne vont pas aider à diminuer les chutes.

Et surtout, ça a l'air plus dangereux en cas de chute. Le système doit être amélioré sur ce point, être moins "ouvert". J'ai essayé et je ne trouve pas que cela soit réellement utile dans un peloton professionnel. Autant c'est très bien sur les VTT ou les vélos de cyclo-cross, mais sur la route, je n'en vois pas l'intérêt.

10. Tony Martin utilisait parfois des pneus sur les chronos pour un meilleur rendement. As-tu de ton côté utilisé des pneus ou uniquement des boyaux ?

J'ai uniquement utilisé des boyaux. Une fois de plus, je pense que c'est un choix individuel. Beaucoup de paramètres, comme la motivation, peuvent jouer sur la performance, il est donc difficile de dire si les pneus sont moins bons que les boyaux. Pour un coureur motivé et préparé pour un objectif, pneus ou boyaux, peu importe.

Il ne faut pas toujours chercher la performance à travers le matériel. Pour cette année par exemple, je n'ai pas fait de gros changements sur mon vélo de chrono, c'est uniquement ma motivation qui a fait la différence.

Aujourd'hui, beaucoup de produits sont lancés sur le marché en disant "c'est le meilleur, vous allez gagner X watts",  la fin, c'est vraiment individuel, c'est le coureur, sa préparation, sa motivation et son expérience qui vont jouer.

11. A l'entraînement, tu roulais en pneus pour le côté pratique ou boyaux ?

Toujours en pneus. C'est nettement plus facile et rapide à changer quand on crève. Je réservais les boyaux pour les courses où nous avons une assistance.

12. Est-ce que tu étais un adepte des entraînements via capteur de puissance SRM ?

Bien sûr. C'est un passage obligé pour faire du travail spécifique et de qualité.

13. Fabian Cancellara va-t-il continuer le vélo malgré l'arrêt de sa carrière ?

Oui, je suis un passionné de vélo. Ce n'est pas parce-que j'ai pris ma retraite professionnelle que je vais arrêter de rouler. Mais je vais rouler différemment. Ce sera uniquement par envie, il n'y aura plus de notion d'entraînement, de puissance.

Tu me parlais de capteur de puissance à l'instant, je n'aurais plus besoin de ce genre d'outil. Un simple compteur avec la vitesse, la distance et l'heure me suffit maintenant. La technologie, c'est très bien, mais parfois, c'est trop. C'est pour ça que je travaille par exemple sur un projet de compteur Omata (voir plus bas).

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14. Le climat Suisse est plutôt froid, notamment en hiver. Comment t'entrainais-tu ? Home trainer ou tu pouvais rouler comme d'habitude ?

Contrairement à ce que l'on peut penser, même s'il fait froid en hiver, la Suisse n'est pas pour autant recouverte de neige et il y pleut très peu. De mon point de vue, c'est presque l'endroit idéal pour faire du vélo.

On peut y rouler toute l'année. En hiver, il me suffisait donc de bien me couvrir pour continuer mes entraînements.

15. Que vas-tu faire maintenant que tu as pris ta retraite en tant que coureur ? As-tu toujours l'envie de rester dans le monde du vélo ?

Oui, c'est une certitude. Je travaille déjà avec Trek pour améliorer le matériel et tester de nouveaux modèles. Je travaille aussi sur un compteur tout à fait atypique, Omata, le premier compteur GPS analogique au monde.

J'ai aussi pas mal d'idées avec mes sponsors privés dans le futur. Mais pour le moment, je fais une pause et profite de ma famille.

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Un grand merci à Fabian pour m'avoir consacré de son précieux temps. Une légende qui aura marqué son temps.

 

Crédits photos : Trek, Graham Watson & Kristof Ramon