Interview de Rozanne Slik, FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope
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le mardi 15 mai 2018 08:03 -Le cyclisme féminin est à un tournant et en pleine évolution. Malgré quelques déconvenues, comme la récente annulation de la Route de France, les cyclistes féminines trouvent des structures de plus en plus professionnelles, à la hauteur de leur talent, pour les accompagner.
Seconde féminine à être questionnée ici après Audrey Cordon-Ragot, voici Rozanne Slik, qui fait partie de l'équipe FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope. Une équipe qui apporte un encadrement solide, tant sur le plan de l'entraînement que de la logistique, avec un partenaire connu dans le monde du cyclisme, FDJ.
Coureuse néerlandaise, elle a fait partie des équipes Parkhotel Valkenburg et Liv-Plantur avant d'arriver en 2018 dans l'équipe française. Pratiquante route, piste et VTT, elle a notamment terminé à la quatrième place de la Route de France 2016.
1. Bonjour Rozanne. Tout d’abord, peux-tu te présenter. D’où viens-tu, quelles sont tes précédentes équipes ?
Je m’appelle Rozanne, j’ai 26ans et je viens de Bergen, un village proche de la mer dans le nord-ouest du Pays-Bas. Après 4ans chez Parkhotel-Valkenburg, j’ai couru 2 ans pour SunWeb et maintenant pour la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope.
2. Piste, VTT, route, tu pratiques de nombreuses disciplines vélo. Comment as-tu débuté le vélo ?
Faire du vélo c’est dans mon sang, mené par l’exemple de mon grand-père. Il a 87 ans et continue de faire du vélo, c’est un vrai exemple pour moi. J’ai débuté la compétition quand j’avais 15ans. Au début, je ne faisais que du VTT, puis j'ai fais de la piste et enfin la route.
Quand j’ai eu 22ans, je suis complètement passée du VTT à la route. J’aime la liberté que le vélo me donne. Il permet d’explorer le monde de manière amusante, profiter de la nature, me confronter à moi-même et défier les conditions les plus extrêmes en course. Parfois, c’est difficile de voir l’environnement dans lequel nous roulons mais quand je ne suis pas en course, j’essaye d’en profiter autant que possible. Être cycliste professionnelle est un rêve devenu réalité. Une chose que je n’oublierais jamais quand je vais rouler, c’est mon téléphone pour pouvoir capturer et partager les plus beaux moments sur ou hors vélo.
3. Récemment, l’équipe FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope a été victime d’un vol de vélos sur le Trofeo Binda. Comment avez-vous pu continuer à courir ?
Nous nous sentions très mal à propos du vol de nos vélos. Quand votre vélo est volé, c’est comme si une partie de votre vie vous a été enlevée. Heureusement, nous avions encore nos vélos de rechange pour la course et beaucoup d’équipes nous ont aidé pour avoir des vélos de rechange durant la course. Ale-Cipollini, Team Hitec Products, Waowdeals ProCycling et Cyclance Pro Cycling, ils nous ont tous donné un de leurs vélos et nous étions sereines pour faire la meilleure course possible.
C’est quelque chose que j’aime beaucoup dans la communauté cycliste, la façon dont les équipes travaillent ensemble et s’entraident en cas de besoin. Tout le monde nous a aidé à tirer le meilleur de cette situation et c’était vraiment une grande motivation pour finir la course de la meilleure des façons. Nos vélos de rechange ont été parfaitement préparés par Thibaut notre mécanicien, donc il n’y avait pas de grandes différences avec nos vélos volés. La plus grande différence, c’était que nous avions des Aircode au lieu des Xelius.
4. Quelle est ta relation vis-à-vis de ton vélo ? Simple outil de travail ou passionné de technique ?
Personnellement, j’aime tout ce qui est technique sur le vélo. Avant la course, je pense toujours à comment je peux performer le mieux possible et le vélo est un facteur important dans notre performance. Par exemple je pense toujours à quel sera le meilleur pignon, la bonne pression et enfin les meilleures roues pour la course.
Ensuite je discute avec le mécanicien et fais un choix. C’est important qu’un coureur comprenne les bases du fonctionnement d’un vélo et prenne bien soin de l’équipement. C’est important pour le moral à l’entrainement et en course d’avoir un vélo parfaitement entretenu avec rien d’autre que le bruit de vos roues sur la route.
5. On voit de nombreux coureurs professionnels hommes optimiser de plus en plus leur matériel (gains marginaux). De ton côté aussi, t’intéresses-tu à ce type d’optimisations sur ton matériel ?
Oui je m’y intéresse, mais nous devons aussi penser à nos sponsors et à ce qui est le mieux pour l’équipe. J’aime aussi que nos sponsors pensent à nous, comme les détails sur nos Lapierre (coloris spécifiques pour l’équipe), les capuchons sur nos selles Prologo avec notre drapeau national, tout ça montre leur intérêt. Concernant les gains marginaux que nous pouvons faire, il peut y avoir des améliorations, par exemple pour le moment nos vélos de contre-la-montre et les Aircode sont en Shimano Ultegra au lieu du Dura-Ace, c’est plus qu’un gain marginal qu’on pourrait gagner là.
Chaque année, je fais un bikefitting (étude posturale bikefitting.com, voir reportage ici) pour être sûre que ma position sur le vélo soit la plus optimisée possible. Vous seriez parfois étonné de voir combien il est facile de gagner quelques watts en changeant une position, plutôt que de gagner la même quantité à l’entrainement.
6. Te tiens-tu au courant des dernières nouveautés dans le domaine du matériel ? Si oui, par quel biais ? Magazines, internet, autre ?
Oui, j’essaye de suivre sur internet, principalement sur les réseaux sociaux tels que Instagram pour voir les nouveautés rapidement. Surtout après des évènements comme l’Eurobike, il y a beaucoup de nouveautés à voir. Pour avoir plus d’informations, je me tourne vers les magazines, j’aime lire les interviews et les détails de fabrication sur magazine plutôt qu’internet.
7. Tu cours aussi bien sans freins (piste) qu’avec des disques (VTT). Quel regard portes-tu sur les freins à disques sur la route ?
Je n’ai jamais essayé les freins à disques sur un vélo de route, mais quand j’étais VTTiste je ne comprenais pas pourquoi les vélos de route n’avaient pas de freins à disques ! Si je pouvais avoir un vélo à freins à disques, je roulerais avec c’est sûr. Une fois habitué, il est plus facile de réguler la puissance de freinage et sous la pluie c’est mieux.
8. Après avoir fait partie de nombreuses équipes aux Pays Bas, tu as intégré cette année la nouvelle équipe FDJ Nouvelle-Aquitaine Futuroscope. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
J’étais dans 2 équipes néerlandaises sur route et je me sentais prête pour une nouvelle aventure. En parlant avec FDJ – Nouvelle Aquitaine – Futuroscope, j’ai senti que la structure de l’équipe était bonne et qu’il y avait une grande base de partenaires, ce qui rend l’équipe spéciale. Bien sûr, j’ai aussi pensé que ce serait bien pour moi d’aller dans une équipe où j’aurais un rôle différent sur les courses, en aidant l’équipe dans le final des courses difficiles.
Aider mes leaders et obtenir un bon résultat personnel c’est aussi important l’un que l’autre, un bon résultat de l’équipe est un bon résultat pour moi.
J’aime partager mes expériences de course, ce que j’ai appris dans mes anciennes équipes avec les plus jeunes.
9. Vous disposez, comme les coureurs pros de l’équipe FDJ, de deux modèles de vélos, Xelius et Aircode. Lequel préfères-tu ?
Les deux vélos répondent différemment, c’est difficile d’en choisir un, cela va dépendre de la course. Principalement pour les courses montagneuses et les classiques je roule sur le Xelius mais quand nos vélos ont été volés à Binda, j’ai fait la reconnaissance du Tour des Flandres avec le Aircode et j’ai été surprise par le vélo sur les pavés. Je n’ai pas couru le Tour des Flandres avec car le Xelius est fait pour, mais maintenant ce sera une option pour moi dans une course rapide avec moins de pavés.
10. Es-tu impliquée avec tes sponsors dans le développement du matériel ? Si oui, comment ?
Pas directement, mais j’aime partager mes pensées avec l’équipe, pour qu’ils puissent le communiquer à nos partenaires. Je pense que c’est un gros avantage pour les marques d’avoir un retour d’expérience de nos entrainements et des courses pour développer les produits. Il n’y a pas beaucoup de cyclistes qui roulent autant et aussi longtemps que nous en 1 an et avec tous les types de conditions météorologiques.
11. Es-tu sensible au poids de ton vélo ou est-ce plutôt le confort et la réactivité qui sont recherchés ?
Pour moi, le confort dans un vélo de course n’est pas si important. Nous roulons entre 3h30 et 4h30 et si il doit être plus rapide que confortable, je choisirais ça. Bien sûr il ne doit pas causer de problème de santé, il ne doit pas être inconfortable. Pour l’entrainement c’est différent, le confort à son importance.
Je suis sensible au poids de mon vélo, nous faisons des efforts pour préparer notre corps comme il faut, ce serait dommage de perdre ces efforts avec un vélo trop lourd.
12. Quel est ton kilométrage annuel moyen ?
En 1 an je fais autour de 20 000km. Pour donner avoir une idée de mes entrainements et combien de kilomètre je roule, je partage mes entrainements et courses sur mon Strava. En plus du vélo, je fais aussi de la gym pendant l’hiver et entretiens cette stabilité pendant la saison. C’est important pour empêcher les blessures.
13. L’arrivée d’un sponsor comme la FDJ dans le cyclisme féminin te permet-il de te consacrer à 100% au vélo, d’être véritablement cycliste professionnelle ?
Ce n’est pas facile de répondre à cette question, car j’ai consacré ma vie au vélo depuis que j’ai 18ans. J’ai d’abord réussi à m’entrainer et à participer à des courses de VTT à travers l’Europe et même dans le monde en plus de finir mes études au lycée et d’obtenir mon bac. Faire le sacrifice de ne pas avoir la vie d’une étudiante « normale », mes résultats sur le vélo étaient de plus en plus bons, et finalement je peux maintenant courir pour une des plus grandes équipes cyclistes professionnelle sur route.
A côté de ça, j’ai eu plusieurs emplois en tant que rédactrice freelance, ce qui ne donne aucune certitude, mais j’étais capable de courir en étant aussi bien préparée que possible. J’ai consacré une partie de ma vie au cyclisme sans recevoir de retour financier, c’était juste par amour du sport. Aujourd’hui dans le peloton, il n’est pas possible de courir et d’obtenir de bons résultats dans le WorldTour sans vivre comme une professionnelle, que ce soit sans études ou travail.
Le cyclisme n’est pas seulement un passe-temps que nous pratiquons. Le niveau des équipes et des coureurs s’est beaucoup amélioré ces dernières années. Avec la FDJ, je suis convaincu qu’il sera possible de récompenser cela. En plus de sponsoriser notre équipe, ils ont une vision de soutien des femmes dans le sport en général, ce qui est une étape importante. La prochaine étape sera de récompenser toutes les cyclistes femmes pour être professionnelles financièrement parlant, nous permettant de nous améliorer encore plus.
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Un grand merci à Thomas Maheux pour les photos et pour avoir faire l'intermédiaire avec Rozanne.