1. Quelle est ta relation vis-à-vis de ton vélo ? Simple outil de travail ou passionné de technique ?
Oui, je m’intéresse au matériel. Je pense que quand on est coureur professionnel, on est obligé de s’intéresser à la technique. Il faut comprendre tout ce qui se passe au niveau du développement matériel, comme ce fut le cas quand Shimano est arrivé avec les changements de vitesses intégrés aux leviers.

2. T'intéresses-tu aux nouveautés sur le matériel ?
Je me renseignes surtout via les mécanos de l’équipe et directement avec les ingénieurs de Trek qui discutent beaucoup avec nous sur ce que nous aimerions avoir comme améliorations, etc..

3. Te souviens-tu de ton premier vélo ?
Oui, je m’en souviens parfaitement. A l’époque, en Allemagne de l’Est, nous n’avions qu’une seule marque de vélo (comme c’était le cas aussi pour les voitures, motos, …). C’était la politique du gouvernement de l’époque.
C’était un vélo Diamant couleur argent avec des pneus plutôt larges, type cyclo-cross.
J’étais un enfant avec beaucoup d’énergie, ce qui me posait des problèmes à l’école. Un jour, mon professeur a dit à mon père « Ecoutez Mr Voigt, votre fils a trop d’énergie. Il faut qu’il fasse du sport pour utiliser cette énergie ».
Et un club local est venu un jour avant le début des cours à l’école et a demandé qui viendrait s’entraîner avec nous l’après-midi. Ceux qui viendraient auraient un vélo Diamant couleur argent. Et quand tu as 10 ans, tu ne peux pas refuser cette offre d’avoir un vélo gratuit ! Super, sûr, je vais faire du vélo ! Voilà comment j’ai commencé.
Après 3 semaines d’entraînement, j’ai gagné ma première course.

Après la chute du Mur de Berlin, beaucoup de société de l’Allemagne de l’Est ont été revendues et c’est en fait Trek, ma marque actuelle de vélo, qui a racheté la marque Diamant.

4. Quel vélo t’a le plus marqué durant ta carrière ?
Helium.gifIl n’y a pas spécialement de vélo qui m’a marqué. Ce sont plus les roues Mavic Hélium à l’époque du Crédit Agricole. Dès que je les ai vues, je me suis dit « Whaou, elles sont super cool ! Rouges, très légères, chic, high tech. A l’époque, les meilleures roues. ».

J’ai gagné le plus de courses avec le Cervélo que j’utilisais chez CSC avec Bjarne Riis. Mais les Specialized, Look, Trek, Cervélo, Look, Lapierre, Cannondale, font tous de très bons vélos sur le haut de gamme.
Il n'existe plus vraiment de mauvais vélos.

TDF2012-Blagnac-092.jpg5. Tu as souvent eu des vélos personnalisés. Les as-tu tous gardé ?
TDF-2013-Fougeres-104.jpgCe sont des cadeaux fait par la marque Trek et non par l’équipe.
L’équipe m’autorise à rouler avec ces vélos personnalisés, mais c’est en fait un cadeau de Trek pour moi, comme c’est le cas pour Fabian Cancellara.

Ce sont donc des vélos que je vais garder bien sûr. C’est un honneur de recevoir de tels vélos !

6. As-tu déjà testé des tubeless et si oui, ton avis par rapport aux pneus et boyaux ?
Oui, grâce au partenariat avec Schwalbe, j’ai pu tester. Je pense que ça sera un très bon truc dans l’avenir.
C’est plus aérodynamique, ce sera donc très intéressant sur les contre la montre grâce à un meilleur rendement. Tony Martin teste actuellement les tubeless pour les chronos, car chaque seconde compte. Eurobike-2013-255.jpg



7. Lors de tes entraînements tu es plutôt pneus, boyaux ou tubeless ? Pour quelles raisons ? Quelles pressions utilises-tu en général ?
J’utilise des pneumatiques car c’est plus facile et moins cher à réparer (3.50€ pour une chambre à air contre 50€ pour un boyau).
Et à l’entraînement, quand je lève la main en cas de crevaison, ça ne marche pas, personne ne me dépanne.
De plus, un boyau vraiment bien collé, « c’est vraiment la merde pour réparer au bord de la route ».

Pour les pressions en course, 8.5 bars. S’il pleut, je diminue à 7 bars. En contre la montre par contre, je gonfle à 10 bars.



8. Quel a été ton plus gros braquet utilisé en CLM ? Et le plus petit braquet utilisé en course (sur quelle course ?) ?
TDF-2013-CLM-St-Michel-202.jpgAvec des manivelles de 180mm, j’ai utilisé une fois un 56x11 sur le prologue du Tour de France 2005, quand Zabriskie a gagné. On avait vent de dos sur tout le parcours (19kms). C’était entre Fromentine et Noirmoutier-en-l’Ile.
Le plus petit utilisé a été un 38x28 sur le Giro pour monter le Plan de Corones.


9. Durant toute l’année, un ou plusieurs mécaniciens s’occupent de ton vélo pour les courses. Mais qu’en est-il pour ton vélo d’entraînement ? Entretien par toi-même ou tu passes par un vélociste près de chez toi ?
Pour tout ce qui est petit entretien (ruban de cintre, selle, chambre à air), je fais moi-même. Mais pour tout ce qui est plus compliqué, je vais dans un magasin de vélo, car je n’ai pas tous les outils pour le faire.

10. Depuis les années 90 et ton début chez les professionnels en 1997, il y a eu de nombreuses évolutions matérielles. Quelles sont celles que tu as le plus apprécié ? Roues carbone, groupes électroniques ?
Sans aucun doute, le changement des vitesses intégré aux leviers de freins. Ce fut vraiment un super truc qui a facilité la vie des coureurs.

Mais aussi tous les composants qui sont passés au carbone (tige de selle, cintre, potence, roues).
Les roues carbone et plus aérodynamiques expliquent par exemple que les moyennes sur le Tour de France sont encore hautes. Les critiques disent que c’est parce-que les cyclistes se dopent encore. Mais non, les évolutions technologiques nous ont permis de réels progrès. Rouler à 40km/h avec le matériel d’aujourd’hui, c’est facile par rapport aux vélos avec lesquels j’ai commencé.

11. Es-tu sensible au poids de ton vélo ?
Aujourd’hui, il est facile d’arriver à un vélo léger. Mon vélo pèse 7kg car je suis très grand. Pas très loin de la limite UCI. Juste avant le Tour de France 2013, lors d’un entraînement, les mécanos ont pesé tous les vélos de l’équipe. Tous les vélos étaient à la limite.

Le problème est plus pour les petits coureurs comme Cunego d’arriver à la limite. Ils sont obligés d’installer des poids. J’ai vu lors du dernier Tour sur le vélo d’un coureur, une petite clé de 8 sous le porte-bidon afin de rajouter encore du poids sur le vélo.

12. Côté textile, que conseilles-tu pour de longues sorties aux cyclistes ? Utilises-tu de la crème appliqué sur la « peau » ? Car de nombreux cyclistes souffrent parfois du fessier après une très longue sortie….comment gérez-vous cela sur un grand tour ?
J’essaye de ne pas trop utiliser de crème, car de mon expérience, quand on commence à l’utiliser, on ne peut plus s’en passer. Je n’en utilise que lorsque j’ai un problème.
Avec les peaux modernes, il est facile de trouver du confort, même sur de très longues étapes.

13. Quel est ton kilométrage annuel moyen ?
32.000 à 33.000kms par an.

14. Utilises-tu un capteur de puissance pour tes entraînements ? Est-ce que cela a changé ta façon de t’entraîner ?
Oui, bien sûr. Nous sommes tous équipés avec des SRM.
On a plus d’informations sur notre forme. Je vois si je manque d’endurance ou de puissance. Mais pour un vieux coureur comme moi, ce n’est pas très important par rapport aux jeunes. Je reste avec le même entraînement que ce que je fais depuis des années.

Pour les jeunes, c’est un super outil qui leur permettra d’avoir de nombreuses données dans le temps et ainsi voir l’évolution pour modifier l’entraînement.

15. Une semaine d’entraînement type pour toi, ça ressemble à quoi ? Plutôt du matin ou l’après-midi ? Entraînement seul ou avec d’autres coureurs ?
Je m’entraîne à partir de 9h30/10h car j’amène mes enfants à l’école à 8h puis deux petites filles à la crèche. Semaine type, après une course le dimanche, je fais de la récupération active le lundi pendant 1h30. Mardi, je fais 3h, le mercredi, 4 à 5h avec des intervalles, et ensuite, je ralenti le rythme en fin de semaine pour être prêt pour le week-end.

Je m’entraîne seul, car les autres coureurs partent à 9h. Avec mes enfants, je n’arrive pas à être à l’heure, je roule donc seul.

16. Côté alimentation, qu’emportes-tu avec toi pour tes sorties d’entraînement ?
Bananes, barres de céréales. Si je fais une longue sortie de plus de 5h, je m’arrête dans une boulangerie pour prendre un café et des croissants.

17. Comment trouves-tu la motivation pour aller t’entraîner par mauvais temps dans ta 17ième année ? Y a-t-il des jours où tu te demandes pourquoi tu fais encore ça ?
Gros rire de Jens !'
Je me pose de plus en plus la question avec l’âge et surtout à chaque chute.
Tu es là, par terre, en train de saigner et tu te dis, merde ! Qu’est-ce que je fais ici ! J’ai pas besoin de ça encore.

Mais j’ai encore beaucoup de passion pour le vélo et de plaisir à faire du vélo. Ce n’est donc pas trop un problème de faire des sacrifices et des entraînements par mauvais temps.

18. Si l’équipe Trek fait appel à toi pour le Tour 2014, que répondras-tu ?
Presentation-TDF2014-061.jpgBien sûr, j’irai si l’équipe fait appel à moi car elle a confiance en moi. Mais je ne serai sans doute pas assez fort. Il y a beaucoup de coureurs dans l’équipe plus forts, plus jeunes…
Tout dépendra l’objectif. Si on va chercher le grimpeur ou sprinteur, ce sera sans moi car je ne suis pas le meilleur dans ces domaines.
Mais si l’équipe recherche quelqu’un pour rouler jour après jour sans craquer, je serai peut-être sélectionné pour participer.

19. 2014 sera-t-elle ta dernière année comme cycliste professionnel ? As-tu déjà envisagé ta reconversion ?
Normalement, oui, ce sera ma dernière année. Il faut être réaliste, je suis de moins en moins fort. Mais sait-on jamais.

Pour ma reconversion, j’ai plusieurs projets, notamment avec l’équipe Trek, pour rester dans mon sport.
Car je ne suis pas millionnaire. Même si je vis très bien et j’ai gagné par mal d’argent dans ma carrière. Mais les cyclistes ne sont pas aussi bien payés que les footballeurs. J’ai payé mes impôts pendant 6 ans en France, je paye maintenant mes impôts en Allemagne. Je ne suis pas Contador !

20. Une autobiographie en vue ?
Oui. J’ai déjà sorti deux livres, mais uniquement en allemand. Je travaille sur une autobiographie, mais très très lentement.

Un grand merci à Jens Voigt, homme de parole et disponible.
Vous pouvez le retrouver sur Facebook et Twitter.
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