Présentation

Lorsque les Cycles Méral ont publié sur leur page Facebook une photo de ce Louison Inox, je suis tombé sous le charme. Les vélos Méral sont fabriqués dans le même atelier et par les mêmes artisans que les vélos Cyfac. Vous pouvez retrouver ma visite de l'atelier Cyfac ici.

J'en profite pour remercier Baptiste, cadreur chez Cyfac / Méral, qui m'a prêté son propre vélo pour l'occasion.

J'ai beau tester parmi les plus beaux et les plus modernes vélos en carbone de la planète, les cadres en acier fabriqués artisanalement, qui plus est en France, procurent toujours en moi un certain émoi.

J'ai, comme beaucoup, débuté sur mes premiers tours de roues et mes premières courses FFC sur des cadres acier, Columbus SL ou Reynolds 531. Du Motobécane, du Peugeot, mais avouons-le, ces productions étaient loin de la qualité proposée aujourd'hui par Méral et Cyfac.

J'en déballe des dizaines de vélos tous les ans, mais peu donnent une telle émotion, cette sensation d'avoir entre les mains tout le travail d'un artisan, sa passion et ses compétences. 3990€ le cadre, pour un bout d'histoire du cyclisme français, pour le travail d'artisans français.

Certains trouveront ce prix excessif. Mais XX heures sont nécessaires pour la fabrication complète d'un cadre Méral Louison Inox. Et la soudobrasure des tubes demande des compétences, une expertise très spécifique, ce qui se paie forcément. Un bon cadreur ne se paie pas au SMIC.

On râle suffisamment en France sur les trop faibles salaires pour ne pas vouloir en plus dévaloriser la valeur d'un métier qui demande de l'expérience, de la précision et de la patience.

Et en plus de ça, c'est lourd ! 1.82 kg pour le cadre, 440 g pour la fourche, mais c'est sans doute ça le poids d'un héritage ! Je vous dirais bien, si vous recherchez un vélo léger, de passer votre chemin. Mais pas si vite. Car si le vélo présenté ici pèse quelque 8.7 kg, il serait dommage de s'arrêter sur ce simple chiffre, comme vous pourrez le constater plus bas dans mon essai.

La Haute couture au prix du Prêt à Rouler ! C'est la devise de Méral. Sous les yeux, vous n'avez pas que de simples tubes assemblés entre eux, vous avez une expertise de plus de 45 ans dans la fabrication de cadres de vélo. Un savoir-faire transmis de générations en générations.

Le style de cadres Méral et leur qualité de fabrication en font des machines pour les cyclistes d’aujourd’hui qui plairont aux cyclistes de demain. Réparables et transformables, ils traverseront les générations. Si le modèle Louison était jusqu'à présent proposé avec des tubes Columbus Spirit HSS traités antirouille par cataphorèse, en 2024, Méral a fait le choix de proposer cette version Inox, sur base des excellents tubes Columbus XCR pour fêter les 50 ans des Cycles Méral.

Un cadre qui se positionne au même niveau de prix que le Louison carbone que j'avais pu tester ici.

La série de tubes XCR est la plus rigide et la plus haut de gamme proposée par Columbus (hors titane). L'épaisseur au centre des tubes est à peine de 0.4 mm. L'Inox, c'est aussi une très haute résistance à la corrosion, même dans les milieux les plus hostiles. Plus rigide, mais toujours moins que le carbone et l'acier absorbe mieux les vibrations.

Ce Louison Inox arbore un coloris iconique des Cycles Méral, allant du bleu vers l'acier brut dans un subtil dégradé.

Les logos Méral restent quant à eux couleur Inox brut. La fourche est une Columbus Futura Disc en carbone. Mon seul regret côté esthétique, c'est qu'elle soit noire. Elle aurait été magnifique en bleue. En option, vous pouvez aussi opter pour une fourche en acier moyennant 250 € de plus.

Pour les coloris, tout est personnalisable. Je vous laisse aller voir les options (ainsi que leurs tarifs) ici : https://cycles-meral.fr/options/

Des tarifs plus que raisonnables quand on compare à certaines personnalisations de peintures de très grandes marques.

Des tubes brasés à l'argent. Toutes les brasures sont ensuite polies pour un résultat parfaitement fluide. Les brasures polies sont volontairement apparentes et sublimées par un léger vernis. De quoi admirer le travail des artisans Cyfac / Méral.

La géométrie devient plus sportive et partage désormais ses cotes avec son homologue carbone. Le reach augmente de 3 millimètres afin d’obtenir un positionnement plus allongé, et par conséquent plus aérodynamique. Le stack a aussi été raccourci pour plus de stabilité. La chasse au sol est réduite, rendant la direction encore plus réactive.

La boîte de pédalier est au standard T47 68mm. La douille de direction est elle aussi surdimensionnée. Accueillant des roulements haut et bas de 52 mm, elle permet une intégration totale des durites et gaines.

Compatible avec les standards DCR de Dedacciai, ACR de FSA et Switch de Ritchey, la câblerie peut se cacher à l’intérieur du poste de pilotage, et ce avec un vaste choix de périphériques non propriétaires.

C'est le cas ici, puisqu'aucun câble ou aucune durite ne dépasse, tout est parfaitement intégré, chose à laquelle on ne pouvait pas rêver il y a encore quelques années.

Le tube supérieur est magnifique, quasiment rond côté tube de selle, il devient elliptique côté douille de direction. Le serrage de selle se fait via un collier qui entoure une tige de selle de 27,2mm de diamètre.

Un Louison qui accepte des montes pneumatiques jusqu'à 30 mm... voire un peu plus, car même avec des pneus de 30 mm, il reste quand même de la marge.

Ce modèle, en taille M, pèse ici 8.7 kg. Une masse somme toutes honnête, puisque le montage n'a pas fait la chasses aux grammes avec une transmission SRAM Force et surtout des roues Fulcrum Wind à 1510 grammes la paire.

3990 €, un prix juste ?

Vous allez sans doute être quelques-uns à trouver les 3990 € demandés pour ce Louison Inox. Mais la fabrication d'un tel cadre demande du temps.

Pas moins de 25 heures sont nécessaires à la fabrication, lime et brossage du cadre inclus. Il faut rajouter à cela 5 heures pour la peinture avec la préparation, le vernis epoxy d’accroche pour protéger la partie inox visible et le dégradé. Soit un total de 30 heures !

Compter environ 950 € HT de matières premières en comptant la série de tubes, les pattes, la brasure à l'argent, les peintures et vernis, ....

Le salaire d'un cadreur expérimenté en France oscille entre 2500 et 3000 €, mais vous n'êtes pas sans savoir que pour ce salaire, l'entreprise déboursera au bas mot 4000 €. Si on ajoute toutes les charges de l'entreprise (amortissements, énergie, loyer, ...) et salaires de fonctions support, on peut partir sur une fourchette entre 45 et 50 € de l'heure de travail pour le cadreur.

Il y a donc déjà 1500 € de main d'oeuvre dans ce Louison Inox et quasiment 1000 € de matières premières. Et sur un cadre vendu 3990 €, 665 € reviennent à l'Etat sous forme de TVA. 3325 € reviennent donc à Cyfac. Je vous laisse le soin de calculer la marge.... qui n'est pas stratosphérique pour une entreprise.

A ce prix, le niveau de finition est sans équivalent, avec un matériau noble et vous participez à faire vivre des emplois en France.... ainsi que tout le système social Français.

Equipement

L'équipement a peu d'importance, puisque vous pourrez opter pour le montage que vous souhaitez, mais je me dois quand même d'en parler.

Un groupe SRAM Force AXS en 48x35 + cassette 10-36 équipe donc ce vélo. Un groupe électronique, sans fils, qui se veut fiable et plutôt léger dans l'ensemble.

Deux disques de 160 mm s'occupent de freiner le vélo, mais si vous le désirez, vous pourrez aussi opter pour deux disques de plus petit diamètre de 140 mm.

Comme déjà énoncé plus haut, l'intégration de la câblerie est complète, grâce notamment à une potence Ritchey Comp Switch qui bénéficie du Ritchey Switch System permettant le routage des câbles à l'intérieur.

Une potence associée à un cintre WCS Carbon Streem, toujours de chez Ritchey et qui propose une partie haute aplatie. Une rainure interne sous cette partie supérieure permet un routage de câble plus propre. On les voit à peine apparaître.

Pour la tige de selle, c'est toujours du Richey.

Pour être totalement raccord avec ce cadre, les porte-bidons Elite Moreo ont vu la partie en plastique retirée et la partie en inox a été brossée. Un porte-bidons à la fois léger (55 grammes) et accessible, puisqu'il est vendu 27 €.

Terminons par les roues. Des Fulcrum Wind 42 qui, vous l'aurez deviné, ont un profil de 42 mm de haut pour une largeur interne de 23 mm et 29 mm en externe. Le tout pour une masse annoncée de 1510 grammes la paire.

Son propriétaire a décidé d'y monter des pneus Maxxis Re-Fuse de 28 mm. Un modèle qui n'est pas léger, puisque chaque pneu est annoncé à 320 grammes (un Hutchinson Blackbird ne pèse que 280 grammes dans cette section) mais qui se veut endurant et surtout très résistant aux coupures diverses.

On atteint les 2250 grammes pour l'ensemble roues + pneus + préventif. Mais pour en avoir le coeur net, j'ai aussi testé ce Méral avec une paire de Zipp 353 NSW (1310 grammes) associée à des pneus de 30 mm pesant 328 grammes pièce, soit un ensemble roulant à 2000 grammes.

Sur la route

En enfourchant ce Louison Inox et en donnant les premiers coups de pédales, les sensations sont totalement différentes d'un cadre en carbone. C'est tout d'abord un changement sonore, puisque même sur mauvaises routes, aucun bruit de résonance ou de vibrations ne se fait entendre. Si cela ne choque plus quand on roule depuis des années sur un vélo en carbone, repasser sur un cadre en acier met en exergue ce côté filtrant des ondes sonores.

Une filtration qui touche aussi au confort général du vélo. Là où un cadre en carbone a tendance a vous faire ressentir la moindre aspérité de la route, ce Louison Inox vous isole presque totalement de ces petits chocs.

Sur ce point, aucun cadre en carbone, même les plus confortables, ne rivalise avec l'acier. Et encore, ce sont ici des pneus de 28 mm pas spécialement tournés vers la souplesse avec leur carcasse 60 TPI qui sont utilisés !

Il n'a pas un comportement aussi vif, incisif, qu'un cadre carbone. Mais ceux qui veulent un cadre acier cherchent autre chose. Un dynamisme plus feutré, avec bien souvent un léger temps de réponse, induit par une légère déformation des tubes qui viennent retransmettre la puissance à la roue arrière en revenant à sa position initiale. Attention, quand je parle de déformation, c'est imperceptible visuellement.

Mais cela change totalement le comportement par rapport à des vélos en carbone où rien ne bouge quasiment. Là, le vélo donne un sentiment de douceur. Même les dos d'âne sont passés avec ce sentiment d'avoir quasiment des amortisseurs...

Une filtration et un confort général qui font clairement la différence sur les longues distances. Le cintre Ritchey, avec sa forme aplanie sur le haut participe aussi à ce confort, dans une moindre mesure. On redécouvre quasiment des routes que l'on connaît pourtant par coeur. Un vélo qui donne envie de rallonger la sortie.

Là où j'avais parfois quelques douleurs, notamment aux mains, après 3 heures de selle, là, rien !

Jusqu'à 5 % de pente, il y a sincèrement peu de différences avec un bon vélo en carbone. C'est dans les pentes supérieures à 5 % que le Louison Inox marque un peu le pas. Mais je vous en parlerai plus bas, ceci est aussi à mettre sur le compte des roues.

Plus lourd mais aussi très rigide, il faudra garder une bonne cadence pour ne pas lutter avec le vélo si on cherche à monter avec les meilleurs à rythme soutenu et avec des à-coups. Car ce n'est pas sur les relances qu'il se montre le plus à son aise. Telle une limousine, même puissante, ce Louison préfère les rythmes réguliers, même soutenus.

En bosse, on préfèrera monter au train, avec toujours ce côté soyeux, avec confort et en silence, si ce n'est le souffle prononcé du cycliste qui vient ternir ce tableau.

En descente, on retrouve un comportement hyper facile, hyper sain. Le vélo met rapidement en confiance, ne serait-ce qu'en raison de sa grande stabilité et la filtration qui rend la tenue du contre moins "vibrante " et du coup, plus sûre.

De même, la roue arrière à tendance à moins rebondir sur les gros freinages sur les revêtements bosselés.

On fait corps avec le vélo, sans jamais avoir l'impression de lutter avec. Non, on l'accompagne dans les courbes. A conseiller, sincèrement, à tous ceux qui sont crispés dans les descentes ou les mauvais descendeurs, qui ont bien souvent peur que le pneu décroche ou peur de prendre de la vitesse à cause des vibrations.

L'acier, c'est un autre monde. Une connexion particulière avec le vélo que l'on retrouve peu souvent sur un vélo carbone, aussi bon soit-il.

Comme je l'indiquais dans le paragraphe relatif à l'équipement, j'ai aussi testé ce Méral Louison Inox avec une paire de roues que je connais bien, des Zipp 353 NSW montées ici avec des pneus de 30 mm de section (sous embargo à l'heure actuelle).

Le vélo est encore plus facile et se montre plus dynamique. Pas tant en bosses, encore que les relances sont un peu plus rapides, mais aussi sur le plat où les parties de manivelles avec les plus jeunes qui veulent mettre à mal ce "vieux avec son cadre acier" n'auront pas réussi à me faire lâcher prise.

 

Bilan

Ce Méral Louison Inox est la preuve que passer sur un cadre acier ne nécessite pas obligatoirement de recourir à du sur-mesure et en ce sens, la gamme Méral avec des vélos aux géométries "standard" permet d'accéder au monde de l'artisanat à moindre coût.

Alors oui, 3990 €, c'est une somme, mais c'est au niveau des très bons cadres en carbone.... voire moins cher. D'ailleurs, vu que c'est plus lourd, ça fait moins cher au kilo ! :-)

A ce prix, vous achetez ce qui se fait de mieux pour un vélo en acier, avec plus de 40 ans d'expérience, intemporel, terriblement attachant et facile à rouler. Oui, par rapport aux meilleurs vélos carbone, il est plus lourd, moins aéro, mais le plaisir est pourtant décuplé à son guidon.

Le confort est supérieur à tous les cadres en carbone, même les plus confortables, avec une tenue de route fantastique et un excellent rendement global.

Vous trouvez sans doute que j'en rajoute, et pourtant, non. Si les cadres carbone modernes sont pétris de qualités, pour qui veut un cadre pour se faire plaisir, pour rouler longtemps, l'acier n'a pas dit son dernier mot. Et si je devais investir dans un vélo, oui, ce serait certainement dans un cadre en acier Inox !

Peut-être aussi l'impression de retrouver ma jeunesse, quand j'avais entre 14 et 18 ans, courant sur ces vélos acier. Et si le physique est forcément bien moindre 30 ans plus tard, le plaisir est décuplé en retrouvant des sensations disparues..... en encore plus performant.

Photos : Sonam.cc et Matos Vélo