Test du Trek Emonda SLR 8
Par Test matériel - Commentaires : 18 .
le vendredi 3 octobre 2014 13:54 -L'Emonda est le nouveau cadre du fabricant américain qui équipe les coureurs de l'équipe Trek Factory Racing. Dans cette version SLR, l'Emonda fait partie des cadres de série les plus légers de la planète. Imaginez plutôt, seulement 690g pour le cadre en taille 56. Même le Cannondale Supersix est plus lourd (de seulement 20g).
Alors bien sûr, le tarif est stratosphérique puisque le kit cadre + fourche + tige de selle + potence culmine déjà à 3599€. Le modèle testé ici est à 8200€ en Project One. Il s'agit d'un Emonda SLR 8 sur lequel ont été rajouté les roues carbone Bontrager Aeolus 3 D3 (2320€) et le combo cintre/potence Bontrager XXX (449€).
Alors, réservé aux pros ?
Présentation
Il est certain que l'on a affaire à un vélo d'exception. Pas seulement de part son prix, mais aussi au travers de son poids. 6.1kg sans les pédales dans cette taille 56. En y rajoutant mes Look Keo2 Blade, le vélo flirte avec les 6.4kg. Il faudrait encore le lester de 400g pour arriver à la limite UCI. Autant dire que même un capteur de puissance n'y suffirait pas !
En optant pour des roues alu Bontrager Race X Lite TLR, vous arriverez au même poids, un look moins flatteur, mais un vélo à "seulement" 6600€
Et si vous troquez en plus le combo cintre/potence par une potence Race X Lite et un cintre XXX VR-C, ce sont encore 200€ de gagnés pour seulement 100g de plus au final. Ce qui peut rendre ce vélo plus "accessible" à seulement 6400€ et sans différence notable de comportement.
La couleur Powder Blue / Viper Red est atypique à l'heure où de nombreux vélos sont plutôt discrets. Il faut aimer, mais finalement, ce "bleu pastel" permet de se démarquer et ne va pas si mal à l'Emonda. Lors de mes sorties en groupe, nombreux sont les cyclistes à être tombés sur le charme de ce coloris. En version Project One, vous avez le choix entre 5 autres couleurs sans supplément ou 10 coloris Signature (entre 399 et 1199€ de plus !).
La finition est sans surprise, exemplaire. Le cadre est en carbone OCLV 700 avec une douille E2 (diamètre différencié en haut et en bas), un boîtier de pédalier BB90 ainsi que le nouveau capteur DuoTrap S qui ajoute la Bluetooth au protocole ANT+.
On atteint les limites du côté de la finesse du carbone. Sur certaines parties comme le tube horizontal, si vous appuyez avec le pouce, la fibre fléchit légèrement. Mais pas d'inquiétude, ce cadre est un habitué des coureurs pros qui lui font subir bien plus de contraintes que la plupart des amateurs que nous sommes.
Le mât de selle dénommé Ride Tuned est disponible en deux longueurs et deux déports pour s'adapter à toutes les morphologies.
On ne présente plus le groupe Shimano Dura-Ace 11 vitesses qui est un véritable bijou, tant au niveau esthétique qu'au niveau du fonctionnement sans faille.
Je le dis souvent, mais c'est pour moi le groupe parfait. A choisir entre un vélo équipé en Ultégra Di2 (qui fonctionne pourtant très très bien) et le même vélo en Dura Ace mécanique (différence d'à peine 300€), mon choix se portera sur le Dura Ace mécanique. Hyper souple pour le passage des vitesses, plateaux y compris et esthétiquement de toutes beauté.
L'Ultégra Di2 fonctionne à merveille, mais n'apporte selon moi pas grand chose par rapport aux derniers groupes mécaniques et en cas de chute, cela coûte très cher.
Mais beaucoup se tourneront sans doute vers un Ultégra mécanique qui fonctionne aussi bien que le Dura Ace mais qui est un peu moins joli (à mon avis) esthétiquement.
Du côté de la géométrie, cet Emonda SLR est disponible en H1 et H2. Quelles différences ?
H1 a été développé pour les athlètes possédant une excellente articulation du bassin, une stabilité centrale supérieure et la volonté d'être le plus aérodynamique possible. Elle permet d'obtenir le positionnement des mains le plus bas sur un Madone et elle a été choisie par de nombreux cyclistes professionnels.
H2 propose un tube de direction légèrement plus haut afin de réduire les tensions au niveau du dos et de la nuque. Cette dernière géométrie permet aussi de ne pas avoir à ajouter de bagues sous la potence, ce qui est un peu plus esthétique.
Pour ma part, j'ai testé un SLR H1 en 56cm avec une douille de direction de 14cm de haut. En H2, cette douille aurait été de 17cm.
Autre changement, en H1, le pédalier est équipé d'un 52x36 alors qu'en H2, c'est un 50x34 qui officie.
H1 ou H2, tout dépendra en fait de votre souplesse et de votre capacité à accepter un gros delta entre la hauteur de selle et le cintre. Pour ma part, le H1 me convenait avec ce cadre en 56cm, 2cm de bagues sous la potence et la douille de 14cm. Mais avec un cadre de 54cm, le H2 serait sans doute parfait puisque avec une douille de 15.5cm, je pourrai m'abstenir de bagues en optant pour un potence en 120mm.
Freins Direct Mount
Trek a eu la bonne idée de choisir un système de fixation des étriers Direct Mount qui sont de plus en plus présents sur les vélos haut de gamme et qui offrent à la fois un meilleur aérodynamisme, une plus grande puissance, une meilleure modulation et quelques grammes de gagnés à la clé.
Les étriers Dura Ace BR-9000 (version standard) pèsent 297g la paire alors qu'en version Direct Mount (BR-9010-RS), ils sont à 280g. 17g de moins pour un freinage plus puissant et pas plus cher, c'est toujours bon à prendre.
Ces freins permettent aussi un meilleur dégagement.
Ainsi, vous n'aurez aucun problème pour monter des pneumatiques (ou boyaux) de 28mm de section sur un Emonda SLR. Plusieurs testeurs ont réussi à monter cet Emonda avec des pneus de 31mm de section.
Vous pouvez vous référer à l'article "Les freins sur jante Shimano Direct Mount sont l'avenir" pour voir tous les avantages offerts par ce système.
Michelin Pro 4 Endurance 28mm, ça passe
J'ai reçu durant la période de test les nouveaux pneus Michelin Pro 4 Endurance en 28mm de section. L'occasion de vérifier que ça passe !
Le volume pris par les pneus diffère suivant les jantes (et notamment leur largeur). Mais avec les Aeolus 3 D3, ça passe. Comme vous pouvez le constater sur les photos, c'est limite à l'avant, mais ça passe. A l'arrière, c'est large. J'ai mesuré en réel 26.3mm de section à l'avant et 26.7mm à l'arrière.
Des 30 voire 31mm passeront donc sans problème à l'arrière, je suis plus circonspect pour l'avant où les 28mm ne laissent déjà pas beaucoup d'espace entre le haut du pneu et l'étrier.
Même si rares sont ceux qui utiliseront un 28mm sur l'Emonda, il est bon de savoir que l'on peut utiliser cette section, au cas où l'on veuille s'aventurer sur des pavés.
Combo cintre/potence intégré XXX
Je n'ai jamais été fan des combo cintre-potence qui, outre leur prix démesuré par rapport à une potence et un cintre, ne permettent aucun réglage. Soit on est parfaitement posé dessus, soit on est obligé de changer. Aucun ajustement n'est permis.
Pour mon cas, pas de problème, la position offerte était parfaite et le combo ne pèse que 234g, c'est clairement imbattable.
Cet ensemble est livré avec un support Blendr pour Garmin qui vient se fixer sur l'avant du cintre. Un support uniquement compatible avec les GPS ancienne génération (jusqu'au 810) puisque le Edge 1000, nettement plus grand, est trop long pour pouvoir se fixer sur cet accessoire.
Reste qu'à 450€, cela reste un petit luxe et il est vraiment difficile de déceler une différence de rigidité ou de comportement avec un cintre et une potence traditionnelle.
Roues Aeolus 3 D3 à pneus
Les Aeolus 3 D3 proposent des jantes de 35mm de haut qui sont un excellent compromis à mon sens.
Ces jantes bénéficient d'un profil D3 large (27mm extérieur) et arrondi au niveau des rayons. Ce profil de jante Super-aéro réduit la trainée aérodynamique au niveau des bords d'attaque du pneu et de la jante. Encore faut-il que le pneu soit de largeur suffisante, ce qui n'était pas le cas sur mon vélo avec des pneus de seulement 23mm.
La jante est donc un peu plus large que le pneu !
Les moyeux et rayons sont fournis par DT Swiss.
Ces roues sont surprenantes car malgré leur hauteur, elles sont très peu sensibles au vent latéral, chose souvent rebutante avec des roues de ce type. J'ai testé par vent d'Autan soufflant en rafales à 70km/h, même de côté, je n'ai pas eu à agripper au cintre pour maintenir le cap.
Je n'ai pas retrouvé les inconvénients de certaines roues de 35mm et plus. Là, on peut sans problème en faire des roues pour un usage régulier sans avoir peur de traverser la route à la moindre rafale. De plus, elles sont assez souples verticalement, permettant de conserver un très bon niveau de confort. La rigidité latérale n'est pas extrême car en danseuse et sprints, la jante vient toucher les patins. A prendre en compte pour les cyclistes les plus puissants.
J'entends déjà d'ici les "puristes" crier au scandale car pour eux, une roue 100% carbone devrait être à boyaux et non à pneus.
Les Aeolus 3 D3 à boyaux pèsent 1150g contre 1440g pour cette version à pneus. 290g qui seront invisibles au niveau des performances puisque cela ne représente que 0.9w environ de "perte" sur une pente à 5% et tout juste 1.5w sur des pentes à 10%. Autant dire rien du tout.
Mais le principal problème soulevé par les roues 100% carbone à pneus est leur résistance aux longs freinages et à la chaleur engendrée par les frottements. Chaleur associée à la pression de pneus qui peut affaiblir la jante au niveau des crochets. Je n'ai pour ma part pas eu de problème, mais je n'ai pas non plus descendu de col lors de ce test. Je n'ai pas non plus entendu parler de problèmes avec ces roues.
Reste qu'à 2320€ la paire de roues, elles restent plutôt chères. Et à mon avis, à ce niveau de prix, mieux vaut partir sur les modèles à boyaux qui vous permettront d'économiser 325€ (1999.99€), ce qui fait pas mal de boyaux.
Je rappelle que les boyaux ne sont pas plus fragiles et ne crèvent pas plus que des pneus. Tout juste y a-t-il un coup de main à prendre pour le collage et le remplacement sur le bord de la route.
Aucune restriction concernant le poids du cycliste et ces roues sont fournies avec les patins liège spécifiques.
Le freinage manque de mordant, même sur le sec. Pas à en devenir dangereux, mais il faut prendre l'habitude d'anticiper ses freinages.
La roue-libre n'est par contre par très discrète quand on cesse de pédaler. On est loin du vacarme de certaines roue-libre, mais on n'atteint pas le total silence de roues Shimano par exemple.
Du côté des pneus, cet Emonda SLR était équipé des Bontrager R4 Route. Des pneus dédiés au rendement et à la vitesse avec un poids de seulement 175g. Mais attention, la protection contre les crevaisons est réduite au minimum et ce pneu n'a pas vocation à aligner des milliers de kilomètres. Comme tout pneumatique ultra léger, sa longévité est limité à quelques milliers de kilomètres.
Sur la route
Dès les premiers tours de roues, sa légèreté se fait sentir avec une mise en vitesse rapide.
Côté confort, l'Emonda ne rivalise pas avec les purs cadres endurance, mais c'est loin des vélos "tape-culs" que l'on a pu connaître par le passé. C'en est même assez étonnant avec les Bontrager Aeolus 3 D3 de 35mm de haut que l'on aurait pu penser plus raides. Mais non, elles sont assez souples verticalement et le vélo en est même confortable.
Comme dit plus haute, bémol du côté des pneus pas du tout, à mon sens, adaptés à ces jantes. Pas qu'ils soient mauvais, mais des pneus de 23mm de large sur une jante qui fait 27mm de large (extérieur), c'est plutôt choquant visuellement et sans doute pas top côté aérodynamisme. Des pneus de 25mm de section auraient été nettement mieux et n'auraient pas provoqué ce "décrochage" de quelques millimètres entre le pneu et la jante. Mais Bontrager ne semble pas encore en proposer, ce qui est bien dommage.
Sur le plat
Nul besoin de rouler à 40km/h pour apprécier l'Emonda SLR, même si, comme beaucoup de vélos de cette trempe, plus on roule vite, plus il se sent à son aise et plus il en est confortable.
Ce vélo est comme sur un rail. Peu importe que le revêtement soit un billard ou avec des bosses et des trous, il reste parfaitement en ligne malgré son poids plume.
Ce qui reste étonnant avec cet Emonda SLR, c'est sa capacité à concilier performance, rigidité mais aussi confort. L'Emonda SLR est capable de rouler à 25km/h de moyenne sans sourciller et sans jamais heurter son pilote.
Dès que vous appuyez sur les pédales, que ce soit assis sur la selle ou en danseuse, le vélo répond instantanément.
Et si vous avez envie de sprinter, là aussi, l'Emonda SLR sait faire. Rien ne bouge, il accélère tant que les jambes le permettent. Vous pouvez même descendre les pignons en force, la transmission Shimano Dura Ace encaisse.
En bosse
Dès que la route s'élève, cet Emonda est clairement à son avantage avec ses 6.4kg. Tous pleins faits, cela nous amène à 7.4kg seulement.
Que l'on monte au train assis sur le vélo ou en danseuse avec des accélérations, le vélo répond instantanément. Les roues Bontrager Aeolus 3 D3, bien qu'à pneus, ne pèsent que 1440g la paire et sont réactives. En revanche, la roue arrière qui équipait mon vélo venait toucher les patins lorsque j'étais en danseuse. Certes, je règle les freins assez proches de la jante, mais c'est tout de même étonnant pour des roues de cette gamme.
En écartant de quelques millimètres les patins de la jante, plus de problème.
Un vélo très nerveux en danseuse qui sait se montrer rigide quand on monte en force. On se demande comment cela est possible, mais oui, cet Emonda allie ces deux qualités pourtant antagonistes
En descente
La légèreté de ce vélo me faisait craindre un comportement peu incisif, il n'en est rien. L'Emonda est extrêmement stable et on le place au millimètre. Même à plus de 60km/h, le vélo reste stable sans vibrations gênantes.
Les très bons descendeurs n'auront pas à craindre de se lancer à tombeau ouvert dans une descente de col. Seul le freinage des roues carbone sera à apprivoiser. Moins franc et incisif que sur des roues alu, mais la décélération est tout de même correcte, bien aidée par les étriers Shimano Dura-Ace Direct Mount. Le vélo était équipé de patins Bontrager en liège, peut-être que des Swissstop Black Prince qui ont excellente réputation apporteraient encore un peu plus de mordant.
Gare au tube horizontal
Simple mise en garde vis-à-vis du tube horizontal au niveau de son "raccord" avec le tube de selle. En effet, ce dernier est très large à cet endroit avec 61mm mesurés par mes soins.
Je n'ai pas de grosses cuisses et pourtant, ces dernières venaient frôler ce tube. Les cyclistes les plus musculeux devront sans doute essayer pour vérifier que tout passe sous peine de polir la peinture à force de frotter :-)
Ceci n'est pas un défaut, mais simplement une mise en garde. Peut-être que cela ne pose, au final, aucun problème, mais mieux vaut le vérifier avant achat !
Avec des pneus de 28mm
Ayant reçu les nouveaux Michelin Pro 4 Endurance 28mm, j'en ai profité pour les monter sur cet Emonda et voir ce que cela donnait côté rendement et confort par rapport aux pneus de 23mm d'origine.
Côté rendement, pas de donnée chiffrées, mais pour info, alors que je gonfle les 23mm à 7 bars à l'arrière et 6.5 à l'avant pour 72kg, j'ai gonflé les 28mm à 4 bars devant et 5.5 à l'arrière. Ça peut sembler peu, mais vu l'augmentation de volume, c'est suffisant. D'ailleurs, Michelin indique sur le flanc du pneu une pression maxi de 6 bars.
Beaucoup de cyclistes se sentent "collés" selon leurs dires avec des 25mm. Je n'ai jamais senti cela. Et même avec ces pneus de 28mm, je n'ai pas ressenti la moindre résistance à l'avancement. On roule aisément à 30/32 km/h sans effort particulier.
Sur routes granuleuses, ces pneus de 28mm confèrent le supplément de confort qu'il manque à l'Emonda avec des pneus de 23mm. Mais cette dimension extrême de 28mm sera à réserver aux parcours pavés où là, leur filtration aide à maintenir le cap tout en amortissant les vibrations.
A mon avis, les pneus ou boyaux de 25mm sont le juste milieu pour cet Emonda qui transformeront ce vélo en machine aux performances exceptionnelles avec un confort surprenant.
Conclusion
Oui, je suis réellement tombé sous la charme de cet Emonda SLR. Mais qui ne le serait pas avec un vélo aussi polyvalent et léger. Une légèreté qui n'en fais pas pour autant un cadre mou.
Reste quelques défauts :
- son prix, de 3599€ cadre nu en fait un réel haut de gamme qui n'est pas à la portée de tous
- la largeur de son tube horizontal au niveau du tube de selle pourrait gêner les plus grosses cuisses
- Les pneus de 23mm seulement livrés avec des jantes au profil large !
En dehors de cela, l'Emonda SLR est sans doute le meilleur vélo sur lequel il m'est été donné de rouler. Le meilleur, mais aussi le plus cher. 8200€, le prix de l'exclusivité pour avoir un vélo à la fois apte à courir en compétition tout en étant léger et pas trop exigeant.
Un vélo hyper performant mais qui reste confortable et capable aussi bien de rouler sur des courses que de s'attaquer à des cyclosportives montagneuses à faible vitesse.
La solution plus abordable pour un cyclosportif se trouvera peut-être dans un Trek Emonda SLR 6 équipé en Ultegra qui ne coûte "plus que" 4999€ pour 6.6kg.
Cela reste une somme conséquente, mais pour un vélo exceptionnel. Et c'est avec grand regret que je dois rendre ce vélo à Trek France :-(
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