Test du Trek Madone SLR 9 eTap AXS, affûté et exigeant
Par Test matériel - Commentaires : 9 .
le mardi 14 mars 2023 07:43 -A l'heure où nombre de consommateurs déplorent que tous les vélos de route tendent plus ou moins à se ressembler, voici que le tout dernier Madone casse complètement les codes stylistiques.
Cette 7ème génération de Madone ne ressemble à aucun autre vélo, Trek ayant totalement revu le design de son vélo, notamment au niveau de la tige de selle avec son nouveau concept IsoFlow qui doit, en plus d'atténuer les vibrations de la route comme le faisait l'IsoSpeed, doit diminuer le poids tout en amenant un avantage aérodynamique.
Une chose est sûre, ce Madone ne laisse pas insensible, soit on aime, soit on déteste cette esthétique particulière. Reste à voir ce que cela donne sur le terrain.
Présentation
Lorsque j'avais découvert ce nouveau Madone sur le Critérium du Dauphiné 2022, ce fut clairement une énorme surprise au niveau stylistique. Moi qui était parfois lassé par les commentaires de certains qui estimaient que tous les vélos étaient désormais identiques, sans charme, voilà que Trek créé la surprise avec cet arrière totalement innovant.
A l'heure où de plus en plus de marques optent pour des vélos à la fois légers et aérodynamiques, Trek a fait le choix de conserver plusieurs plateformes spécialisées. Le Domane pour les terrains difficiles où le confort prévaut, l'Emonda pour la montagne et enfin, ce Madone, le vélo que vous choisissez le jour de course, quand le moindre watt compte et que vous visez la première place.
Tout sur cette septième génération a été pensé pour accroître les gains aéro. En témoignent les tubes qui utilisent tous de nouvelles formes KammTail ainsi que l'adoption d'un ensemble cintre/potence évasé qui réduit la traînée du poste de pilotage et du pilote. Mais aussi par exemple au niveau du boîtier de pédalier, qui remonte jusque sous le porte-bidons du tube de selle, pour réduire au strict minimum l'espace entre le boîtier et le bidon, de sorte à minimiser les perturbations aéro.
Dixit les chiffres fournis par la marque, entre les gains liés aux différents profils des tubes, qui ont tous été revus, mais aussi au nouveau cockpit (je vous en reparle plus bas) ainsi qu'à la nouvelle géométrie, ce sont pas moins de 19 watts qui sont économisés à 45 km/h. La marque parle de 60 secondes plus rapide par heure sans préciser la vitesse.
Bien sûr, le Madone SLR bénéficie d'une intégration complète de la câblerie grâce au cockpit et au routage spécifique de tous les câbles dans la douille de direction. Certains regretteront la persistance du mât de selle. En revanche, sachez que Trek peut fournir deux longueurs de mâts de selle. Sur mon modèle en taille 54, le mât de selle court ne me permettait pas d'arriver à 74,5 cm de hauteur de selle, avec seulement 70 cm de hauteur maxi du rail de selle. Le grand mât permet quant à lui d'arriver à 74 cm au niveau du rail.
En parlant de hauteur de selle, venons-en à la géométrie. Si Trek proposait dans le passé des géométries H1 ou H2, c'est ici un entre-deux qui a été choisi, avec du H1.5. Le Madone SLR accepte des montes pneumatiques jusqu'à 28 mm.
Le serrage de selle se fait au moyen d'une petite vis hexagonale située à l'arrière du mât. Cela semble au premier abord léger, mais je n'ai pas eu à déplorer de selle qui descend malgré un serrage juste en-dessous du couple requis.
Trek a optimisé le poids de son kit cadre, pour en faire le Madone SLR à disques le plus léger jamais construit. Pour cela, la construction repose sur l'utilisation de l'OCLV 800. A la clé, un gain de 300 grammes par rapport à la sixième génération. Trek annonce ce Madone SLR 9 à un peu moins de 7.4 kg en taille 56, équipé de la transmission SRAM Red eTap AXS et de roues Aeolus RSL 51. Dans les faits, j'ai pu peser mon exemplaire en taille 54 à 7.36 kg. Alors bien sûr, ce modèle haut de gamme n'est pas donné, 15699 €. A noter qu'à sa sortie en juin, il était à 14999 €, soit une augmentation de près de 5%.
Si 5 coloris sont proposés par défaut pour ce modèle, il vous est bien sûr toujours possible d'opter pour la personnalisation Project One. Mais il vous faudra bénéficier d'un solide portefeuille, puisque les options de peinture sont facturées entre 600 et 1800 €.
Zoom sur l'IsoFlow
C'est sans doute ce qui attire le plus l'oeil sur ce Madone SLR, son nouveau concept IsoFlow, qui remplace la technologie IsoSpeed, un système destiné à filtrer les vibrations engendrées par la route et augmenter le confort.
L'IsoFlow n'utilise aucun élément mécanique ou élastomère, tout se joue grâce à la flexibilité de la fibre de carbone et à la forme imposée entre la tige de selle et le tube de selle. La technologie IsoFlow permet le fléchissement du mât de selle pour augmenter le confort tout en améliorant l’aérodynamique du cadre et en réduisant son poids. Reste à savoir si ce concept permet une aussi bonne filtration que l'IsoSpeed équipé d'élastomères.
Les plus observateurs auront remarqué que vu de profil, cette partie forme le chiffre 7, comme la septième génération. Preuve que cet IsoFlow est LA signature de ce vélo.
Equipement
Pas de fausse note sur ce haut de gamme avec une transmission SRAM Red eTap AXS, qui reste à ce jour le seul groupe totalement sans fil. Même si le groupe, et surtout ses poignées, commencent à accuser le poids des ans, avec un format XXL là où la concurrence à su rendre les leviers hydrauliques nettement plus compactes.
D'ailleurs, SRAM a commencé à travailler sur le sujet puisque le dernier groupe SRAM Force AXS possède des poignées plus compactes. Et puis certaines poignées Red eTap AXS sont toujours sujettes à des bruits de vibrations sur mauvais revêtements, ce qui est toujours agaçant sur un vélo qui dépasse les 15000 €... et me semble même inacceptable sur un vélo coûtant seulement 3000 €.
Côté développements, on retrouve le concept X-Range avec un pédalier 48/35 associé à une cassette 10-33. Peut-être que les compétiteurs lui auraient préféré le pédalier en 50/37. Un pédalier qui inclut le capteur de puissance intégré aux plateaux.
Le nouveau cockpit Madone a été spécifiquement conçu pour ce vélo. Un mariage de raison pour un ensemble aérodynamique, intégrant toute la câblerie. Un cintre plus étroit, qui dispose d'un très léger flare (angle au niveau des cocottes) comme sur un cintre gravel, pour avoir une position optimale même en bas du cintre.
Par exemple, si vous optez pour un cintre 42x100mm, vous aurez une largeur de 42 cm au niveau des creux (centre/ centre) alors qu'au niveau des cocottes, la largeur sera de seulement 39 cm. Pour autant, Trek ne conseille pas de modifier votre largeur habituelle. Si vous rouliez sur un cintre en 40 cm, conservez la mesure de 40 cm. Vous aurez donc 40 cm au niveau du creux et seulement 37 au niveau de cocottes. La partie haute du cintre est légèrement inclinée pour une meilleure ergonomie et n'est pas trop large, ce qui devrait convenir même aux petites mains.
Du côté des roues, on trouve des Bontrager Aeolus RSL 51 qui sont en adéquation avec la philosophie de ce vélo, équipées des moyeux DT Swiss 240. Des roues proposant une largeur interne de 23 mm et une largeur externe allant jusqu'à 31 mm. Elles sont montées avec des pneus maison R4 320 en 25 mm de section seulement, avec chambre à air.
"Seulement", car en rapport avec la largeur externe de la jante atteignant 31 mm, ces pneus font très étroits. Et pourtant, en les mesurant, ils atteignent la généreuse valeur de 27 mm. La logique aérodynamique aurait sans doute voulu que Trek chausse ces roues de pneus de section plus large, pour éviter les turbulences entre les flancs du pneu et les crochets de jantes. Dommage aussi qu'à l'heure où le tubeless semble se démocratiser sur la route, Trek n'ait pas équipé les roues des fonds de jante tubeless.
Les Bontrager Aeolus RSL51 sont annoncées à 1410 grammes la paire. Quant aux disques, on trouve du 160 mm aussi bien à l'avant qu'à l'arrière.
Sur la route
Le Madone SLR confirme son positionnement orienté performances et aérodynamisme. Sa rigidité s'est encore accrue par rapport à la génération précédente, surtout au niveau de la boîte de pédalier et du triangle arrière. Ce qui doit satisfaire les coureurs les plus puissants, comme les professionnels, rend en revanche cette 7ème génération légèrement moins polyvalente que la précédente et ce, malgré les quelques centaines de grammes de moins.
Comme quoi, le poids ne fait pas tout. Cette rigidité élevée fait merveille lors des relances ou sur le plat, en revanche, sur les routes les plus inclinées, cela demande des watts pour pouvoir faire travailler le cadre. C'est ce que j'ai pu constater sur des inclinaisons supérieures à 8/9 %.
Sur de courtes bosses, cette rigidité est un régal si on a du punch, mais sur de longues montées, il faudra plus compter sur une montée au train en tournant les jambes grâce aux développements adaptés. Pour autant, le Madone SLR se balance facilement de droite à gauche (mais aussi de gauche à droite :-) ) quand on est en danseuse. Si la pente est comprise entre 4 et 7% la légèreté du Madone le rend agréable à utiliser, même si un Emonda sera forcément plus à l'aise.
En descente, la rigidité fait merveille et rend le Madone SLR hyper précis dans ses trajectoires mais demande de l'attention et ne se montre pas trop tolérant avec les erreurs de trajectoires. C'est bien souvent le lot des vélos de cet acabit. Tranchants, ils se placent parfaitement.... là où le pilote place son regard. Il faut donc savoir où prendre sa corde.
Heureusement, on pourra compter sur l'excellent grip des gommes Bontrager R4, un pneu fabriqué à la main, qui sera par contre à réserver aux grandes occasions en raison d'une durée de vie assez limitée.
Son terrain de jeu, c'est bien sûr les portions de routes planes ou quasi planes que l'on peut aborder à haute vitesse. Dans ce cas, le rouler sur le Madone SLR est jouissif, avec une excellente stabilité par temps calme. Prudence en cas de vent, les roues Bontrager Aeolus RSL51 se montrent assez sensibles aux rafales. Avec des réactions parfois vives lors de rafales. Mais il faut dire que vu de profil, entre les roues de 51 mm et la largeur des tubes, ce n'est guère étonnant.
Mais hormis ce point, le vélo se montre rapide et à l'aise au fur et à mesure que la vitesse augmente, avec la sensation de pouvoir conserver cette vitesse longtemps. Il est presque trompeur tant il "gomme" la sensation de vitesse sur les longs bouts droits.
Et le confort dans tout cela ? Pour moi, il est légèrement en deçà des générations précédentes. Si le système IsoFlow semble bel et bien filtrer les vibrations au niveau de la selle, on ne retrouve pas le niveau de l'IsoSpeed équipé d'élastomères. Heureusement, les pneus sont ultra souples, mais une monte asymétrique avec du 25 mm à l'avant et du 28 mm à l'arrière pourrait sans doute être un choix judicieux pour qui veut aligner les heures de selle au guidon de ce Madone SLR. Encore plus avec un montage tubeless.
C'est d'ailleurs le choix fait par quelques coureurs professionnels de l'équipe Trek-Segafredo, avec des pneus de 28 mm qui doivent en réalité approcher les 30 mm ! Le vélo ne s'en montrera que plus plaisant. Mais pour un vélo aérodynamique, le Madone SLR ne se montre pas dur pour autant et l'IsoFlow semble, à mon avis, tout à fait suffisant plutôt qu'un système à élastomère plus complexe et sujet à usure dans le temps. La généralisation du tubeless permet de s'économiser des systèmes complexes et parfois lourds de filtration sur les cadres.
Un bémol en revanche dû à l'IsoFlow, si vous roulez sous la pluie, la tétine de votre bidon placé sur le tube de selle sera nettement plus exposé aux saletés projetées par la roue arrière.
Tant qu'à parler du confort, un mot sur le cockpit, très agréable au niveau de sa prise en main, tant sur la partie haute que la partie basse. On s'habitue très rapidement au léger flare de ce dernier. La position haute, que l'on utilise traditionnellement quand on monte un col, est très confortable avec cette légère angulation.
L'avant, dénué de tout système de filtration, se montre quant à lui moins filtrant. L'adoption d'une monte tubeless sera un net plus pour diminuer un peu la pression et bénéficier d'un surplus de filtration.
Le mot de Julien Bernard
Julien Bernard a eu la gentillesse de me contacter sur Twitter pour me donner son envie, sans langue de bois, sur ce Madone qu'il utilise au quotidien :
Pour les coursiers c’est quand même une sacré évolution par rapport à l’ancien modèle, en montée il est passé d’un poids mort à un vélo qui garde la vitesse, une plus grosse économie de watts sur toutes les parties plates et descendantes.
En témoigne paris Nice 7 coureurs / 7 madone tous les jours. Inenvisageable l’année dernière, par contre je te conseille de tester avec notre montage Pirelli tubeless qui rend le vélo beaucoup plus confort et surtout rapide. En vrai quel vélo ! Le meilleur que j’ai jamais eu ! Et ce n’est pas un message copié / collé des attachés de presse ça !
Les poignées SRAM ont aussi été revues et ne font plus de bruit désormais.
Bilan
Le nouveau Madone SLR ne fait pas dans le compromis. Tant au niveau de son design, que l'on aime ou déteste, que de son utilisation. Clairement, ce Madone SLR s'adresse avant tout aux coureurs professionnels et aux cyclistes exigeants qui auront les moyens physiques d'exploiter une machine de haut niveau.
Jouissif quand on a la forme, mais qui peut se montrer assez vite être gâché si on est en manque de jambes.
On ne pourra pas reprocher à Trek de se reposer sur ses lauriers, le concept IsoFlow prouvant l'incessant travail de recherche et développement des ingénieurs de la marque pour toujours trouver de nouvelles solutions à la fois aérodynamiques, légères et compatibles avec le règlement UCI, tout en apportant une signature tranchée au vélo.
Photos : Guillaume pour Matos Vélo - Sonam.cc
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