Test d'un vélo mystère en carbone sur-mesure au caractère bien trempé
Par Test matériel - Commentaires : 56 .
le mardi 25 octobre 2022 09:34 -Depuis de nombreuses années, j'ai testé des dizaines de vélos. Il m'est déjà arrivé de recevoir des vélos avant leur sortie officielle.
Mais là, j'ai eu l'honneur de pouvoir tester un vélo mystère. Aucune marque sur le vélo, mais surtout, aucun communiqué de presse ne m'a été fourni avant l'essai. La marque ne m'a donné aucune indication ni même le cahier des charges qui avait été réalisé pour concevoir ce vélo. Aucune indication donc, la marque voulait entre autres savoir si, justement, ils étaient arrivés au résultat voulu avec un test à l'aveugle.
Forcément, une démarche étonnante, mais intéressante et gratifiante pour moi. Un essai singulier donc, puisque le vélo n'étant dévoilé que fin novembre, vous avez sous les yeux son essai, mais il vous faudra patienter pour savoir qui le fabrique....
Mise à jour du 24 Novembre 2022 : ce vélo est le tout nouveau Cyfac Paradox dont vous pouvez retrouver la présentation complète ici.
Préambule sur l'ADN de ce vélo
Que ce soit sur Instagram ou sur Twitter, vous avez été nombreux à tenter de deviner quelle marque se cachait derrière ce vélo mystère. Quasi toutes les marques y sont passées. Mais il est clair que ce n'était pas simple. Un vélo "à nu", sans aucune marque et avec des composants pas spécialement courants, la tâche était ardue.
Malheureusement, ce n'est pas encore aujourd'hui que vous aurez la réponse, puisque la présentation officielle de ce vélo aura lieu le 24 novembre prochain.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, quelques indices sur ce vélo :
Le cadre est fabriqué entièrement à la main, avec une fabrication raisonnée et responsable. Un cadre qui est réalisé entièrement sur-mesure et fort logiquement, réalisé à la commande.
La personnalisation et la durabilité font l'ADN de la marque. Vous pourrez donc faire un véritable montage à la carte mais aussi faire des choix spécifiques pour la construction du cadre si nécessaire. Vous ne serez pas, comme c'est le cas chez certaines marques, contraint à opter pour telle taille de cintre ou telle couleur. Ici, c'est de la haute couture, vous allez pouvoir choisir même la peinture sans aucune limite.
La conception, mais aussi la fabrication des tubes et du cadre ainsi que la peinture, toutes ces opérations sont réalisées dans un rayon de 250 kilomètres, sur deux régions voisines. Il ne s'agit pas d'un vélo générique rebadgé en France ou même un cadre acheté sur un catalogue asiatique, non, le vélo que vous avez sous les yeux et pensé et fabriqué de A à Z dans le même pays... voire la même région.
Point important, la marque ayant à coeur de proposer des produits durables, le cadre pourra être réparé si besoin.
Je ne vous parle pas d'une nouvelle marque, issue de nulle part parce que "le vélo se vend bien en ce moment" et que c'est à la mode. Non, la marque derrière ce vélo, c'est plus de 50 ans de savoir-faire dans la fabrication de cadres et dans le composite.
Oui, ce cadre synthétise plus de 50 années de fabrication de cadres avec à la clé, un palmarès gigantesque que peu de cyclistes connaissent.
Pour le tarif, il sera dévoilé le 25 novembre lors de sa présentation, j'ai donc réalisé cet essai sans connaître le prix de la bête.
Présentation
Autant vous dire que la présentation de ce vélo sera succincte, puisque je n'ai pas grand chose à vous raconter en termes de chiffres en tous cas, le concernant. Le vélo est arrivé monté et ne pèse que 7.4 kg. Une masse relativement bien placée vu son équipement, qui mêle ultra-light mais aussi composants moins légers, mais ça, je vous en reparle dans la partie équipement.
Pas de taille précisée, ce vélo étant réalisé sur-mesure, mais il correspond peu ou prou à une taille 54 ou M étant donné qu'il a été réalisé spécifiquement pour moi et mon 1.78m (et une sortie de selle de 74.5 cm).
A l'heure où j'écris ces lignes, le vélo est déjà reparti chez le fabricant pour mise en peinture.
Vous le voyez sur ce cliché, ce vélo a tous les attributs d'un vélo moderne avec ses haubans surbaissés et son tube de selle très profilé qui épouse la roue arrière. D'ailleurs, beaucoup de ceux qui l'ont vu en vrai y ont vu le remplaçant du Tarmac SL7.
On voit que le serrage de la tige de selle est dissimulé dans le tube horizontal et trouve sa place juste devant une tige de selle.... ronde ! Un choix surprenant au premier abord quand nombre de marques utilisent des tiges de selles profilées, mais la notion de durabilité du cadre prend ici le dessus et la marque a donc opté pour une tige de selle ronde de 27.2 mm. Ainsi, si dans 10 ans, vous voulez changer, vous trouverez sans aucun doute une tige de selle en remplacement sans avoir à espérer un éventuel stock chez le fabricant.
Les haubans sont relativement massifs si l'on compare par rapport à ce qui se fait dans la production actuelle où nombre de marques tendent à affiner cette partie pour retrouver un peu de souplesse et de filtration.
On notera, malgré un cadre " brut" fait main, les belles finitions au niveau des raccords.
Les bases ne sont pas en reste non plus mais sont plus raccord avec les autres productions. En parlant de "raccords", on voit qu'il n'y en a pas entre les haubans et les bases qui ne forment quasiment qu'un seul tube sans aucun angle qui viendrait brider le travail de cette partie.
Le tube diagonal est massif, très large. Clairement, ce n'est pas l'aérodynamisme qui a guidé sa conception, mais plus la recherche de rigidité maximale. Le tube englobe presque entièrement la boîte de pédalier.
A l'autre extrémité, ce tube arrive sur une douille de direction ronde. Pas de forme en sablier ou de roulements asymétriques, là encore, la marque a opté pour une solution simple, sans doute pour des questions de maintenance.
Possible que ce choix ait été guidé par le pivot de la fourche, qui semble être une Columbus Futura Disc. Une fourche connue pour sa rigidité et qui là encore, devrait faciliter la durabilité du cadre, cette fourche étant répandue et devrait être disponible pendant encore de nombreuses années.
Le tube horizontal est un tube plat sur sa partie supérieure, assez effilé et fin sur sa partie centrale.
Enfin, je ne pouvais pas ne pas parler de l'intégration de la câblerie. La marque a opté là encore pour une solution standard, proposée par Deda Elementi, avec le système DCR (Deda internal cable routing). Une fois de plus, cela permet de trouver facilement toutes les pièces compatibles, comme les roulements, potences, capots.
Je n'ai pas le poids du cadre. Tout juste celui de la fourche qui, si c'est bien une Columbus Futura, est annoncée à 440 grammes pivot non coupé. Mais le vélo, équipé d'un ancien groupe Dura-Ace, est à 7.4 kg.
Equipement
Je vais parler de l'équipement de ce vélo, mais sans m'y attarder, puisque c'est presque anecdotique. Le client de ce vélo pourra choisir chaque composant.
Prototype oblige, mais aussi pénurie, on retrouve sur ce vélo un ancien groupe Shimano Dura-Ace R9100 11 vitesses qui, même si le 12 vitesses est arrivé depuis, fonctionne toujours aussi bien. Il est ici monté avec un pédalier Rotor Aldhu dont le poids est quasi identique à celui d'un Dura-Ace.
Un pédalier en 50x34 associé à une cassette 11-25 ! La boîte de pédalier est au format T47.
Les roues sont les toutes dernières Shimano Ultegra WHR8170 C36TL annoncées à 1488 grammes la paire, montées avec des pneus René Herse Chinook Pass en 700x28 dans leur version extralight à seulement 225 grammes. Des pneus qui n'alourdiront donc pas le train roulant mais devraient filtrer parfaitement les irrégularités de la route.
Les porte bidons Tune Wasserträger 2.0 ne pèsent que 9 grammes. Ce n'est pas du côté de la selle qu'il faudra chercher de la masse en trop, avec une Coco Part Spline UD Matte à seulement 68 grammes. Une simple "feuille" de carbone sans aucun revêtement. Une selle facturée 300 €, mais fabriquée entièrement en France.
La tige de selle est un modèle ENVE en carbone avec visserie titane d'à peine 200 grammes.
Terminons par le poste de pilotage. Il ne s'agit pas de l'ensemble le plus léger, avec potence Deda Vinci à 260 grammes et le cintre Deda Vinci du même poids.
Potence en aluminium et cintre en carbone avec une prise en main très profilée sur la partie haute. Un cintre qui adopte aussi la forme RHM propre à Deda, qui doit faciliter la prise en main en creux de cintre.
Au niveau du serrage de la potence, sur les côtés, Deda a intégré deux pièces plastiques profilées que l'on peut retirer afin de tomber sur une partie ronde. On peut ainsi y fixer son support de compteur favori.
Même si Deda propose un support compteur adapté (en option) pour la potence Vinci, c'est toujours un bon point pour le choix mais aussi la durabilité.
Sur la route
Pour rappel, la marque qui m'a confié ce vélo ne m'avait donné aucune information concernant son cahier des charges ou la cible des cyclistes visés. A moi de me débrouiller.
Et dès que je suis monté sur le vélo, il ne m'a pas fallu longtemps pour déceler le pédigrée de ce vélo. Un véritable vélo de compétiteur / cyclosportif confirmé, mais qui arrive tout de même à distiller du confort. Même si les pneus René Herse de 28 mm doivent aider à la filtration, ce vélo arrive à bien filtrer les secousses des mauvais revêtements.
Un vélo qui m'a de suite fait penser à un Tarmac SL 7, avec une boîte de pédalier et une douille très rigide et qui aime à transmettre autant de watts que le coureur peut en envoyer. Point de souplesse à chercher au niveau du poste de pilotage, potence et cintre Deda Vinci sont massifs et ne bronchent pas. En danseuse ou en lançant un sprint, l'ensemble reste parfaitement uni.
Les roues Shimano Ultegra WHR8170 C36TL ne sont sans doute pas les plus rigides, mais elles tempèrent bien la grande rigidité du cadre et permettent au vélo de se montrer à l'aise dans les forts pourcentages. On retrouve grâce aux roues un peu "d'élasticité" nécessaire quand le rythme se fait plus lent et qu'il faut que le vélo travaille un peu plus pour renvoyer de l'énergie. Mais pour les longues ascensions de cols, il faudra à mon avis des watts.... ou alors ne pas hésiter à opter pour de petits développements.
Les roulements sont très fluides et le corps de roule libre silencieux, très agréable. Comme quoi, des roulements acier de qualité n'ont rien à envier à des roulements céramiques. Des roues de 36 mm qui sont un excellent compromis et qui se marient très bien au dessin du vélo. Sur certains vélos très aérodynamiques, des roues de moins de 45 mm peuvent parfois gâcher la ligne, ce n'est pas le cas ici, le vélo offre un design moderne, mais pas trop poussé pour ne pas tomber dans cet excès qui ferait que des roues basses rendraient le vélo fade.
Les pneus René Herse offrent eux aussi de très bonnes sensations côté rendement et grip. Malgré la section de 28 mm, on a l'impression d'utiliser des 25 mm. Mais gare à la longévité, ils sont réputés pour être assez fragiles.
Sur des sorties nerveuses, ce vélo est clairement dans son élément, notamment dans les bosses assez courtes où on pourra passer en force. Mais un bon grimpeur devrait aussi trouver là un bon vélo à sa mesure, qui mêle dessin moderne tout en ayant un poids contenu.
En descente, il se montre très précis, quasi chirurgical, avec des changements d'angles très rapides. Difficile de juger des performances aéro, mais pour avoir roulé sur une sortie avec quelques collègues possesseurs de Tarmac SL7 munis de roues aéro (Roval Rapide), sur une longue ligne droite en descente, sans pédaler, nous descendions tous à la même vitesse, 72 km/h.
Preuve que ce vélo, qui n'a semble-t-il pas été étudié en soufflerie, ne semble pas pénalisé, pourtant, à plus de 70 km/h, l'aéro est primordiale. Et à cette vitesse, le vélo reste parfaitement stable, à tel point qu'on a pas vraiment l'impression de descendre aussi vite.
Si j'ai apprécié le faible Drop du cintre, en revanche, la forme aéro de la partie haute m'a semblé un peu trop large pour des mains standards. Fort heureusement, le client pourra choisir parmi un large choix de périphériques.
J'avais des craintes concernant la selle Coco Part Spline, mais finalement, même après une sortie de près de 4 heures, je n'ai jamais eu l'impression d'avoir sous les fesses une simple feuille de carbone. Mais comme toujours, cela dépendra beaucoup du séant du cycliste. Une selle dont la forme est parfaitement adaptée aux fesses du cycliste n'a pas besoin de revêtement moussé pour limiter l'inconfort.
Bilan
Un vélo fait main, sur-mesure, qui prouve que l'on peut arriver à un vélo hyper compétitif en termes de rendement et de confort. Connaissant la marque, le futur acquéreur de ce vélo pourra bien sûr privilégier plus de rigidité, ou au contraire, demander un peu plus de confort.
Un vélo à la hauteur des meilleurs vélos de la production mondiale actuelle, avec l'avantage d'avoir du vrai sur-mesure, tant au niveau de la géométrie, du comportement que de la peinture. Mais aussi un vélo durable et local.
A l'heure où beaucoup ont un farouche désir de relocaliser la production au moins en Europe, voilà un vélo qui coche toutes les cases. Local, durable et réparable. Autant de notions parfois contradictoires. Reste à en connaître le prix. Pour cela, il faudra encore patienter jusqu'au 24 novembre, date où ce vélo sera officiellement dévoilé.
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