Présentation

Je doute de toutes façons que le Maestro Ernesto, aussi doué soit-il, ait lui-même conçu les précédents C64 ou V3RS, des ingénieurs spécialisés dans les composites et une multitude d'ordinateurs ayant sans doute depuis longtemps pris le relais.

Un Colnago qui abandonne pour la première fois la construction à raccords..... enfin presque. Ce n'est pas du monocoque, mais on retrouve plusieurs parties qui s'emboîtent entre elles et qui sont ensuite "soudées" via le procédé de stratification. Mais la marque italienne a tout de même réussi à conserver un style qui fait penser à des raccords.

Le tube de selle ne fait qu’un avec le boîtier de pédalier, le tube supérieur est quant à lui relié à la douille de direction et au tube de selle par stratification. La douille de direction et le tube diagonal ne font qu'un, et enfin, haubans et bases sont construits d'un seul bloc pour ensuite être stratifiés avec le tube de selle.

Cette construction a permis à Colnago de conserver la fabrication à la main de ce cadre en Italie. De même, la peinture est toujours réalisée à Cambiago. D'ailleurs, ce C68 affiche fièrement cette fabrication à la main en Italie sur son tube de selle avec le drapeau italien parfaitement visible.

Le vélo est ici proposé dans un superbe mélange blanc / bleu / doré qui magnifie tous les détails de ce C68. 4 autres coloris sont proposés.

Mais parmi les 5 choix proposés, celui-ci est à mon avis celui qui sied le mieux au C68, mêlant originalité tout en rappelant la lignée Colnago de C. Vous pourrez aussi opter pour un coloris personnalisé moyennant 1200 € supplémentaires.

Le tube diagonal conserve une forme légèrement hexagonale. Si les Colnago ont abandonné depuis longtemps les tubes en forme d'étoile ou de trèfle, cette forme hexagonale, en plus d'avoir des avantages d'un point de vue rigidité, permet de rappeler l'histoire de Colnago. Comme une Porsche 911 qui a évolué au fil des années tout en conservant la forme des tous premiers modèles.

Le serrage de selle est disposé sur le tube horizontal, devant la tige de selle, avec un cache en plastique souple.Niveau finition, j'aurais préféré un cache un peu plus dur qui aurait permis de faire un peu plus qualitatif. C'est à mon avis le seul point "cheap" de ce C68. Mais au moins, ce cache a-t-il l'avantage de parfaitement tenir en place.

La fourche est entièrement nouvelle. La précédente avait un pivot en forme de 'D' avec une nervure interne complexe et un boulon fileté en métal collé sur toute la longueur. Colnago revient à un système plus simple avec un pivot rond 1 "1/8 beaucoup, élégant et plus léger.

Pour autoriser le routage des câbles, la marque a conçu un système de jeu de direction excentrique breveté spécial, sans avoir à utiliser un roulement plus encombrant et lourd de 1,5". Simplification aussi du côté du boîtier de pédalier. Colnago abandonne son propre TF82.5 pour un T47 plus "standard" et facile à trouver.

Côté finitions, il serait difficile de trouver à redire. La réputation de la marque italienne en la matière n'est plus à faire et ce Colnago C68 ne fait pas exception à la règle. Tout est parfait, avec des délimitations entre les couleurs parfaites, sans aucune imperfection.

Le poids du cadre pour une taille 485 est d'environ 925 grammes, non peint. On est donc loin d'un cadre hyper léger. La version complète avec groupe Shimano Dura-Ace Di2 et roues Dura-Ace C50 est annoncé à 7.3 kg sans pédales. J'ai pesé mon exemplaire, en Dura-Ace Di2 avec roues Dura-Ace C35, à 7.15kg en taille 51.

Concernant la géométrie, cette dernière a été revue. Terminé le sur-mesure de série (mais on pourra toujours y accéder en option), Colnago propose ce C68 en sept tailles. Les douilles de direction sont un peu plus hautes pour accroître le confort.

Pour vous offrir ce modèle, il faudra débourser quelque 15399 €. Oui, c'est un tarif élevé, mais sans doute à la hauteur de la légende de la marque et de la qualité du produit. Le kit cadre atteint quant à lui 5899 €.

Equipement

Crime de lèse-majesté pour certains, ce Colnago C68 m'a été livré avec une transmission Shimano Dura-Ace Di2. Mais n'étant pour ma part par du tout adepte du "vélo italien = Campagnolo", ça ne me pose aucun problème, chacun pourra choisir le groupe qui lui convient le mieux pour ce C68.

Je ne vais pas m'étendre trop sur ce groupe que j'ai déjà longuement testé avant la sortie de cette nouvelle transmission et que vous pouvez retrouver dans mon article "Essai du groupe Shimano Dura-Ace Di2 R9200 12 vitesses".

Le groupe le plus récent sorti sur le marché, qui combine 12 pignons avec un poids minime et une réactivité sans failles. Il est ici fourni avec une cassette 11-30 associée à des plateaux 50/34.

Les roues Shimano Dura-Ace C36, avec un profil de 36 mm de haut et un poids de 1338 grammes, sont sans doute les plus adaptées à ce vélo, les C50 étant pour leur part un peu plus lourdes, avec 1465 grammes. Le C68 ayant, dans la gamme Colnago, celui qui le plus de velléités pour grimper, ce choix me semble logique. Il est ici équipé de pneus Pirelli P Zero Race en 28 mm de section.

La selle Prologo Scratch M5 CPC est montée sur la tige de selle dédiée à ce C68.

La grosse nouveauté venue avec ce C68, c'est son cockpit carbone CC.01 qui permet de faire router toute la câblerie en interne et ne pèse que 310 grammes.

Il est disponible en 16 combinaisons, avec des longueurs de potences de 80 à 140 mm et des largeurs de cintres de 370 à 430 mm.

Dommage, pour mon essai, le support de compteur n'était pas fourni. Mais ce cintre est une belle réussite esthétique, avec un profil agréable et une forme pas trop prononcée sur la partie haute qui devrait convenir même aux petites mains. J'aurai par contre apprécié un léger relief sur cette partie haute dépourvue de ruban de cintre pour éviter que les mains ne glissent trop avec la transpiration ou la pluie.

Petite attention particulière, Colnago a pris soin d'intégrer un multi-outils dans le tube de direction, au niveau du cockpit. Il suffit de tirer fermement dessus et vous avez ainsi tous les outils nécessaires pour une réparation rapide.

Sur la route

Le Colnago C68 est toujours un vélo de compétiteur dans l'âme, cela ne fait aucun doute. Après plus de 400 kilomètres à son guidon, aucun doute, le C68 est un vélo de très haut niveau.

Un vélo agile et rigide mais qui conserve un bon confort, sans doute bien aidé par la monte pneumatique de 28 mm. Au premier abord, cette rigidité pourrait faire craindre un vélo très bridé, mais Colnago a su trouver le juste milieu, un vélo rigide, qui peut sans problème encaisser plus de 1100 watts sur des sprints ou des attaques, sans pour autant se montrer inerte quand on déroule tranquillement où que l'on affronte de forts pourcentages à moins de 15 km/h.

Bien sûr, certains vont tiquer sur une masse de 7.15 kg sans pédales pour un tarif de plus de 15000 €. Mais le poids ne fait pas tout, et on reste sur un vélo relativement léger qui, avec ses roues de 36 mm de haut, se montre confortable et aime grimper, que ce soit tranquillement quand les forces vous manquent, ou de manière musclée.

Si vous décidiez de lui adjoindre des roues de 50 mm de haut, en revanche, ce C68 demande nettement plus de watts. La rigidité conférée en plus par les roues à profil haut rendent le vélo plus difficile à faire vivre, l'ensemble étant très rigide, il faudra au moins approcher les 300 watts sur une montée pour conserver du dynamisme. Dans le cas contraire, le vélo est bien moins agréable qu'avec des roues de 36 mm.

Sans être le vélo le plus confortable que j'ai pu essayer, tels les vélos typés endurance, il filtre plutôt bien les aspérités de la route pour un vélo de cette trempe, à savoir un vélo destiné avant tout à la compétition et à la performance. Une filtration bien équilibrée entre l'avant et l'arrière, malgré la présence d'un cockpit très rigide sur l'avant.

Un cockpit bien étudié, avec une forme pas trop prononcée qui le rend confortable même pour les petites mains. En revanche, une petite amélioration pourrait être amenée pour le rendre quasi parfait à l'avenir, lui rajouter des éléments en relief sur la partie haute, car quand on transpire beaucoup ou que l'on roule sous la pluie, cette partie est assez glissante, comme tous les cockpits en carbone.

Sur le plat, ce C68 arrive à maintenir un bon rythme et les roues Shimano Dura-Ace C36 se montrent suffisamment aérodynamique pour ne pas donner l'impression d'être pénalisées par rapport à des roues de 50 mm. J'ai d'ailleurs pu tester ce Colnago C68 avec une paire de roues de 50 mm, la différence de vitesse et d'inertie n'est pas réellement flagrante, en revanche, le vélo se montre plus confortable et plus stable en cas de vent avec ces roues à profil de 36 mm. A n'en pas douter, des roues de moins de 40 mm sont les plus pertinentes avec ce C68.

Etant meilleur descendeur que grimpeur, j'ai particulièrement apprécié ce C68 dans l'exercice. Hyper stable à haute vitesse dans les descentes rectilignes, il se montre aussi hyper précis dans les sections plus techniques où il faut enchaîner les virages rapides ou se placer au millimètre dans des épingles serrées à basse vitesse. Un véritable régal pour un bon descendeur.

Le freinage du groupe Shimano Dura-Ce se montre dans cet exercice au-dessus de tout soupçon, puissant et silencieux.

Mais la rigidité du C68, notamment au niveau de sa fourche, permet aussi de se faire plaisir avec des changements d'angles qui se font avec légèreté tout en restant parfaitement rivé au sol même sur les revêtements dégradés. En cela, les pneumatiques de 28 mm de section permettent, si on ne dépasse pas 5 bars, de garder la roue en permanence en contact avec le sol tout en offrant beaucoup de grip sur l'angle.

Par contre, méfiance pour les cyclistes moins à l'aise dans les descentes, le C68 est un instrument de précision qui, à hautes vitesses, ne pardonne pas les erreurs ou hésitations sur un placement. Heureusement, les freins puissants sont là pour rattraper un éventuel excès de confiance, de même que les pneus Pirelli avec leur excellent grip.

Mais avant de vous aventurer tombeau ouvert dans une descente, gardez à l'esprit que sa précision demande aussi au cycliste d'être très rigoureux dans ses trajectoires et les changements d'angle.

Ce Colnago C68 est l'archétype du vélo polyvalent. Ce n'est peut-être pas le plus rapide à très haute vitesse sur les longues lignes droites avec vent de dos, mais en échange, il se montrera dynamique aussi bien quand la route s'élève qu'une fois arrivé au sommet et qu'il faut descendre vite.

Mais pour cela, ne voyez pas "trop haut" du côté des roues. Les Shimano Dura-Ace C36 (ou toutes autres roues à profil moyen) sont sans doute les roues les plus adaptées à ce vélo. Sauf à pouvoir développer 350 watts sur plus d'une heure, il faudra éviter un profil de 50 mm de haut si vous avez des bosses à passer.

Bilan

Avec ce C68, Colnago a su conserver un esthétique qui sera familière aux amoureux de la marque au trèfle (depuis les C40 jusqu'au C64) tout en proposant un vélo résolument technique et moderne dans sa conception.

Bien sûr, le tarif est délirant, mais dans les mêmes sphères que ce que propose la concurrence à ce niveau de gamme. Mais rappelons que le C68 est toujours fabriqué en Italie, avec une finition soignée.

Beaucoup de cyclistes ne seront sans doute jamais en mesure de mettre autant d'argent dans un vélo, mais la marque de Cambiago propose là un vélo au niveau des meilleurs, sans compter sur sa seule histoire. Et c'est à mes yeux, ce qui compte le plus, plus que l'absence de signature d'Ernesto sur ce vélo.

PS : un grand merci à APESUD, distributeur France de la marque, qui a rendu cet essai possible.

Photos : Céline & Guillaume pour Matos Vélo - Sonam.cc