Présentation

Le chef de produit selle de chez Specialized, Garrett Getter, savait que le concept basé sur la mousse avait atteint ses limites avec MIMIC. Il fallait donc un matériau permettant un contrôle total sur la densité de la selle, avec des densités uniques en chaque point, ce que la mousse ne permet pas.

Cela a conduit la marque à se rapprocher d'une entreprise à la pointe de l'impression 3D, Carbon, dont le siège social est dans la Silicon Valley.

La société Carbon (qui est aussi à l'origine de la selle Fizik Adaptive) a ouvert la voie à l'impression 3D à partir de polymère liquide à l'aide d'un laser (Digital Light Synthesis). Carbon a également conçu un logiciel pour construire des formes très complexes avec ce processus, des formes utilisées dans les chaussures de running, les casques de football et d'innombrables autres applications.

Avec un contrôle inférieur au millimètre sur la matrice, les possibilités de réglages de ce matériau sont infinies.

Là où les selles traditionnelles utilisant de la mousse ou du gel devaient réduire à peau de chagrin l'épaisseur de ces matériaux pour conserver un produit léger, la technologie Mirror en impression 3D ne demande quasiment aucun surpoids, quelle que soit la complexité du maillage. Il n'y a qu'à travailler sur les liaisons et croisements du polymère pour faire varier la densité des différentes parties de la selle.

La Power S-Works Mirror est construite avec une matrice de 14 000 liaisons et 7 799 croisements pour un confort inégalé.

Il est possible de faire varier la densité de chaque centimètre carré de la selle là où la mousse ne permet de travailler que sur de grandes zones.

Mirror favorise également, selon Specialized, le flux sanguin et réduit la pression sur les tissus mous, ce qui devrait logiquement rendre les sorties confortables lorsque vous avez besoin de prendre appui sur le bec de selle, comme lors d’une échappée à haute vitesse.

L'analogie la plus proche dans le cyclisme est le passage de l'acier à la fibre de carbone comme matériau de construction du cadre. L'acier a des qualités incroyables mais est limité, tandis que la fibre de carbone permet une liberté de conception totale, quasiment infinie. La rigidité, le confort, le poids et la durabilité peuvent tous être ajustés à l'infini grâce à la sélection et à la disposition des différentes couches de carbone et en jouant sur l'orientation des fibres.

Le passage de la mousse à la technologie Mirror offre essentiellement la même opportunité, mais comme le carbone, c'est avant tout une question de compétences au niveau de la mise en oeuvre qui fait la différence.

La technologie 3D n'est donc pas un matériau magique, mais le matériau qui permet de mettre en oeuvre plus de 20 ans de connaissances en géométrie corporelle.

À partir de là, l'équipe a travaillé sans relâche pour s'assurer d'abord qu'une selle viable pourrait même être fabriquée avec cette technologie, puis ce fut itération après itération pour aboutir à réduire la pression autour des os.

Mais l'équipe a dû trouver la recette idéale - répartir suffisamment la pression pour assurer le confort, mais pas trop pour éviter les frictions inconfortables. Après près de 70 essais, le S-Works Power Mirror est née.

En utilisant la forme Power, les ingénieurs de Specialized savaient que le flux sanguin était protégé, mais qu'en est-il de leur objectif initial, à savoir améliorer le confort des os sur la selle ?

Malgré les cartographies de pression, il fallait un véritable test pour être certain que la selle était réellement plus confortable. Todd Carver, Human Performance Manager au Centre d'Innovation de Boulder, a créé une étude de confort aveugle en utilisant 20 cyclistes et des données de cartographie de pression.

Les cyclistes sont passés de selle en selle, incapables de voir le modèle qu'ils utilisaient et ont rempli des formulaires de confort à chaque changement. Le résultat a été sans appel, la S-Works Power Mirror était plus confortable que la mousse EVA traditionnelle. Mission accomplie.

La finition est parfaite est les matériaux semblent conçus pour durer. Même en appuyant son vélo contre un mur, elle ne se marque pas spécialement, ce qui est une bonne nouvelle vu le tarif.

Avec ses 143mm de large et ses rails carbone, elle ne pèse que 192 grammes. Ce n'est pas la selle la plus légère qui soit, mais là n'est pas son but. Mieux vaut 50 à 100g de plus et être parfaitement posé pendant des heures qu'une selle à moins de 100g qui serait inconfortable au bout d'une heure.

Elle est aussi disponible en 155mm de large. Sa coque est en composite carbone FACT offrant soutien et confort grâce à sa souplesse adaptée. De même, les rails sont aussi en carbone FACT surdimensionnés (7x9mm), très résistants et ultra-légers (non compatibles avec les tiges de selle équipées de chariots pour rails ronds de 7 mm).

Pour l'instant, elle n'est donc disponible qu'en version haut de gamme. Mais il y a fort à parier que cette technologie se démocratise dans les années à venir sur des produits moins onéreux.

Tarif : 399.90€

Alors oui, ce tarif en fera tousser plus d'un(e) au fond devant son ordinateur ou son smartphone. Mais combien seraient prêts à payer cher pour ne plus avoir aucune douleur ou irritation même après des raids de 5h ou plus sur leur vélo ?

Sensations sur route et dans la caillasse

J'ai donc pu tester lors du la présentation du Specialized Diverge, mi-mars, lors de deux sorties de 60km en gravel, mais je l'utilise aussi depuis sur route.

A noter qu'avec son dessin particulier, à savoir un bec raccourci et un arrière plus large, il convient de ne pas régler sa Power comme toute autre selle. Pour ma part, j'ai augmenté le recul de selle de 2.5cm après plusieurs essais pour trouver le réglage optimal.

Oui, le changement est radical par rapport à une selle traditionnelle. En s'asseyant, on s'enfonce très légèrement, presque comme sur un coussin (mais un coussin assez ferme) et les os se retrouvent ainsi parfaitement calés "dans" la selle.

Contrairement à une selle classique où on peut légèrement glisser d'avant en arrière, ici, les ischions étant légèrement enfoncés dans la matrice 3D, vous ne bougez quasiment pas, ou tout au moins, pas naturellement. Il faudra donc parfaitement régler la selle au niveau de son recul. De même, vous pourrez sans crainte incliner légèrement la selle vers l'avant sans risque de glisser naturellement vers le bec de selle.

Le fait de s'enfoncer légèrement vous obligera aussi à monter très légèrement la selle pour retrouver la hauteur habituelle. Mais on parle de quelques millimètres tout au plus.

Avec cet effet "coussin", on pourrait craindre un effet désagréable lors du pédalage, mais il n'en est rien. La coque, très rigide, n'offre pas de flexion indésirable.

Ceux qui ont l'habitude d'avoir des selles très peu rembourrées et raides auront clairement l'impression d'avoir une selle peu sportive sous les fesses. Et pourtant, que l'on ne s'y trompe pas, ce n'est qu'une affaire de sensations et d'habitudes. Un peu comme ceux qui ont l'impression d'être collés avec des pneus de 25mm gonflés à 6.5 bars tant ils sont habitués à du 9 bars sur 23mm.

Mais c'est simplement que la filtration est meilleure et que le pneu de rebondit pas que certains ont cette sensation "collante". Avec cette Specialized Power S-Works Mirror, il en est de même, il ne faut pas se fier à la première impression tant elle est déconcertante par rapport à ce que l'on connait avec les selles "communes"

Ca tape moins, donc on a l'impression de perdre en rendement. Mais si l'on reste parfaitement objectif, le calage et le confort conférés par cette selle Specialized Power S-Works Mirror est de très haut niveau... et doit logiquement jouer en faveur du cycliste.

Sur la route, le constat est identique, la technologie 3D Mirror apporte du confort en plus tout en calant le bassin parfaitement et sans que l'on ne ressente de frottements, notamment au niveau de l'intérieur des cuisses, comme cela peut arriver avec des selles trop souples.

On est donc parfaitement calé, la technologie 3D permet aussi d'offrir un léger amorti supplémentaire. La filtration au niveau des fesses est parfaite sans que l'on ne ressente de mouvement perturbateur du bassin. Sur des sorties de plus de 3h30, on oublie littéralement la selle et aucun frottement ne vient ternir le tableau.

Si au premier abord, en touchant la selle, on peut la trouver plus proche d'une selle loisirs, dans les faits, il en est tout autre. Rigide au niveau de sa coque, parfaitement adaptée au niveau de la technologie 3D, mêlant confort et calage parfait, la selle semble être vraiment conçue sur-mesure.

Bilan

Même s'il reste difficile de dire s'il s'agit de la selle idéale qui conviendra à toutes et tous, la technologie d'impression 3D permet en effet un calage et un confort jamais vu jusqu'à présent.

Pas trop mou et parfaitement adapté au cycliste qui ne veut pas bouger sur sa selle tout en ayant du confort, que ce soit en VTT, gravel ou même sur route.

Reste son tarif, clairement prohibitif. A 400€, on paye forcément les débuts d'une technologie, l'innovation et toute la recherche qui a été nécessaire pour développer cela.

Mais pour tous ceux qui n'ont encore jamais trouvé le graal leur permettant de rouler pendant des heures sans aucune douleur au niveau des fesses, voilà qui pourrait bien solutionner leurs problèmes, leur permettant de rouler dans un confort total.

Si vous en avez la possibilité, une selle à essayer car elle pourrait bien en valoir l'investissement, d'autant plus que les matériaux utilisés semblent pouvoir endurer de très nombreux kilomètres sans aucune déformation.

Crédit photos : Etienne Schoeman pour Specialized & Matos Vélo