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1. Pouvez-vous vous présenter et nous en dire plus sur votre parcours ?

J'ai 30 ans et je suis natif du Jura. Concernant mon parcours, je suis issu du STAPS De Franche Comté à Besançon.

Après une licence d'entraînement sportif en 2006, j'ai obtenu un brevet d'Etat Educateur sportif / activités du cyclisme en 2007 à l'Université de Clermont Ferrand avec en parallèle un MASTER 1 PRO sport performance & qualité de vie à l'université de Besançon.

En 2008, je complète ma formation avec un brevet d'Etat 2 éducateur sportif / activités du cyclisme à Dijon et mon MASTER 2 PRO sport performance & qualité de vie à l'université de Besançon.

Je suis plus VTTiste de formation (sans avoir pour autant eu un niveau professionnel) et je n'ai commencé à m'intéresser à la route qu'à la fin de mon Master 2, en 2009, au sein de l'équipe Besson Chaussures avec Stéphane Heulot, avec qui je suis resté jusqu'en 2013 (Saur Sojasun). En 2009, j'étais entraîneur du Pôle France VTT et je suis à ce jour toujours consultant FFC pour l'équipe de France VTT.

J'ai rejoint l'équipe AG2R La Mondiale en 2014 et suis devenu Directeur de la Performance.

2. Tout comme Fred Grappe et Julien Pinot, vous êtes issus du STAPS de Franche Comté. Y a-t-il une réelle expertise vélo au sein de cette université ?

Oui, il y a une réelle dynamique pour le cyclisme au sein de l'Université de Franche Comté. Et cela ne date pas d'hier puisque de nombreux cadres fédéraux FFC des années 90 sont issus de cette université (en VTT, Yvan Clolus, Yvon VauchezPhilippe Chanteau). Mais c'est bien évidemment Fred Grappe qui a permis de faire connaître un peu plus la spécialité de l'Université de Besançon puisqu'il fut le premier chercheur français à intégrer une équipe professionnelle.

3. Il y a quelques années, la notion d’entraîneur était plus vague au sein des équipes, moins encadrée et pointue. Avez-vous constaté un réel changement au sein des équipes et une réelle demande de la part des coureurs ?

Oui, la place et le rôle de l'entraîneur dans les équipes françaises ont mis beaucoup de temps pour arriver. Le cyclisme est souvent en retard par rapport à d'autres sports dans de tels domaines, mais ce fut encore plus vrai dans les équipes cyclistes françaises.

Un réel virage a été pris en 2009/2010 où la place de l'entraîneur a été un élément réellement important dans la performance des coureurs. Mickaël Bouget a été le premier entraîneur au sein de l'équipe AG2R en 2011. La mutation est désormais faite. Pour preuve, nous serons 4 personnes en charge des entraînements dans l'équipe en 2016.

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4. Depuis votre arrivée dans l’équipe AG2R La Mondiale, qu’est-ce qui a été mis en place côté entraînement et suivi de la performance qui n’était pas en place auparavant ?

Le premier gros chantier fut de centraliser les données d'entraînement, ce que nous avons fait avec un projet en interne, Velobook, qui existe aussi en version online (http://www.velobook.net).

Il y a eu ensuite l'augmentation des moyens mis en œuvre pour l'entraînement. Désormais, l'équipe a la capacité de se dire que si on investit plus dans la performance, on bonifie le potentiel physique de chaque coureur. Il vaut mieux réduire la masse salariale (1 coureur de moins par exemple dans l'équipe) pour donner de meilleurs conditions d'encadrement aux athlètes (achat de matériel, ...).

5. Vous tenez-vous au courant des dernières nouveautés dans le domaine du matériel ? Si oui, par quel biais ? Magazines, internet, autre ?

Oui, bien sûr, c'est désormais un passage quasi-obligé pour nous. C'est notamment le rôle de Mickaël Bouget qui est en charge de la coordination avec les partenaires techniques. On voit ce qui se fait ailleurs et on échange avec nos partenaires pour en parler et ne pas être en retard.

Contrairement à ce qui se faisait il y a quelques années, chaque partie est vraiment proactive. Avant, une équipe roulait avec le vélo que fournissait le partenaire, ça s'arrêtait là. Désormais, chaque équipe veut améliorer le matériel utilisé et chaque marque partenaire veut bénéficier du retour terrain des professionnels pour continuer à améliorer leurs produits.

6. Suivez-vous tous les coureurs de l’équipe ou certains ont-ils leur propre entraîneur ou leurs méthodes d’entraînement que vous suivez seulement du coin de l’œil ?

Au sein d'AG2R La Mondiale, 75% des coureurs sont suivis par les entraîneurs de l'équipe. Les 25% restants sont suivis par des entraîneurs personnels. C'est surtout le cas pour des coureurs de plus de 30 ans qui sont suivis par leurs entraîneurs depuis des années, il est toujours délicat de changer les habitudes, surtout si ça fonctionne bien.

Mais les coureurs ne sont autorisés à être suivis par un entraîneur personnel qu'après validation par nos soins de leurs compétences.

En revanche, un jeune qui intègre l'équipe aujourd'hui devra obligatoirement être suivi par le staff AG2R La Mondiale.

7. En 2012, vous indiquiez que la Team Sky n’était pas comparable en termes de budget et d’optimisation de l’entraînement. Pensez-vous que vous avez aujourd’hui comblé cette différence ?

Il est clair que ça a beaucoup évolué, et dans le bon sens. Bien sûr, il y a toujours de grosses différences avec des équipes comme Sky, mais c'est avant tout dû au budget qui n'est pas le même. Une équipe française n'a pas les mêmes moyens que le Team Sky.

En tous cas, le Team Sky a vraiment fait beaucoup de bien côté entraînement, en communicant justement sur leurs investissements sur le côté scientifique et méticuleux de l'entraînement, les gains marginaux, ...

Cette position a vraiment aidé à ce que le métier d'entraîneur s'implante réellement dans de nombreuses équipes cyclistes professionnelles, avec une véritable légitimité.

8. On parle depuis quelques années des fameux gains marginaux sur le matériel. Pensez-vous réellement qu'il y a des gains à attendre du côté du matériel ?

Il y a clairement des gains du côté du matériel, puisque pendant longtemps, on a laissé de côté ce point. Comme dit plus haut, le coureur roulait sur le vélo que le partenaire lui fournissait, ça s'arrêtait là.

On sait désormais que même s'ils sont marginaux, les gains sur le matériel peuvent faire la différence.

9. L’optimisation du rapport poids/puissance amène-t-elle obligatoirement à avoir des coureurs très maigres, à l’image de Romain Bardet ou Christopher Froome ou seuls certains coureurs peuvent « encaisser » ce faible pourcentage de masse grasse ?

Il faut faire attention, car certains morphotypes font que des coureurs paraissent plus maigres que d'autres, alors qu'ils ont pourtant un taux de masse grasse plus élevé que d'autres.

Mais tous les coureurs peuvent atteindre un faible niveau de masse grasse avec des performances optimales. C'est là aussi notre rôle, trouver l'équilibre entre l'optimisation du poids du coureur sans perdre en puissance, et pouvoir conserver ce ratio poids/puissance tout au long de l'année.

Un gros travail a été fait sur l'étude de chaque aliment plutôt que sur leur seul apport calorique. Un coureur ne se met plus à la diète en réduisant au maximum son apport calorique, mais nous étudions les apports de chaque aliment et les interactions entre eux afin que le coureur puisse obtenir le taux de masse grasse le plus faible possible, tout en restant en forme.

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10. Les marques présentent de plus en plus des vélos dits « aérodynamiques ». Y a-t-il réellement des gains à attendre de son vélo où est-ce à la marge ?

Autant c'est primordial sur les vélos de contre la montre, autant sur les vélos pour les courses en ligne, cela dépend de la composition de l'équipe. Pour AG2R La Mondiale, nous avons un collectif principalement orienté vers la montagne. Dès lors, l'aérodynamisme d'un vélo n'est pas le point le plus important pour nous.

Je n'en dirai pas de même pour une équipe de sprinteurs par exemple. Un sprinteur et ses co-équipiers sont amenés à rouler à 55km/h pendant 15 ou 20 km. A cette vitesse, les gains aérodynamiques sont nettement plus importants et un vélo aéro peut faire la différence.

11. Les boyaux de 25mm sont utilisés par certaines équipes depuis plusieurs saisons. Certains cyclistes trouvent cette section pénalisante. Alors, réel gain en rendement par rapport à du 23mm ?

Nous utilisons des boyaux de 24mm qui font presque 25mm. Nos travaux en interne mais aussi la société Zipp nous ont permis de confirmer qu'il y avait un meilleur rendement avec ces boyaux.

Mais attention, avec les progrès technologiques sur les bandes de roulement, mais aussi la carcasse du boyau, un boyau de 25/26mm d'aujourd'hui peut se comparer à un boyau de 21/23mm d'il y a quelques années.

De plus, de nombreuses courses se jouent désormais en descente et on sait qu'il y a une réelle amélioration du grip avec une section de 25mm.

12. Êtes-vous impliqués avec vos  sponsors dans le développement du matériel (Focus, Schwalbe, SRAM ou Zipp) ? Si oui, comment ?

Oui, comme déjà indiqué auparavant, il y a une réelle implication dans les deux sens. Nous faisons des remontées à nos partenaires par rapport aux constatations terrain. Et les partenaires sont en attentes de nos retours pour continuer à faire progresser leur matériel.

Les partenaires ont une réelle volonté de nous proposer le matériel le plus adéquat et le plus performant.

13. On parle encore beaucoup de la fameuse limite UCI des 6.8kg que beaucoup voudraient voir évoluer. Est-ce aussi une volonté de votre côté (staff ou coureurs) et même si on descendait à 6kg, les performances s’en ressentiraient-elles vraiment ?

Cette limite est discutable puisque aujourd'hui, tous les vélos sont lestés pour respecter cette limite de 6.8kg. Ce n'est donc plus une question de sécurité.

Mais l'intégration prochaine des freins à disques devrait redistribuer les cartes, puisqu'il est à ce jour difficile d'arriver à 6.8kg avec des disques. En 2016, si toute une équipe décide de rouler avec des disques, elle en aura le droit. Nous avons la chance d'avoir des partenaires très actifs sur les disques (Zipp, SRAM et Focus) et avec une longue expérience dans le domaine, notamment en VTT.

Les disques sont l'avenir, mais je pense qu'il faudra attendre 1 an ou 2 pour qu'ils s'implantent vraiment, avec d'ici là une progression du matériel qui devrait amener les vélos équipes de disques à la limite de 6.8kg.

14. On voit de plus en plus de marques se lancer dans le domaine des capteurs de puissance. Selon votre expérience, sont-ils tous aussi fiables ? Des marques à préconiser ?

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Il y a en effet de nombreuses marques qui se lancent sur le marché des capteurs de puissance. Mais seules 3 marques sont validées scientifiquement à ce jour :

  • SRM
  • Quarq
  • Powertap

Pour les autres marques, il y a de la progression chaque année, mais certains produits sont encore loin d'offrir la fiabilité et la précision demandée par les coureurs.

15. Quels conseils donneriez-vous à un cycliste amateur désirant optimiser ses performances ? Amélioration du poids du vélo, roues carbone, roulements…ou plutôt optimisation de l’entraînement via capteur de puissance ?

C'est clairement au niveau de l'entraînement que les gains seront les plus significatifs, je conseillerai donc de faire l'acquisition d'un capteur de puissance. Il permet en plus de s'habituer à comprendre l'entraînement "scientifique", à être plus méticuleux.

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Crédit photos :  AG2R La Mondiale Pro Cycling Team - Yves Perret & Matos Vélo