A la recherche d'un podologue sur Toulouse, je voulais un spécialiste qui connaisse les spécificités du cyclisme. J'ai été dirigé par trois cyclistes vers ce cabinet de podologie du sport où officient 4 podologues, Vincent, Émilie, Jérémy et Aurélien. 3 cyclistes qui vous dirigent vers un même cabinet, preuve qu'ils sont sans doute pointus et sérieux.

Consultation

L'occasion de voir le process de conception d'une paire de semelle de A à Z.

Si ce cabinet est surtout connu des runners (sprint ou marathon) en tous genres, les cyclistes de haut niveau connaissent bien cette adresse.

L'examen se déroule en deux parties :

  • Une partie examen clinique avec étude dynamique biomécanique et analyse posturale
  • Une partie confection des orthèses plantaires (réalisées sur mesure et moulées en charge sur le patient)

Avant toute chose donc, un entretien sur ma pratique du vélo, mes éventuels problèmes ou douleurs. Puis un examen minutieux de la longueur de mes jambes, de mes pieds et bien sûr, le traditionnel passage sur divers outils permettant de voir si on a les pieds plats, la répartition du poids sur la plante des pieds, etc.

Tout cela est désormais informatisé pour avoir un rendu plus clair et un stockage plus simple des données de chaque patient.

Suite à ce diagnostic, vient la confection de semelles qui viendront corriger le/les problèmes dont vous vous plaignez et amélioreront aussi votre confort et le transfert de la puissance.

Beaucoup de travail manuel, un véritable artisanat. La fabrication des semelles est une succession d'étapes où le podologue vient mettre en place différents matériaux, plus ou moins rigides et d'épaisseurs différentes. Un véritable millefeuille où chaque étage a son importance.

Mes semelles podologiques spécifiques au vélo

Le résultat final est très éloigné des productions standardisées de l'industrie.

Même les fabricants de "pseudo semelles podologiques" ne peuvent arriver à un résultat aussi spécifique, la semelle gauche étant légèrement différente de celle de droite. C'est vrai sur le milieu du pied avec une bosse un peu plus prononcée à droite qu'à gauche, mais aussi sur l'avant, côté extérieur, où la semelle droite présente une dépression qui n'existe pas à gauche.

On le voit un peu mieux sur la photo ci-dessous, avec en haut, la semelle droite et la dépression, en bas, la semelle gauche, uniforme sur l'avant.

Bien sûr, il conviendra d'amener vos chaussures vélo pour que les semelles soient parfaitement adaptées à la forme de celles-ci.

Sur le dessous, on voit nettement les différentes parties qui composent la semelle. Jérémy Poncelet, qui a réalisé cette paire de semelle, connaît très bien les contraintes du cyclisme, très éloignées de celle du running.

La semelle doit être très rigide, notamment au milieu, raison pour laquelle on trouve un peu de carbone.

C'est certes moins sexy que des semelles bien souvent vendues très chères et réalisées par un vélociste, mais d'une, le résultat est réellement différent et de toutes façons, peu de monde va aller regarder dans votre chaussure.

Gros avantage que de passer par un podologue, c'est que si le résultat n'est pas 100% parfait, il pourra reprendre vos semelles pour affiner le tout afin que ce soit parfait.

C'est ce qui m'est arrivé à deux reprises avant d'obtenir le résultat escompté. On le voit dessous notamment, par rapport à la photo qui précède. Des matériaux ont été rajoutés à droite et à gauche.

Des retouches bien souvent nécessaires mais qui restent gratuites. Les semelles coûtent quant à elles 160€ la paire, avec un remboursement de 14€ par semelle par la sécurité sociale si vous avez une ordonnance. Reste à voir si votre mutuelle prend en charge une partie ou la totalité du restant.

Certaines marques proposent des semelles "podologiques" toutes prêtes ou qui seront réalisées via une simple empreinte réalisée par vous-même (avec les risques d'erreurs que cela implique) et pour au moins aussi cher. A mon avis, mieux vaut aller voir un spécialiste.

Concernant la durée de vie des semelles, des coureurs pros m'ont assuré faire au moins l'année (soit 30000km environ) avec. Pas d'entretien spécifique, si ce n'est qu'il ne faut pas les passer à la machine et éviter de les laisser en plein soleil dans la voiture, derrière la lunette arrière par exemple.

En dehors de ça, elles résistent à la pluie et sèchent très vite. Seul inconvénient, l'absence de trous de ventilation, mais vous pourrez toujours réaliser vous-même les trous sur l'avant du pied.

J'ai profité de ce passage au cabinet de podologie du sport pour poser quelques questions.

Interview de Jérémy Poncelet

1. Bonjour Jérémy. Tu fais partie d’un cabinet de podologie du sport à Toulouse où vous êtes 4 podologues du sport, notamment spécialisés dans la course à pied. Est-ce que la confection de semelles podologiques est une pratique plus courante dans la course à pied que dans le cyclisme ?

Bonjour Guillaume. Oui, absolument, elle est plus courante. Mais sans doute parce que la course à pied s'est beaucoup développée ces dernières années que ce soit le jogging d'entretien mais surtout la course sur route, en montagne, le triathlon, la course d'orientation, etc... La course à pied est quand même plus traumatisante que le vélo, où il n'y a pas l'impact au sol.

2. La semelle réalisée pour un cycliste est-elle différente de celle d’un coureur à pied ? Si oui, en quoi ?

Totalement. Les matériaux utilisés sont différents, car le geste technique du cycliste est différent de celui du coureur à pied. Une semelle pour un cycliste doit être rigide là où la semelle d'un coureur à pied doit pouvoir se déformer.

3. Je crois savoir que plusieurs coureurs professionnels viennent dans votre cabinet. Viennent-ils pour consulter en raison de douleurs ou plus en prévention ?

Principalement pour des douleurs, mais certains viennent pour vérifier leur posture.

4. Des semelles podologiques sont là pour augmenter le confort, annuler certaines douleurs, mais participent-elles aussi à la performance ?

Pour rebondir sur la question précédente, certains viennent pour en savoir plus sur leur posture afin d'optimiser la performance. Si un cycle de pédalage est mal réalisé, il y a un risque de douleur, mais aussi une perte énergétique. Des études sont d'ailleurs en cours pour montrer le bénéfice des semelles orthopédiques dans la performance chez le cycliste.

5. Contrairement à la course à pied, le cycliste est fixé sur ses pédales via des cales. Vérifiez-vous le positionnement des cales avant toute réalisation de semelle ?

Toujours, pour la bonne et simple raison qu'un mauvais réglage des cales peut conduire à des douleurs sur tous les étages supérieurs.

6. Certaines marques se lancent dans des semelles dédiées aux cyclistes vendues entre 100 et 250€ comme j’ai pu vous en montrer. Des semelles « types » ou au mieux, des semelles réalisées suite à une simple prise d’empreinte via papier carbone ou mousse. Que pensez-vous de ce type de produit ? Est-il réellement adapté et à conseiller ?

Il s'agira d'une paire de semelles totalement symétrique, qui ne prend pas en compte les différents troubles mécaniques du coureur cycliste, elles apporteront du confort, mais pas autant qu'une paire de semelles moulée sur le pied. Certains modèles de ce type de semelles semblent intéressants et plus « confort » que d'autres, mais j'avoue que les tarifs pratiqués me semblent un peu élevés si on compare avec des semelles orthopédiques sur mesure faites par des podologues du sport.

7. Certaines personnes ont une jambe plus courte que l’autre. Est-il possible de corriger cela à travers des semelles ?

Chez le cycliste, la compensation de l'inégalité de longueur des jambes peut être intéressante car le corps, fixé aux pieds et semi-fixe au bassin, peut difficilement s'adapter. Si on a une vraie différence de longueur significative, il sera nécessaire de rehausser le côté court, soit en jouant sur l'avancée de la selle, soit en utilisant une entretoise entre la cale et la chaussure, soit directement dans la chaussure. Dans tous les cas, il faudra s'assurer de la vraie valeur de l'inégalité ; pour ce faire, une mesure des membres inférieurs par radiographie, prescrite par son médecin ou son podologue, est nécessaire.

8. Comment se passe l’examen du cycliste et la confection des semelles ?

Après une phase d'interrogatoire qui permet de bien cerner la problématique, nous étudions la posture en statique, en décharge, en dynamique et si nécessaire sur le vélo du patient (sur home-trainer). Nous utilisons des tapis de capteurs et un logiciel d'acquisition et d'analyse vidéo. A la suite de l'examen, nous réalisons les semelles dans la foulée si besoin. Nous ne pratiquons pas les réglages du vélo, car c'est le métier des vélocistes et des cyclo-ergonomes, et nous invitons les patients à les consulter si nous remarquons que des paramètres doivent être ajustés.

9. Y a-t-il de meilleures chaussures vélo que d’autre en termes de conception, de forme ? Où est-ce seulement la forme de son pied qui doit guider son choix ?

Il n'y a pas de bonnes ou de mauvaises chaussures. Il y a une chaussure pour un type de pied et pour un type de pratique. Mais la forme du pied doit guider le choix des chaussures c'est essentiel.

10. Un mauvais choix de chaussures ou de mauvaises semelles peuvent-ils entraîner des problèmes aux pieds à plus ou moins long terme ?

Oui bien sûr. Le volume chaussant doit être le critère numéro un dans le choix de la chaussure de vélo. Si la chaussure ne s'adapte pas parfaitement au pied, il y a de grandes chances de créer des douleurs de compressions et des phénomènes gênants comme le « feu aux pieds » bien connu. A long terme, si une chaussure est trop étroite, elle peut entraîner des pathologies de l'avant-pied ainsi que des déformations des orteils. En bref, le confort prime toujours !