1. Durant ta carrière pro de 2003 à 2012, quelle a été ta relation vis-à-vis de ton vélo ? Simple outil de travail ou passionné de technique ?
Pour moi mon vélo se résumait à un simple outil de travail car en fait, quand tu signes dans une équipe pro, tu n’as pas le choix du vélo : c’est un partenariat qui se décide avec une marque et là-dessus tu n’as aucun possibilité d’intervention.
J’avais donc pris pour habitude de ne pas trop m’intéresser à la concurrence car on est toujours déçu par ce que l’on a, on préfèrerait toujours avoir le vélo de l’équipe concurrente. Ne pas trop m’intéresser au matos était une façon pour moi de me protéger d’une torture de l’esprit inutile car en tant que coureur nous n’avons aucun pouvoir de décision sur le choix du matériel une fois que le contrat est signé entre l’équipe et la marque.
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2. Te tiens-tu au courant des dernières nouveautés dans le domaine du matériel ? Par quel biais ; magazines, internet, autre ?
Oui je me tiens informé de l’évolution du matos au sein de la marque qui m’équipe par le biais d’internet. Ensuite, pour ce qui est de l’évolution générale, je n’ai qu’à observer mes concurrents et écouter mes coéquipiers parler pour apprendre quelle nouveauté va arriver sur le marché.

3. Est-ce que tu continues toujours à rouler ? Si oui, sur quel vélo ?
Oui je continue toujours à rouler sur mon look (issu du contrat pro) sur route et sur un ANNEKIN en cyclo cross.

4. Quel a été ton vélo préféré durant toute ta carrière ?
Mickael-Buffaz-2.jpgJe suis un peu partagé, il y a d’abord le Time de 2007-2008 qui a été mon premier et seul vélo sur mesure. Cette sensation d’avoir un vélo uniquement pour soi et donc réalisé en dehors du circuit de fabrication normal avait pour moi une saveur particulière. Je me sentais surtout super bien dessus sans avoir à bidouiller en début de saison sur la longueur de la potence ou le recul de selle.
Ensuite il y a eu le LOOK, sur lequel j’ai passé les ¾ de ma carrière. En effet cette marque m’a toujours attiré depuis mes débuts donc, quand j’ai su que j’allais avoir la chance de courir sur un LOOK, c’était déjà l’euphorie.

5. Quelles sont les plus belles innovations techniques que tu as connues ?
C’est sans aucun doute le dérailleur électrique. J’ai été l’un des premiers testeurs du dérailleur campa et j’ai tout de suite vu et compris que c’était le futur produit dans le cycle mais il y avait à l’époque encore beaucoup de problèmes techniques à régler.

6. En tant que coureur professionnel, tu étais obligé de rouler avec du matériel des sponsors. As-tu déjà eu des regrets sur certains produits que tu as dû utiliser à contrecœur ? Si oui, lesquels ?
Mickael-Buffaz-4.jpgComme dit plus haut, j’évitais de trop regarder autour de moi pour ne pas à avoir le sentiment d’avoir un matériel moins compétitif que mes adversaires.
Pour un sportif professionnel, prendre le départ d’une course avec cette idée dans la tête c’est déjà 10% de perte de performance.
Cependant, la seule chose sur laquelle je faisais très attention durant le début de saison, c’était de me faire ma propre idée sur les performances des différents types de roues de notre partenaire, car c’était selon moi le domaine où il pouvait y avoir des écarts de performance importants en fonction du terrain et de l’état d’usure de ces roues.

7. Tu as aussi encadré une équipe DN1. Y a-t-il de grosses différences du côté du matériel entre ces deux « mondes » ?
Mickael-Buffaz-3.jpgNon, il n’y a pas de différence notable car le CCF bénéficie d’une grosse partie du matériel de l’équipe pro AG2R. Ensuite ce qui fait souvent la différence et ce qui cause des problèmes de fiabilité c’est que lorsque que l’on est sponsorisé par une marque il faut accepter d’être des testeurs privilégiés de leur innovations : concluantes ou pas. Lorsque c’est concluant tout le monde est content, et quand c’est l’inverse…


8. Je vois de plus en plus de jeunes, type cadets, rouler avec des équipements très haut de gamme (cadres carbone à 2000€, roues carbone, …). Que penses-tu de cela ? Est-ce vraiment bon pour eux ?
Je ne suis pas d’accord avec cela mais ça fait marcher le commerce. Comment empêcher un papa d’acheter ce qu’il y a de mieux pour son fils ?
Cependant, j’ai toujours fonctionné à la motivation induite par des petits plus tout au long de ma carrière : cela m’a permis d’avancer et de durer dans un sport très difficile où la démotivation guète chacun des pratiquants. Je préconise donc d’utiliser l’achat de nouveau matériel comme une carotte et non pas l’amener sur un plateau d’argent dès le départ car on coupe le jeune de cette source de motivation qu’est le plaisir d’avoir un nouveau matériel plus performant.

9. Tu as connu la période sans et avec capteur de puissance. Est-ce que ce produit t’a beaucoup apporté en termes d’entraînement ? As-tu vu des progrès physiquement ?
Énormément !! Lorsque tu passes pro, tu te retrouves avec les meilleurs coureurs du monde et le niveau de chacun est sensiblement très proche. Pour se démarquer il faut donc jouer sur des détails. L’un de ces points de détail se trouve dans l’entrainement bien évidement. Le capteur de puissance permet un contrôle précis de ta performance. Il permet enfin d’apporter une autre info que le contrôle du rythme cardiaque. Ce point-là a été très important pour moi car je pouvais avoir d’un jour sur l’autre une dérive cardiaque très importante, ce qui faussait donc mon travail spécifique.

10. Côté textile, que conseilles-tu pour de longues sorties aux cyclistes ? Utilises-tu de la crème appliqué sur la « peau » ? Car de nombreux cyclistes souffrent parfois du fessier après une très longue sortie...comment gérais-tu cela sur un grand tour ?
Gestion impossible, pas de remède miracle, il faut trouver la peau de chamois qui ne nous convient pas et ne plus la réutiliser. A condition que cela ne vienne pas de la selle, de la position ou même de la rigidité du vélo ou des roues.
Je fais exprès de mettre en avant les situations où ça ne va pas car quand tout se passe bien on ne s’en rappelle jamais. De plus quand le problème aux fessiers survient, c’est trop tard. J’ai tout essayé et donc le seul remède c’est la prévention : un cuissard adapté à soi-même, une crème antiseptique et une analyse poussée après chaque déclenchement d’une inflammation ou irritation.

11. Pour l’hiver, comment t’habillais-tu pour les journées les plus froides ? Multiplication des couches ?
Au début de ma carrière, oui, mais ensuite avec l’évolution du matériel non, plus besoin. A l’entrainement c’est assez facile mais le problème c’était en course. En plus de cela j’étais très frileux donc déjà un peu de crème chauffante sur les extrémités et ensuite j’avais toujours dans la poche un coupe-vent en plus pour les moments où le peloton se relevait.

12. Ton avis sur les textiles de compression pour la récupération ? Adepte ou non ?
Oui oui adepte. J’ai vu arriver les chaussettes de contention donc je suis très attentif sur ce sujet. Medilast a été pendant longtemps le partenaire chez Cofidis donc nous avons eu beaucoup d’échanges avec les responsables innovations et produits de la marque pour la faire évoluer, j’ai beaucoup appris. Il ne faut pas voir dans ce produit un remède miracle contre le mal de jambes mais c’est avec tous ces petits plus combinés que l’on avance sur le chemin de la performance.

13. Quel est ton kilométrage annuel moyen désormais ?
Je dirais 5000km.

14. Une semaine d’entraînement type pour toi, ça ressemblais à quoi ? Plutôt du matin ou l’après-midi ? Entraînement seul ou avec d’autres coureurs ?
Plutôt le matin car ça me laisse toujours l’option après-midi en cas de mauvais temps. Et malgré le froid, je préférais partir le matin afin d’avoir le temps aussi dans l’après-midi de m’occuper de ma récupération (kiné, repos).

J’ai commencé ma carrière avec des entrainements seuls, et ensuite j’ai essayé de trouver des partenaires car j’ai appris à gérer leur présence et n'y voir que des intérêts.

15. Enfin, côté alimentation, qu’apportes-tu avec toi pour tes sorties d’entraînement ?
La même chose qu’en course car c’est l’entrainement qui est le meilleur terrain de test en vue des courses, et quoi qu’on dise, on ne s’affute pas sur le vélo mais à table.

16. Désormais retraité, as-tu des projets de reconversion en vue ?
J’y travaille énormément afin de rester dans le domaine du sport et plus particulièrement du cyclisme. J’accompagne des clubs, des fédérations et des organisations d’épreuves afin de les aider dans leur développement, mais ça pourrait largement faire l’objet d’un autre article.
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Merci à Mickaël qui a pris du temps pour répondre à toutes ces questions. Un jeune retraité heureux si l'on en croit cette photo et qui semble avoir réussi sa reconversion.