Interview de Jérémy Roy côté matériel vélo
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le samedi 10 novembre 2012 09:41 -Pour le 300ième article de Matos Vélo, voici l'interview de Jérémy Roy, coureur de la FDJ depuis 2003.
Un coureur de 29 ans, qui même s'il est professionnel depuis 2003, ne pratique son métier à 100% que depuis 2008, année où il a été diplômé Ingenieur en Génie Mécanique et Automatique de l'Insa de Rennes (grade Master). De 2003 à 2008, malgré son statut de coureur professionnel, Jérémy devait donc concilier études et cyclisme !
Excellent coureur Contre La Montre, Jérémy est aussi passionné de matériel, ce qui lui a fait découvrir Matos Vélo voilà plusieurs mois.
1.86m pour 69kg, un coeur battant à 38 puls au repos et montant à 180, voilà pour les quelques données techniques le concernant. Maintenant, place à l'interview !
1. Quelle est ta relation vis-à-vis de ton vélo ? Simple outil de travail ou passionné de technique ?
Mon vélo ou plutôt mes vélos sont mes compagnons d'aventure. Il faut les respecter. Bien sûr j'aime la technique et les innovations mais je ne peux pas essayer tout ce que je souhaiterai car nous avons des contraintes légitimes avec les partenaires.
2. Comprends-tu qu’un cycliste amateur puisse être choqué lorsqu’il voit un coureur pro jeter son vélo au sol en cas d’incident mécanique associé à l’enjeu de la course ?
Je comprend qu'un cycliste amateur ou qu'un spectateur lambda puisse être choqué d'un tel comportement. Il n'est pas toujours évident de contrôler ses nerfs mais au final, ça ne résout pas le problème de l'incident.
3. Par quel biais t’informes-tu sur les nouveautés ? Magazines, internet, autre ?
Ma source n°1 est internet où j'ai mes quelques sites références pour les rumeurs, avant premières et tests.
Après des magazines peuvent compléter l'info mais c'est rare de trouver une info matos dans un magazine qui n'a pas été évoqué sur le net.
4. Te souviens-tu de ton premier vélo ?
Oui un vélo rouge pompier !
5. As-tu déjà testé des tubeless et si oui, ton avis par rapport aux pneus et boyaux ?
Oui nous avons la chance d'avoir eu un partenaire qui maitrisait le tubeless en vtt et qui l'a lancé sur la route.
J'ai remporté le TroBroLeon sur des tubeless.
A l'entrainement nous roulons aussi sur des tubeless, je ne vois aucune différence avec les pneus. Mais je préfère quand même les boyaux en compétition (plus léger, plus souple, meilleur rendement).
Mais les nouveaux pneus sont de plus en plus performants dans tout ces domaines.
6. Lors de tes entraînements tu es plutôt pneus, boyaux ou tubeless ? Pour quelles raisons ? Quelles pressions utilises-tu en général ?
Comme évoqué ci dessus, à l'entrainement c'est tubeless car le partenaire actuel nous fourni avec cela (sinon ce serait pneus). Nous ajoutons du produit anti-crevaison qui est très efficace.
Pas de boyaux à l'entrainement car c'est assez contraignant de réparer sur le bord de la route ( difficultés à décoller le boyau et il faut se trimballer un boyau de rechange, c'est plus facile d'emmener les chambres à air que l'on peut mettre dans le tubeless crevé).
Pressions de 7 bars à l'entrainement et 8-8,5 en compétition avec les boyaux.
7. Quel a été ton plus gros braquet utilisé en CLM ? Et le plus petit braquet utilisé en course (sur quelle course ?) ?
En chrono j'utilise régulièrement un 55x11 ( mais ce n'est pas pour çà que je l'utilise, c'est surtout pour une meilleure ligne de chaine et dans des descentes çà permet d'enrouler en récupérant un peu).
Sur route mon plus petit braquet : 34x27, utilisé dans les rudes pentes d'Espagne et d'Italie ; sinon en temps normal c'est 53/39x11/23.
8. Durant toute l’année, un ou plusieurs mécaniciens s’occupent de ton vélo pour les courses. Mais qu’en est-il pour ton vélo d’entraînement ? Entretien par toi-même ou tu passes par un vélociste près de chez toi ? Le changes-tu chaque année ?
Je l'entretiens moi même … ruban de cintre, chaîne, à part çà il n'y a pas grand chose à changer, à part penser à recharger la batterie de temps en temps ( sacré autonomie : plus de 2000kms) .
Mon vélo d'entrainement est la plupart du temps celui avec lequel j'ai fini la saison précédente. Donc oui nous les changeons tous les ans.
9. Quelle relation entretiens-tu avec les mécaniciens ? Sont-ils force de proposition, notamment pour les braquets à utiliser en course ou est-ce toi qui décides ?
Les mécaniciens nous laissent libre choix des braquets, bien sûr des fois en course à étape nous oublions de leur dire le braquet pour le lendemain et ils peuvent le changer d'eux même car ils connaissent le cyclisme et ses difficultés. Mais le mieux reste le dialogue bien sûr. Ils peuvent être aussi de bons conseils sur des cols que l'on ne connait pas forcément car ils auront pu avoir des infos par d'autres mécanos ou par expérience passée.
Notre entente est très bonne, il y a des complicités aussi qui se créent car on les retrouve à nos côtés aussi quand on va chercher les bidons, quand on est en échappée ou quand on est lâché !
10. Ta position a-t-elle beaucoup évolué depuis ton passage chez les pros ? Ta position change-t-elle en cours de saison en fonction des courses (hauteur et recul de selle notamment) ou du nouveau matériel ?
J'ai dû remonter mon guidon et raccourcir ma potence car j'avais mal au dos mais je ne change pas de position sinon. Dès fois j'ajuste la hauteur de selle mais c'est rare. Par contre il faut bien veiller en cas de changement de modèle de chaussures (épaisseur de la semelle), de pédales ou de selle, à bien rerégler les côtes pour ne pas changer de position : les côtes changent mais pas la position.
11. Es-tu sensible au poids de ton vélo ou est-ce plutôt le confort et la réactivité qui sont recherché ?
Nous jetons un coup d'oeil sur le poids bien sûr car dans les bosses çà peut faire économiser quelques forces mais nous recherchons avant tout la réactivité et le rendement du vélo. Pour le confort c'est plus difficile avec le carbone.
12. Es-tu impliqué avec tes sponsors dans le développement du matériel ? Si oui, comment ? Ta formation d’ingénieur t’aide-t-elle dans ces développements ?
Oui j'étais testeur du prototype Di2 mais le matériel était déjà si abouti qu'il n'y avait quasiment rien à dire.
Mon implication dans le développement passe plus par les tests et les avis que par la recherche d'innovation ( ce n'est pas mon travail pour le moment !). Du coup ma formation d'ingénieur est un peu en standby mais elle me permet de comprendre les innovations apportées et d'échanger avec les ingénieurs en charge du développement.
13. Malgré le sponsoring, as-tu une certaine latitude sur le choix de certains périphériques comme les pédales, la selle, … ?
Nous sommes libre du choix des chaussures et des lunettes. Pour le reste nous faisons le choix dans la gamme du partenaire.
14. Depuis cet été, on parle beaucoup des plateaux ovales. Quel est ton avis sur le sujet ?
J'attends de voir des études valides et validées … sur le papier cela apparaît être une bonne idée. Je pense, et c'est mon avis personnel, que cela ne fait pas pédaler plus vite mais permet de garder une vitesse donnée plus longtemps en retardant la fatigue musculaire. Encore faut il que le plateau soit bien réglé, qu'il corresponde au type de pédalage du coureur et que les muscles répondent favorablement à ce changement.
15. Du côté du cintre, tu es plutôt forme anatomique, ronde ?
Je préfère les cintres anatomiques.
16. Côté roues, as-tu perçu une augmentation des chutes depuis l’avènement des roues carbone ?
Non pas particulièrement. Par contre, les roues à hautes sections rendent le vélo plus difficilement maniable, et par vent de côté il peut y avoir des écarts.
17. On parle beaucoup de l’apparition des freins à disques sur les vélos de route. De nombreuses marques ont présenté au moins un modèle route équipé de cette technologie lors de l’Eurobike. Ton avis sur ce système ? Utile ou pas sur la route ?
Pas forcément utile, mais je crois savoir que ce freinage est plus efficace par temps pluvieux. Cela permet aussi d'envisager des roues sans bandes de freinage, donc des sections retravaillées avec l'aéro. Après il faut voir le poids.
18. Côté textile, que conseilles-tu pour de longues sorties aux cyclistes ? Utilises-tu de la crème appliqué sur la « peau » ? Car de nombreux cyclistes souffrent parfois du fessier après une très longue sortie….comment gérez-vous cela sur un grand tour ?
C'est vrai que beaucoup de coureur cycliste hydratent la « peau de chamois » avec une crème, je trouve que cela attendrit aussi les chairs et peut provoquer des coupures à l'entre jambe. Donc moi je n'utilise pas de crème.
Il faut veiller à avoir une bonne « peau de chamois », il en existe plusieurs types ( densité variable, anatomique, …) cela reste personnel.
Par contre, il faut bien veiller au lavage à ce que la peau soit bien rincée et qu'il n'y a plus de lessive dedans, cela peut provoquer des irritations. De même, le sèche linge n'est pas très conseillé.
Malgré tous ces bons conseils, il m'arrive quand même d'avoir des irritations et je les traite avec de l'homeoplasmine.
19. Pour l’hiver, comment t’habilles-tu pour les journées les plus froides ? Multiplication des couches ?
Les membranes textiles ont énormément évoluées ces dernières années. Par froid sec il n'y a pas trop de soucis de protection : un sous maillot et une veste d'hiver suffisent.
Par temps pluvieux ou humide, c'est plus dur à gérer … imperméable ou pas. Le problème, c'est qu'une fois que l'on a transpiré dans l'imperméable ( car malgré les membranes dites imperméables respirantes , la transpiration pose problème), il est difficile de l'enlever sans attraper un coup de froid.
20. Ton avis sur les textiles de compression pour la récupération ? Adepte ou non ?
J'utilise mes chaussettes de compression après chaque compétition, dans les transports et aussi chez moi après des sorties difficiles. Je suis donc un adepte.
21. Quel est ton kilométrage annuel moyen ?
Entrainements et courses comprises, entre 28000 et 31000 kms.
22. Depuis plusieurs années, l’équipe FDJ travaille avec Fred Grappe et vous travaillez notamment avec des capteurs de puissance. Ces derniers ont-ils réellement modifié ta façon de t’entraîner ?
Oui je suis devenu un adepte des capteurs de puissance qui mesure en temps réel le travail et non pas une réponse comme peut l'être la fréquence cardiaque. Ainsi je cible des intensités et des exercices spécifiques en terme de puissance à réaliser à chaque entrainements.
L'utilisation en course permet aussi de voir quelles zones travailler à l'entrainement.
23. Une semaine d’entraînement type pour toi, ça ressemble à quoi ? Plutôt du matin ou l’après-midi ?
Je suis plutôt du matin ( départ entre 8h30 et 9h30 ) ; il n'y a pas trop de semaine type car cela dépend des courses précédentes, de la fatigue, des objectifs à venir …
24. Pour donner un ordre de grandeur aux cyclosportifs, comment se passe une sortie hivernale en foncier ? Durée, vitesse moyenne, fréquence cardiaque ?
Tout seul je vais faire 29-31 km/h de moyenne ( c'est plat la touraine) pour 5h, 120-130puls de moyenne. En groupe cela roule un peu plus vite mais avec les longs relais, la FC baisse énormément. En stage hivernal, je me suis déjà vu faire 6h à 110 puls de moyenne et 33 de moyenne (parcours plat).
Mais je ne fais pas beaucoup de sorties foncières : trop monotones, j'y intègre vite des exercices : force, vélocité
25. Enfin, côté alimentation, qu’apportes-tu avec toi pour tes sorties d’entraînement ?
J'emporte toujours une pâte de fruit et une barre; on ne sait jamais …
Mais au delà de 3h, j'emmène un peu plus bien sûr ( 5-6 barres) avec des bidons de poudre énergétique. Je n'emmène pas tant à manger que ça car contrairement aux courses où nous avons minimum 3h entre le petit déjeuner et le départ, je pars m'entrainer juste après mon petit déj.
Encore merci à Jérémy Roy qui a bien voulu prendre le temps pour répondre aux questions.
Je vous conseille vivement d'aller voir le site officiel de Jérémy Roy (chose rarissime dans le milieu, c'est lui même qui a créé son site et qui l'alimente) avec notamment sa lettre ouverte 2012 qui semble faire son effet dans le milieu du vélo !
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