Présentation

Canyon, avec ce vélo, voulait bien sûr faire une belle démonstration de son savoir-faire en matière de carbone, comme c'est le cas de la plupart des marques depuis quelques années. Mais la marque ne voulait pas d'un vélo "salon" destiné uniquement à être exposé ou limité à des coureurs de moins de 60kg. Ce modèle, comme tous les autres vélos Canyon, est utilisable par un cycliste dans la limite de 120kg (vêtements et accessoires inclus).

665g pour le cadre en taille M et 270g pour la fourche, ça cause. Pour arriver à ces performances, Canyon utilise des fibres Ultra High Modulous. L'utilisation même de ces fibres nécessite la permission du ministère de la défense japonaise.

Le résultat, ce sont deux vélos, l’Ultimate CF EVO 10.0 SL (testé ici) et l’Ultimate CF EVO 10.0 LTD (équipé d'un groupe SRAM Red eTap). Mais pour satisfaire tous les cyclistes, Canyon propose aussi son Ultimate CF EVO en kit cadre complet (3299€ en version électrique ou mécanique), incluant l’Aerocockpit H36 CF et la tige de selle S15 VCLS 2.0.

Sans surprise, le cadre reprend exactement la même géométrie que la version Ultimate CF SLX, seule la fibre de carbone change. Les moules sont identiques, mais plus de 400 pièces de carbone composent le cadre.

Un seul coloris disponible, noir mat surmonté de quelques autocollants orange.

Dans cette version pour transmission mécanique, l'intégration de la câblerie est bien pensée. La finition du cadre est parfaite, mais on en attend pas moins pour un vélo facturé 10000€.

Le serrage de selle est caché derrière l'étrier de frein arrière. Il est situé relativement bas afin de permettre à la tige de selle une plus grande flexibilité, ce qui accroît un peu le confort.

En sortant le vélo de son carton de livraison, la légèreté est clairement impressionnante. Je suis pourtant habitué à des vélos relativement légers, souvent à moins de 6.8kg. Mais là, encore 2kg de moins, on se demande même comment cela peut être possible, mais je vous rassure, ce vélo répond à toutes les normes de sécurité en vigueur.

Equipement

Malgré la légèreté du cadre et de la fourche, pour arriver à un vélo qui passe sous la barre des 5kg, il fallait opter pour des périphériques ultra-légers, mais sans pour autant compromettre la solidité ou la rigidité.

La transmission est dédié au groupe SRAM Red dans sa version mécanique, le groupe de série le plus léger sur le marché. En revanche, le pédalier et les étriers de freins ont été remplacés par des modèles en carbone de chez THM.

THM Clavicula SE pour le pédalier (environ 300g sans les plateaux) qui coûte environ 1150€ à lui seul, ainsi que des étriers THM Fibula à 1230€ la paire qui sont annoncés à 120g sans les patins et porte-patins.

Déjà près de 2400€ rien que pour ces deux produits, voilà qui justifie les 10000€ demandés par Canyon pour ce vélo.

A cela s'ajoutent des roues d'exception, les Lightweight Meilenstein Obermayer avec roulements Ceramic Speed. Seulement 935g la paire et un tarif astronomique de 4700€. Ces roues sont sans doute la version ultime de la légèreté, de la rigidité et du rendement. L'occasion pour moi de les essayer au moins une fois, même si leur profil date un peu aujourd'hui avec une largeur de jante de seulement 20mm.

Des roues montées avec des boyaux Continental Podium TT en 22mm de section.

Pour le cintre et la potence, Canyon est resté sur des éléments maison, V13 pour la potence et Canyon H18 Ergo CF pour le cintre. Pas d'aerocockpit donc, car ce dernier est légèrement plus lourd. La tige de selle est quand à elle le modèle S14 VCLS 2.0 CF qui apporte un peu plus de confort grâce à sa plus grande flexibilité. La selle est une Fizik Antares 0.0 avec double coque carbone qui n'affiche que 140g sur la balance mais présente tout de même un revêtement mousse.

Au niveau des braquets, la marque allemande a préféré la polyvalence avec un 50x34 associé à une cassette 11-28.

On le voit, du très très haut de gamme. Si l'on ne tient compte que du prix du pédalier, des freins et des roues, on atteint déjà la somme rondelette de 7100€ !

Un vélo à retenir par grand vent

Le jour de la séance photo sur le vélo, le vent soufflait fort sur la région toulousaine. Des rafales à plus de 80km/h.

Alors forcément, quand on associé un vélo à tout juste 5.2kg avec ses pédales, équipé de roues de 47.5mm de haut, ça fait un peu voile. Ces quelques photos ont été réalisées sans aucun trucage.

Lors des plus fortes rafales, à plus de 90km/h, le vélo pouvait rester à l'horizontale au bout de mon bras. Essayez de faire la même chose, ne serait-ce qu'avec un vélo à 6.5kg !

Pas de risque que le vélo soit emporté par le vent, mais il ne faudra pas le poser n'importe où.

Sur la route

Je ne vous cache pas que plus encore qu'un autre vélo, j'étais impatient d'enfourcher ce vélo. Imaginez donc, 6.8kg avec les pédales, les deux bidons pleins, le compteur et le boyau de rechange sous la selle.

Première impression, le vélo est plus "sec" que le Canyon Ultimate CF SLX 9.0 Aero que j'avais pu tester. Forcément, avec des boyaux de 22mm de section mais aussi des roues entièrement en carbone dont les capacités de filtration sont quasi inexistantes (le cahier des charges Lightweight était limité à 3 lignes, légèreté, rendement et rigidité !), même en gonflant à seulement 6.5 bars, l'avant ne filtre pas trop les irrégularités de la route.

A l'arrière, le bilan confort est un peu meilleur grâce à la tige de selle VCLS. Mais globalement, s'il est plus communicatif au niveau des aspérités du bitume, le vélo reste tout de même plutôt agréable. A mon avis, il gagnerait à être équipé de boyaux de 25mm pour offrir un peu plus de confort (même si cela grève légèrement le poids).

Sur le plan dynamique, le vélo ne semble pas avoir perdu en vivacité malgré son régime, même si la rigidité semble légèrement inférieure. A mon avis, un coureur pro ou un coursier puissant pourrait être déçu. Mais un cyclosportif moyen trouvera là un vélo plus agréable à emmener, plus vivant.

En bosse, le vélo est dans son domaine de prédilection. Forcément, avec environ 2kg de moins qu'un vélo habituel, ce sont environ 10 watts qui sont économisés sur des pentes à 7% environ.

Et chaque accélération devient redoutable à son guidon, le vélo n'accélère pas, il surgit. Seul bémol, quand on est en danseuse, les roues ou pour être plus précis les rayons font un peu de bruit. C'est en fait le mode de construction qui engendre cette légère nuisance. Les rayons en carbone sont collés au niveau où ils se croisent (une ligature carbone en gros), mais les rayons qui ne sont pas en charge bougent légèrement, ce qui fait un peu de bruit.

Par contre, la rigidité de ces roues est surprenante en regard de leur masse. Même sur des sprints, les pistes de freinages ne viennent à aucun moment toucher les patins.

Leur profil en V commence à dater et en roulant avec ces roues, on se rend compte de l'intérêt des jantes qui ont adopté un profil en U. Les Lightweight sont en effet plus sensibles que leurs concurrentes en cas de vent latéral. Bien sûr, le poids de l'ensemble roulant y est pour quelque-chose, mais pour avoir testé ces roues sur un second vélo, on se retrouve plus déstabilisé en cas de vent de côté.

En descente, le vélo reste précis et fort agréable à balance de courbe en courbe. Par contre, si les freins THM Fibula permettent de ralentir correctement le vélo à des vitesses de moins de 50km/h, il faudra oublier les freinages tendus réalisés le plus tard possible et à haute vitesse.

On atteint rapidement la puissance maxi.... qui est bien en deçà de ce que proposent Campagnolo, Shimano ou SRAM par exemple. Les Fibula sont magnifiques, ultra légers, mais arrive un moment où on a beau appuyer plus sur les leviers de freins, la course de ces derniers s'allonge mais la décélération reste la même. Comme si ces étriers n'étaient pas assez rigides et qu'à forte sollicitation, l'étrier se déforme plutôt que d'appliquer plus de force sur les patins.

Si vous ne roulez que sur des terrains vallonnés et plutôt sur le sec, la puissance des Fibula sera moyenne mais ça peut passer. Pour la montagne, oubliez, ou alors il vous faudra sacrément anticiper chaque freinage !

Sur le plat, les roues avec leurs roulements céramiques sont un régal une fois le vélo lancé. Mais le faible poids du vélo s'apprécie quand même moins dans ces conditions, sauf sur de grosses relances.

Même sur des sorties longues, ce vélo est agréable et le léger manque de filtration, surtout à l'avant, n'est pas réellement préjudiciable. Après plus de 4 heures, on prend toujours du plaisir sur le vélo. A l'arrière, la tige VCLS peut dérouter au début, car elle bouge pas mal et donne l'impression de pomper, mais on s'y fait rapidement.

Bilan

Oui, le Canyon Ultimate CF EVO 10.0 SL est un vélo exclusif et cher. Encore que, ce tarif de 10000€ est à relativiser puisque comme indiqué plus haut, les roues, le pédalier et les freins font déjà grimper la note à 7000€. Ajoutez-y le cadre à 3299€ et on est déjà aux 10000€ demandés. En gros, la transmission SRAM Red, les boyaux ainsi que la selle sont offerts !

Ce qui pourrait être considéré comme un vélo vitrine (ce qu'il est aussi) n'est pas limité à un piédestal. Ce vélo est parfaitement utilisable au quotidien pour les cyclistes fortunés qui sont prêts à faire quelques sacrifices, notamment du côté du freinage.

Les seuls points faibles de ce vélo sont en effet le freinage, pas assez puissant sur les descentes rapides, mais aussi les roues, qui sont certes très légères et rigides, mais dont le profil commence à dater, ce qui se ressent quand on pédale avec du vent de travers.

L'Ultimate CF EVO 10.0 LTD à 13000€ sera sans doute plus polyvalent. Certes, pour 3000€ de plus, il pèse près d'un kilo de plus, mais il bénéficie du poste de pilotage aerocokpit, d'un groupe SRAM Red eTap sans fils et aussi de vrais freins, puisqu'il conserve les étriers SRAM Red. De quoi monter peut-être un peu moins vite, mais descendre un col avec beaucoup moins de craintes...

Preuve s'il est était besoin que les 6.8kg de limite UCI sont aujourd'hui dépassés. Certes, un pro sera sans doute trop puissant pour ce type de vélo, mais une limite à 5.5kg pourrait aisément être appliquée.