Essai du système pédales PW8 et chaussures Ekoï C12 Pro
Par Test matériel - Commentaires : 24 .
le jeudi 29 mai 2025 08:53 -Ces nouvelles pédales, vous les avez déjà vues dès 2024 si vous êtes fidèles à Matos Vélo, puisque je les avais aperçues sur l'Etoile de Bessèges 2024, quelques minutes avant leur interdiction en course (formalités administratives obligent !).
Je fais partie des quelques journalistes qui ont pu participer à la présentation de ce système pédales PW8 et chaussures Ekoï C12 Pro. Un système, puisqu'à l'heure actuelle, seules ces chaussures Ekoï C12 Pro sont compatibles avec les pédales PW8, l'ensemble étant vendu sous forme d'un pack à 549.98 €.
Une innovation dans le monde des pédales, qui promet plus de performance. Mon avis après plus de 1000 kilomètres avec l'ensemble PW8.
Présentation
Les promesses concernant cet ensemble sont nombreuses. Plus légères, plus efficaces grâce à une surface d'appui plus grande et une hauteur de seulement 8 mm entre la pédale et la chaussure, plus aérodynamique et enfin, un système facilitant la marche.
Décryptons tout cela en commençant par le coeur du système, les pédales PW8. La pédale PW8 (PW = Power et 8 = 8 mm) est développée en France et fabriquée en France.
On ne va pas se le cacher, la pédale PW8 est esthétiquement spéciale, puisqu'elle rompt avec toutes les pédales auxquelles on est habitué depuis plus de 40 ans.
Les deux lettres PW font référence au gain majeur procuré par le concept, à savoir la puissance (= POWER). Même si pour l'heure, aucun chiffre n'a été officiellement été avancé à ce sujet. Il faudra pour cela attendre des données chiffrées réalisées par un organisme indépendant.
Le chiffre 8 indique la distance en mm axe/semelle (hauteur d'appui). Pour avoir discuté avec plusieurs ingénieurs spécialisés dans le domaine du vélo, jamais aucune étude n'a pu prouver de gain lié à une réduction de cette distance. Tout juste pourra-t-on obtenir un gain aéro qui restera marginal.
Les PW8 paraissent gigantesques, avec leurs 13 cm de longueur qui lui confèrent sa surface d'appui de 1500 mm². Là encore, les ingénieurs que j'ai pu interroger n'ont jamais mesuré de gain avec une surface d'appui plus grande. La rigidité des semelles carbone et des pédales est telle que même sur 100mm², on peut aisément passer 1500 watts sans aucune perte.
J'avais des doutes sur la surface de 1500 mm² avancée par Ekoï et je pensais, à tort finalement, que les 1500 mm² étaient sur-estimés. Mais après avoir bien étudié les surfaces de contact entre la chaussure et la pédale (parties avec des traits blancs sur ma pédale), les 1500 mm² y sont bien. C'est bel et bien le double d'une Lok Keo Blade par exemple.
Des pédales très fines et légères, puisque j'ai pu les peser à 105 grammes pièce. Il faut ajouter 15 grammes pour la paire de cales, et on arrive à un total de 225 grammes, pédales + cales.
Ces pédales sont équipées d'axes chromoly, mais des axes titane sont d'ores et déjà en préparation pour la seconde moitié de 2025, permettant à chaque pédale de descendre à 85 grammes environ.
Un concept qui fonctionne avec deux cales, une avant et une arrière. Chaque pédale est fournie avec une paire de cales permettant 4 libertés angulaires : 0/1.5° ou 3/6°. Sur la photo ci-dessous, j'ai utilisé la cale 0/1.5°, positionnée de telle sorte que j'ai une liberté angulaire de 1.5°.
L'un des avantages de ce système de cale "double", c'est que l'on peut facilement les changer sans se prendre la tête pour conserver son réglage. En effet, les vis du bas sont solidaire de celle du haut. Si vous dévissez la partie haute de la cale seulement, le réglage ne bouge pas vu que la cale en bas est toujours vissée. Et vice-versa.
Ekoï avance une distance de 8 mm entre l'axe et la semelle. Ce qui permet une amélioration de l'aérodynamisme de 11% (testé en soufflerie). Cette réduction de la distance entre l'axe et la semelle de la chaussure implique de baisser la selle de 5 mm. Et bien sûr, dans l'idéal, pour garder la même position, il conviendra de retirer 5 mm d'entretoises sous la potence.
Pas de réglage de tension possible du système pour le moment, mais en revanche, un entretien facilité puisqu'on peut aisément sortir l'axe en dévissant la vis présente sur la plateforme de la pédale au milieu. C'est gage d'une durée de vie améliorée de l'ensemble. A voir si, à l'avenir, Ekoï propose des axes titane en service après-vente pour faire une montée en gamme des PW8.
Toutes les pièces d'usure seront proposées en SAV, comme le système de clipsage qui fonctionne avec un simple ressort et une plaque inox. Peut-être que la marque pourra être amenée, si la demande est là, à proposer d'autres ressorts plus ou moins durs.
Vendues seules, ces pédales PW8 sont à 149.99 € avec leur axe CrMo. Un tarif en droite ligne avec la concurrence, puisque des Keo Blade sont proposées à 149 € pour un ensemble pédales + cales à 300 grammes contre 225 grammes pour les PW8.
A l'heure où j'écris cet essai, les seules chaussures compatibles avec les PW8 sont ces Ekoï C12 Pro Full Carbon. Et elles ne sont pour le moment vendues qu'en pack avec les pédales pour un montant de 549.98 €.
Il s'agit d'une chaussure déjà connue chez Ekoï, le haut de gamme de la marque, avec une semelle carbone et une tige en cuir véritable. Attention, la version en photo ici, avec logo PW8, n'est pour le moment pas commercialisée et est réservée à l'équipe professionnelle Nice Métropôle Côte d'Azur.
Annoncées à 280 grammes en taille 42, j'ai pesé ma paire à respectivement 292 et 294 grammes.
La tige est totalement micro perforée et les différentes pièces sont cousues. Un process plus onéreux que des parties collées, mais largement plus durable. Le cuir étant par nature lui aussi respirant, ces chaussures devraient être agréables à porter même en été.
Pour le serrage, la marque française ne s'y est pas trompée et a fait appel au BOA Fit System avec Dual-Dial Li2. Un système qui a un coût, puisque d'après quelques informations glanées auprès de plusieurs industriels de la chaussure, équiper des chaussures de 4 disques BOA Li2 représentent un coût de près de 30 € hors taxes sur une paire de chaussures. Mais c'est l'assurance d'avoir un système de serrage fiable, qui fonctionne bien et est garanti à vie.
Des chaussures de la gamme Pro qui offrent donc un chaussant proche du pied, mais on remarque tout de même que le volume sur l'avant du pied est plutôt généreux par rapport à d'autres modèles concurrents. Un bon point de l'avis de nombreux podologues. D'ailleurs, beaucoup de marques modifient leurs nouveaux modèles pour des chaussants plus larges.
Au niveau du talon, on trouve une partie avec beaucoup de mousse qui vient maintenir le talon via le tendon d'Achille lors de la remontée de la pédale. Un système simple mais qui a déjà prouvé son efficacité par le passé.
A l'intérieur, on trouve des semelles Ortholite bi-densité pour apporter du support à l’arche et au talon ainsi qu'un "Méta pad" pour favoriser le retour veineux au pédalage et éviter gênes à l’avant du pied en écartant légèrement les orteils.
Mais le plus important sur ce modèle se situe au niveau de la semelle. En effet, celle-ci est spécialement conçue pour les pédales PW8 avec des inserts de vis de cales spécifiquement positionnés et des patins de protection revus.
C'est une conception totalement différente des autres chaussures qui fait que les cales sont parfaitement protégées durant la marche. Pour cela, cette semelle 1000% carbone reçoit des patins en TPU réalisés par Michelin.
A l'arrière, un patin assez traditionnel, mais à l'avant, ces patins sont bien plus généreux et sont répartis tout autour de la cale avant. On constate que les repères millimétriques sont peu nombreux sur la semelle. En effet, les cales PW8 n'autorisent qu'un réglage longitudinal.
Une entrée d'air est présente sur l'avant du pied et une sortie d'air sous la voûte plantaire.
Sur les photos ci-dessous, réalisées après 100 km environ, on remarque par contre que les pédales PW8 marquent assez rapidement la semelle en carbone.
Après avoir essayé plusieurs tailles chez Ekoï, j'ai pu confirmer que cette chaussure est assez large pour qu'une taille 42 soit parfaite pour moi.
Alors oui, elles sont certes moins fines du côté du design, mais le confort prime avant tout, là où certaines marques avaient poussé le bouchon bien trop loin en faisant passer l'esthétique avant l'ergonomie bien souvent.
Rien à dire du côté des finitions, c'est parfait. Pas de fabrication en France comme les C12 Light Matryx, mais une fabrication au Cambodge. Dommage, mais le tarif aurait sans doute été 40% plus cher en faisant réaliser ce produit en France.
Sur la route
Mes premières craintes concernant ce concept venaient du clipsage, mais encore plus du déclipsage. Après des décennies de pratique, avec des pédales Look ou Shimano, je me demandais s'il fallait tout réapprendre.
Mais non, clipsage et déclipsage sont naturels. Un clipsage hyper facile, à la Time, quasi sans effort et un clipsage qui se fait tout aussi aisément avec une rotation du pied. Bref, si vous êtes habitué à utiliser des pédales automatiques, la transition se fait tout naturellement et facilement. Il n'y aura pas à craindre le premier stop ou feu rouge !
Au début, la pédale a tendance à rester dans une position horizontale, mais après rodage, elle prend un peu plus facilement une position verticale facilitant l'enclenchement, sans que ça ne soit jamais aussi fluide que chez Look ou Shimano, la pédale pouvant parfois être à la verticale mais pas dans le bon sens. Rajouter une masse sur la partie arrière de la pédale aiderait, mais ce serait au détriment du poids de la pédale. Pour moi, ce n'est pas un gros défaut, je déclenche peu souvent lors de mes sorties.
A noter que si Ekoï préconise de ne pas serrer les vis des cales au-delà de 3 Nm, un couple de 4 Nm semble plus adapté. A 3 Nm, j'ai eu à deux reprises une cale qui se dévissait très légèrement, provoquant du bruit à chaque tour de pédale à cause du jeu.
Mais avant même de pédaler et clipser les pédales, le gros changement vient en effet de la marche. Plus de cales proéminentes qui dépassent et des patins qui offrent un bon grip, même sur du carrelage. Certes, on ne marche pas comme avec des chaussures de ville à cause de la rigidité de la semelle carbone, mais en dehors de ça, on peut très facilement marcher voire courir.
Idéal à mon avis pour ceux qui ont besoin de régulièrement s'arrêter (pause café par exemple), marcher, sans pour autant opter pour des chaussures cyclos, souvent très souples. Ici, Ekoï arrive à marier le meilleur des deux mondes, rigidité de la chaussure et facilité de marche.
Ekoï avance une gestuelle plus souple, un mouvement de rotation plus rond car la phase de tirage interviendrait plus tôt, réduisant les points morts. Le tout associé à un gain de puissance.
Pour le gain de puissance, je n'ai pas pu mesurer la moindre différence, mais je pense que si gain il y, il est tellement minime qu'il doit être à la limite du mesurable. Tout au plus pourra-t-on gratter quelques watts en raison des 5 mm de gain en hauteur de l'ensemble du cycliste puisqu'on baisse la selle et la potence de cette hauteur.
Pour tout le reste, idem, je n'ai sincèrement pas constaté de pédalage plus rond ou autre. Mais il s'agit là d'un domaine hyper subjectif à mon avis. Que ce soit à la poussée ou au moment du tirage, je n'ai pas senti de différence par rapport à des pédales Shimano par exemple.
A noter qu'aucun bruit parasite ne vient entacher l'expérience, même sous la pluie.
En revanche, la chaussure se montre très confortable avec un excellent maintien du pied. Ces Ekoï C12 Pro font partie des rares chaussures qui me permettent de me dispenser de changer les semelles internes par des modèles spécifiques avec un soutien de la voute plantaire (Specialized ou Trek voir mon article à ce sujet).
Aucun échauffement du pied ou de fourmillement même après 4 heures à pédaler.
La semelle se montre très rigide et satisfera les coureurs les plus exigeants et puissants, sans pour autant faire l'impasse sur ce confort, indispensable pour qui veut aligner des heures et des heures de selle.
Le double serrage BOA Li2 est connu et permet de parfaitement adapter le maintien à l'avant du pied et sur le cou-de-pied. Une chaussure qui se montre suffisamment ventilée pour l'été.
Par contre, si vous roulez sous la pluie, impossible d'utiliser des couvre-chaussures prévus pour des cales à fixations 3 points (Look, SPD ou Time). Il faudra attendre que Ekoï proposer des couvre-chaussures spécifiques PW8.
Usure
Après un millier de kilomètres à utiliser cet ensemble PW8, il est temps de faire un point sur l'usure générale.
Premier point, la longueur de la pédale demandera à faire attention, car à l'arrêt, si vous avez une manivelle en bas, la pédale pourra facilement frotter le bitume. Mais en ayant ça en tête, on y fait rapidement attention.
Ensuite, la plaque en inox située sur la partie centrale présente quelques traces de frottements, mais rien de bien problématique, c'est très superficiel et ça se nettoie facilement à l'alcool par exemple.
Le corps présente en revanche une trace de frottement un peu plus marquée sur l'avant à droite. Mais le corps composite carbone n'est pas entamé pour autant. A surveiller sur la durée par contre, notamment si Ekoï venait à proposer un modèle avec corps 100% carbone bien plus léger.
La semelle est elle aussi un peu plus marquée comme vous pouvez le constater. Et ces marques sont bien dues à la liaison pédale / chaussure et non à la marche, hormis au niveau des patins, mais qui sont eux prévus pour ça.
Bilan
Si Ekoï présente ce système comme révolutionnaire, côté performances, je reste sur ma faim. Non pas que les PW8 soient mauvaises, loin de là, mais en plus de 1000 km, impossible de constater une augmentation de watts transmis ou même un pédalage plus rond pour ma part.
En revanche, le côté marche facilitée est clairement un point de bascule par rapport à la concurrence pour des pédales et chaussures orientées compétition. Pour ceux qui sont amenés à souvent marcher avec les chaussures vélos, il faut souvent se rabattre sur des modèles cyclo avec bien souvent des pédales VTT, le tout étant peu compatible avec la rigidité nécessaire à la transmission de la puissance.
Ici, le système PW8 concilie les deux. Reste qu'avec un pack à 549.98 € actuellement, cela reste onéreux pour beaucoup. Ne reste plus qu'à Ekoï (et peut-être d'autres marques) à proposer des chaussures plus accessibles pour sans doute atteindre le plus grand nombre des cyclistes qui pourraient être intéressés par cet ensemble.
Et Ekoï a le mérite de prendre un risque en innovant sur un marché des pédales relativement inerte en termes d'innovations.
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