1. L'équipe FDJ.fr n'est pas sponsorisée par SRM et vous utilisez pourtant leur système, le plus cher du marché. Avez-vous envisagé de travailler avec d'autres capteurs de puissance comme Pioneer, Quarq ou Power2Max ?
Non. SRM est à ce jour le capteur de puissance le plus fiable et le plus précis. Nous utilisons aussi des roues Powertap pour les séances derrière scooter car la télémétrie Powertap a une plus grande portée, ce qui permet au pilote du scooter d'avoir les informations de puissance du coureur en direct.

Nous achetons tous nos SRM auprès de la société Matsport qui peut assurer un SAV rapide. De plus, SRM a le gros avantage par rapport aux autres de pouvoir être recalibré par nous-même 3 ou 4 fois par an sans retour chez la marque.
C'est un gros plus car nous savons au moins que les données du capteur sont justes.

2. Avez-vous étudié la précision de ces autres systèmes, notamment les capteurs dans les pédales (Garmin Vector et Look Keo Power) ou le système Stages Cycling des Sky ?
Nous n'avons pas testé tous les modèles, mais notre fournisseur, Matsport réalise régulièrement des tests. Les autres marques sont moins précis, surtout les systèmes dans les pédales ainsi que Stage Cycling (utilisé par Sky). Je pense que l’équipe Sky doit travailler sur le développement de ce capteur.

3. Shimano a déposé un brevet pour un capteur de puissance intégré au pédalier. En avez-vous eu écho ?
Oui, Shimano travaille effectivement sur un capteur mais ne le commercialisera qu'une fois qu'ils seront au moins aussi fiables et précis que SRM.
Je n'en sais pas plus, le développement est toujours en cours.

4. On parle de plus en plus de gains marginaux. Les vélos et les coureurs sont-ils arrivés à une limite d'optimisation ?
Julien-Pinot-3.jpgNon, je ne pense pas que nous soyons arrivés aux limites. Le matériel est de plus en plus important. Nous sommes actuellement limités par le poids limite de 6.8kg pour les vélos (atteint avec des roues C24), mais cette limite devrait d'ici peu sauter. Dans ce cas, nous atteindrons sans doute les 6.8kg, voire moins, avec des roues plus hautes type C50.

Il y a encore de gros gains à aller chercher au niveau de la chaine et des boyaux, mais il faut, comme toujours, trouver le bon compromis entre la longévité et le rendement.

5. Les boyaux de 25mm sont utilisés par la FDJ.fr depuis plusieurs saisons. Y a-t-il un réel gain de rendement par rapport aux 23mm ?
Nous utilisons en fait des 24mm actuellement fournis par Schwalbe. Le gain aérodynamique est significatif avec certaines jantes larges. Mais le gain n'est pas seulement aérodynamique, même si je ne peux pas en dire plus.
Nous avons faits nos propres tests en interne qui ce sont révélés très intéressants.

6. Tony Martin semble utiliser des pneus en Contre la Montre. Ton avis ?
Nous faisons bien sûr de la veille à ce niveau. Le seul bémol actuellement, c'est qu'il faut arriver à trouver des roues à pneus aussi performantes que les roues à boyaux. C'est actuellement la seule contrainte du pneu.

7. Les roulements céramique ne sont pas proposés par Shimano sur les boîtiers de pédalier ou les roues contrairement à leurs concurrents. Est-ce parce-que le gain est faible voire nul ? Avez-vous fait des tests pour le vérifier ?
Nous avons bien sûr fait des tests en interne en échangeant avec nos interlocuteurs de chez Shimano. Mais ces derniers n'ont rien révélé de convaincant par rapport aux roulements d'origine.

8. Êtes-vous impliqués avec les sponsors dans le développement du matériel (Shimano ou Lapierre) ? Si oui, comment ?
Oui, bien sûr. Je suis depuis 3 ans à la FDJ.fr mais encore étudiant en doctorat en sciences du sport avec une thèse qui porte sur deux sujets :

  • L’évaluation du potentiel physique à travers l’analyse de la puissance
  • L’optimisation du materiel en relation avec les partenaires

Fred Grappe a mis en place un département Recherche & Développement au sein de l'équipe et mes activités en font partie.
Nous cherchons avant tout des partenaires avec qui nous pouvons collaborer et avancer ensemble pour faire progresser les produits et la performance des coureurs.
Nous travaillons beaucoup avec Schwalbe et Lapierre. Par exemple, l'Aircode de Lapierre mais aussi le Pulsium ont été largement développés grâce à notre collaboration.
C'est aussi pour cela que nous sommes partenaires avec BTWIN. Ils sont très à l’écoute des retours des coureurs et ont une réelle envie de faire progresser leurs produits.
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9. La qualité de la semelle d'une chaussure et le positionnement des cales a-t-il une réelle importance dans la transmission de la puissance ?
Oui, c'est très important, la semelle doit-être la plus rigide possible, pour limiter les pertes liées à sa déformation, mais ne doit pas provoquer d'échauffement.
La semelle interne est aussi très importante. De nombreux coureurs possèdent des semelles orthopédique pour avoir de bons appuis.

10. Des conseils pour un bon réglage des cales ?
Le réglage des cales se fait surtout aux sensations du coureur. L’étude du pattern de pédalage peut nous orienter dans ces ajustements mais avant tout, nous devons prendre en considération les antécédents du coureur. Quand un coureur passe pro, il arrive à 21/22 ans et a déjà des années de pratique derrière lui. On ne peut pas tout changer, le corps du coureur n'est pas malléable à loisir.

11. Quels conseils donneriez-vous à un cycliste amateur désirant optimiser ses performances ? Amélioration du poids du vélo, roues carbone, roulements…ou plutôt optimisation de l’entraînement via capteur de puissance ?
Il faut surtout miser sur l'entraînement plutôt que le matériel.
Le paramètre le plus important dans la formation du jeune coureur est de lui inculquer un modèle d’entraînement performant afin de savoir préparer des périodes d’objectifs bien définies et ainsi, de mieux se connaître

Par exemple, en junior, Thibaut Pinot a été un des premiers coureurs à investir ses primes de courses dans un capteur de puissance plutôt que des roues carbone.
Il faut bien sûr dans ce cas un entraîneur qui soit au fait de l'entraînement avec capteur de puissance.

Mais de minimes à junior, il est important d'avoir un éducateur présent aux côté du coureur. Pas d'entraînement à distance. Ce n'est qu'à partir d'un certain niveau et quand le coureur commence à bien se connaître que l'entraînement à distance peut devenir possible.

12. Pour toi, est-il possible de réaliser un fractionné de type Gimenez sans capteur de puissance, seulement avec un cardio ? Ou est-ce que la trop forte dérive cardiaque empêche de le réaliser correctement et donc, n’a aucun effet sur les performances du coureur ?
Comme vous l'avez compris, si l'exercice est parfaitement réalisé, on doit observer une dérive cardiaque ce qui rend impossible la gestion avec un cardiofréquencemètre. Je conseille donc d'avantage de se fier aux sensations pour réaliser ce type d'exercice, à défaut d'avoir un capteur de puissance.
Mais même si l'on en possède un, mettre en lien ses sensations et l'analyse de la puissance à postériori permet d'améliorer la connaissance de soi!! Important de ne pas être esclave du capteur de puissance...



Un grand merci à Julien Pinot pour cette entrevue. Il est toujours intéressant d'avoir le regard d'une personne comme lui qui analyse à la fois les performances des coureurs ainsi que les performances du matériel.